Dans la Paracha de Kora'h (16, 14), il est écrit : "הַעֵינֵי הָאֲנָשִׁים הָהֵם תְּנַקֵּר לֹא נַעֲלֶה" (Crèverais-tu les yeux de ces hommes ! Nous n’irons point !)

Par cette déclaration, Datan et Aviram signifiaient : « Même si tu dépêchais auprès de nous des envoyés chargés de nous crever les yeux si nous refusons de monter à toi, nous ne monterons pas » (Rachi).

Ils démontraient par là à quel point la haine emplissait leur coeur : ils préféraient avoir les yeux crevés plutôt que de devoir se réconcilier avec Moché ! C’est pourquoi la colère de ce dernier s’enflamma contre eux (Or Hah’aïm).

Jusqu’où peut conduire le feu de la dispute ! Datan et Aviram s’étaient tellement enflammés dans leur querelle qu’ils ne mesurèrent plus la portée de leurs paroles ! (’Hafets ’Haïm)

Le ’Hafets ’Haïm racontait à ce sujet comment, dans une petite bourgade, les relations s’envenimèrent entre le chef du village et son voisin. Ce dernier menaça de dénoncer aux autorités les activités illégales auxquelles s’adonnait le jeune préposé du chef. Son épouse tenta de le raisonner : ce même jeune homme avait permis par son intervention d’empêcher l’enrôlement de leurs fils dans l’armée. Si sa malhonnêteté venait à être révélée, leurs fils seraient également emprisonnés ! Dans son emportement et sa colère, le mari laissa échapper : « Tout en vaut la peine ! Oui, il vaut la peine de voir ce jeune homme et nos fils emprisonnés pourvu qu’on fasse perdre à celui-là sa position ! » En effet, quand on en arrive à la dispute, les protagonistes s’entêtent à tel point que leurs oreilles deviennent sourdes même aux paroles que leur bouche prononce… (Maassé Lamelekh)

Rabbi Naftali de Rophshitz expliquait le verset (Téhilim 106, 16) : « Ils en voulurent à Moché dans le camp, à Aharon le saint de l’Eternel » de la manière suivante : quelle que soit l’attitude adoptée par le juste, ceux qui recherchent la querelle trouveront toujours à redire et à dénigrer son comportement. S’il s’isole, occupé jour et nuit par la Torah et le service divin, ils feront remarquer que le monde ne retire de lui aucun profit, qu’il n’est d’aucune utilité. S’il se mêle au contraire à la population et se place au service du public, ils affirment qu’il perd son temps dans la compagnie du peuple et réduit d’autant son étude. « Ils en voulurent à Moché » – qui enseignait constamment la Torah dans sa tente, située hors du camp, et lui reprochèrent de ne pas s’installer au sein du peuple et d’ignorer la société des hommes. « et à Aharon le saint de l’Éternel » – qui lui se mêlait au public, occupé à ramener la paix entre ses congénères, s’intéressant à la situation de chacun en particulier, en faisant valoir qu’en tant que « saint de l’Éternel », il eut mieux fallu qu’il fixe sa résidence dans la maison d’étude…

Quand les juifs orthodoxes s’abstenaient de se mêler des affaires publiques, on ne manquait pas de les traiter de paresseux et de bons à rien, éloignés de la société. Puis, quand ils commencèrent à participer à la vie sociale, on entendit s’élever une nouvelle plainte : « Pourquoi vous mêlez vous des affaires publiques, votre place est dans la maison d’étude… » Telle est la voie empruntée de tous temps par les Datan et Aviram en tous genres… (Ma’asht)