J’ai beaucoup hésité à écrire un article sur la situation actuelle en Israël. Je l’ai finalement fait, à la suite de plusieurs demandes. J’espère que mes propos s’accorderont aux enseignements de mes maîtres et à notre tradition.

Je m’excuse pour la longueur de l’article – c’était inévitable –, mais pour que sa lecture soit plus agréable, je l’ai divisé en sous-parties.

Voici mes observations quant aux diverses façons de réagir à cette période difficile.

Comment comprendre l’actualité ?

Il existe apparemment deux raisons qui expliquent l’intérêt porté à l’actualité en général et à ce qui se passe en Israël en particulier. Premièrement, nous pouvons être préoccupés par ce qui se passe dans le monde, vouloir en connaître les conséquences, et nous sommes peut-être inquiets pour nos proches. C’est une raison valable, mais cela ne justifie pas le fait de passer son temps à regarder ou à écouter les informations et à connaître tous les détails des événements.

Le ‘Hazon Ich zatsal préconisait de lire les grands titres des journaux pour avoir une idée générale de ce qui se passe [2]. On peut aussi être poussé à suivre l’actualité par simple curiosité de tout savoir. Cette approche n’est pas correcte, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est inutile et c’est donc une perte de temps. Pour un homme, c’est certainement du bitoul Thora (emploi oisif du temps qui devrait être employé à l’étude de la Torah) et même une femme peut trouver toutes sortes de manières constructives pour porter secours au peuple juif, en temps de détresse.

Par ailleurs, les gens ont souvent tendance à vouloir connaître tous les détails sordides et partager les nouvelles effrayantes qui abondent dans les médias (et qui, pour la plupart, ne sont pas exacts). Cela provoque une peur excessive, voire une paranoïa qui n’est bénéfique à personne.

Comment, dans ce cas, considérer les événements ? La réaction d’Avraham face aux conséquences dévastatrices de la destruction de Sodome et Gomorrhe répond à cette question. « Il [Avraham] contempla Sodome et Gomorrhe… » [3] Le mot employé pour évoquer son regard est « vayachkef ». Il est traduit par regarder, mais signifie en réalité examiner, il s’agit d’un regard basé sur une réflexion profonde [4]. En effet, le terme hébraïque utilisé pour parler de conception, d’idéologie, de vision du monde, est hachkafa, et ces deux mots partagent la même racine.

Cela montre qu’Avraham analysa attentivement la destruction de Sodome. Le Rachbam explique qu’il essayait de trouver dix personnes vertueuses dont le mérite sauverait la ville [5]. Ainsi, même à cet instant de destruction, la bonté débordante d’Avraham était apparente. Ce sont deux approches correctes desquelles on peut s’inspirer en ce qui concerne la guerre actuelle. Il faut considérer les événements de manière sensée et chercher à venir en aide comme on le peut. Je parlerai dans cet article du premier aspect, l’analyse, et si nécessaire, je tenterai de rédiger, la semaine prochaine, un article sur la seconde approche, l’aide à apporter.


Analyse

Les événements survenus ces dernières semaines semblent présenter une dichotomie. D’un côté, nombreux sont ceux qui ont évoqué les miracles qui se produisirent. Notons que plus de 1000 roquettes ont été lancées vers Erets Israël et (au moment de la rédaction de l’article) elles ne tuèrent personne (une personne est malheureusement décédée à cause d’un tir de mortier à proximité de Gaza).

Le rav Moché Sternbuch chlita souligne l’importance de prendre conscience des miracles qui surviennent. Avant de lire les Téhilim habituellement récités [en temps difficiles], il dit Mizmor LéToda (psaume de remerciements à Hachem). Le risque de prendre ces miracles comme une occurrence normale est grand, étant donné qu’ils semblent se produire régulièrement dans notre histoire – on peut parler de la victoire miraculeuse de 1948 sur plusieurs nations arabes, ou encore des 39 missiles « scuds » incapables de tuer plus d’une personne durant la guerre du Golfe, alors qu’un « scud » tombé en Arabie Saoudite tua 25 personnes. Au point que David ben Gourion, qui ne passait pas pour être particulièrement croyant, déclara que tout Israélien qui ne croyait pas aux miracles n’était pas réaliste ! [6]

D’un autre côté, le peuple juif souffre terriblement. De nombreux vaillants soldats ont péri en défendant notre nation et des milliers de personnes subirent des traumatismes que personne ne devrait plus vivre. Comment résoudre cette contradiction ? Les miracles dévoilés d’une part et l’affliction du peuple juif d’autre part. Voici deux approches qui permettent d’aborder cette période.


Hachem dévoile Sa présence même dans les temps durs

Yossef HaTsadik fut jeté dans un puits par ses frères qui désiraient le tuer. Puis, il fut vendu à des commerçants qui l’emmenèrent en Égypte. La Thora précise un détail, apparemment superflu, concernant les wagons qui le transportèrent – ces derniers contenaient des épices aux odeurs agréables. ‘Hazal notent que de tels convois servaient généralement à porter des substances aux odeurs nauséabondes, mais Hachem, dans Sa bonté infinie, plaça Yossef dans un wagon qui sentait bon.

Le rav ‘Haïm Chmoulewitz zatsal demande ce que nous ajoute ce détail ; Yossef vivait un moment terrible, attaqué par ses frères, puis emmené seul en Égypte. Étant donné sa situation, c’était une bien piètre consolation ! Hachem voulait en réalité montrer à Yossef que même pendant cette dure épreuve, alors qu’il semblait abandonné, Il était constamment à ses côtés. Cela nous enseigne que malgré les moments éprouvants que nous traversons et malgré notre incapacité à voir clairement la Providence Divine, Hachem est présent et nous guide sans cesse. Il en est de même aujourd’hui – la souffrance endurée est terrible, mais en même temps, Hachem nous octroie des « épices aux odeurs agréables », qui sont ces miracles grandioses que nous vivons.


Pourquoi Hachem a-t-Il laissé ceci se produire ?

Reste à comprendre pourquoi Hachem a laissé cette guerre éclater. L’une des histoires préférées de rav Noa’h Weinberg peut nous y aider. Il rencontra un jour un jeune homme, non pratiquant, et commença à lui parler des mérites acquis grâce à l’étude et au respect de la Thora. L’homme lui dit qu’il n’avait pas besoin de changer, puisqu’il avait déjà de bons rapports avec D. Comment le savait-il ? Quelque temps auparavant, alors qu’il roulait en moto, il perdit le contrôle du véhicule qui tomba d’une falaise. Malgré sa chute de plusieurs mètres, le motocycliste se releva indemne ! « Vous voyez, cher rabbin, D. et moi sommes en très bons termes ! »

En entendant ceci, rav Weinberg répondit : « Mais qui donc a provoqué cet accident ?! » Il voulait lui montrer que tout provient d’Hachem. C’est Hachem qui lui sauva la vie, mais c’est aussi Lui qui le plaça dans cette situation dangereuse, et cela n’était pas sans raison – c’était une sorte de réveil. Nos Rabbanim nous enseignent qu’à chaque fois que le peuple juif est menacé, et qu’il survit, c’est en réalité un avertissement de la part d’Hachem qui attend un changement de notre part.


Que faire pour changer ?

Question pertinente : quels comportements, quelles actions devons-nous modifier ? Certains estiment connaître la raison exacte de ce qui arrive – ils diront que c’est à cause de telle ou telle faute. Comme le dit rav Berkovitz, ils mettent souvent en relief une mitsva qui les affecte ou qui les intéresse particulièrement. Une autre approche, certainement louable, est de donner toutes sortes de leçons – « nous devons tous faire techouva », « il faut être plus unis ». Bien que ces messages soient positifs, on peut les trouver trop vagues et ne pas savoir sur quoi se concentrer – nous savons tous qu’il est concrètement impossible de faire techouva sur toutes nos fautes en une fois.

Sur quoi devons-nous alors travailler ? Premièrement, il faut être conscient que le principal est d’essayer de s’améliorer d’une quelconque façon, peu importe dans quel domaine. Hachem veut que nous nous rapprochions de Lui, que notre avodat Hachem soit meilleure. Il est donc conseillé de considérer notre propre situation, nos défis personnels et de décider de travailler ou de prendre un engagement dans cette discipline [7].

Cela dit, certains enseignements spécifiques peuvent être tirés de divers éléments propres à ces épreuves, comme la période de l’année, la nature de la menace ou de la tragédie. Bien entendu, seul un prophète peut connaître la raison exacte de ce qu’envoie la Providence Divine, mais même sans prophétie, il nous reste les paroles des guedolim (érudits exceptionnels en Thora, dirigeants spirituels de la génération) qui, grâce à leur connaissance immense en Thora et à leurs intentions pures, sont capables de nous guider et de déterminer les domaines sur lesquels il faut se concentrer. ‘Hazal affirment d’ailleurs que « ‘Hakham adif miNavi » — un sage vaut mieux qu’un prophète. Les prophètes nous disaient pourquoi des événements qui semblaient malheureux, survenaient.

Mais un ‘Hakham peut nous apprendre plus que cela, car grâce à son daat Thora (point de vue de la Torah), il peut diffuser les messages qu’Hachem nous adresse.


L’enseignement du ‘Hatam Sofer

À ce propos, analysons les paroles de l’illustre ‘Hatam Sofer zatsal. En 1809, sa ville natale, Pressbourg, fut brutalement, et sans raison apparente, attaquée par les canons français. La terreur était indicible, mais par miracle, personne ne fut blessé et peu de dommages furent occasionnés sur les propriétés. Il parla de l’aspect miraculeux, mais également des leçons à prendre de cet épisode effrayant [8]. Chose incroyable, l’attaque commença le 8 Tamouz, comme la guerre actuelle ! Le terme hébraïque utilisé pour décrire ces canons était « ‘hitsim », qui signifie « flèches ». ’Hazal donnent le qualificatif de « ‘hitsim » à trois avérot. Étant bombardés par des « flèches » modernes, ses propos s’appliquent certainement à l’actualité.


Le Lachon Hara.

L’une des fautes appelées « ‘hitsim » est le lachon hara ; le Navi [9] compare les mots de lachon hara à un « ‘hets » : ils sortent, visent et atteignent une cible lointaine. Le ‘Hatam Sofer affirma que les gens devaient se repentir du lachon hara. L’offensive de l’époque ainsi que celle de cette année survinrent durant les trois semaines où nous pleurons la destruction des Temples. L’enseignement du ‘Hatam Sofer est donc d’autant plus pertinent.

Comme nous le savons, le deuxième Beit HaMikdach fut détruit à cause de la sinat ‘hinam (la haine gratuite) et le ‘Hafets ‘Haïm zatsal écrit que l’une des manifestations les plus claires de haine gratuite est le lachon hara. Il est donc évident que c’est un domaine clé qu’il convient d’améliorer en ces temps. Mais il ne suffit pas de s’engager simplement à dire moins de lachon hara. L’unique façon de faire face à ce défi constant est d’étudier régulièrement les halakhot (lois) et la hachkafa (l’idéologie) du lachon hara ; elles sont présentes dans les ouvrages du ‘Hafets ‘Haïm.

Même une étude quotidienne de cinq minutes nous aidera à nous améliorer dans cette discipline fondamentale et complexe de la avodat Hachem.

Puissent tous les Juifs vivre en sécurité sur notre terre.



[2] Propos entendus de mon rav, le rav Its’hak Berkovits chlita.

[3] Beréchit, 19:28.

[4] Parfois, ce regard est négatif, comme dans Beréchit, 18:17, et parfois, il est positif, comme dans Devarim, 26:15. On parle ici d’un regard qui ne provient pas d’une simple curiosité, mais d’une analyse profonde.

[5] Voir Seforno pour une autre raison expliquant ce qu’Avraham y cherchait.

[6] Il faudrait un autre article pour comprendre pourquoi cette observation n’a pas provoqué de changement radical dans sa façon de penser ni dans son mode de vie !

[7] C’est l’approche du rav Berkovits durant le mois d’Eloul et les Yamim Noraïm. En réalité, elle est applicable tout le temps, et particulièrement durant les épreuves. (Je peux envoyer plus d’articles sur le sujet. Toute personne intéressée est priée de m’envoyer sa demande par e-mail).

[8] Drachot ‘Hatam Sofer, 2ème volume, Darouch le‘Heth Tamouz. Tiré d’un article du rav Moché Berkovitz, paru dans Hamodia [version anglaise], 26 Tamouz.

[9] Yirmiyahou, 9:7.