La Paracha de cette semaine, Pin'has, débute par le récit de l’acte zélé de Pin’has qui tua Zimri et Kozbi. Notons que Pin’has est issu de la tribu de Lévi et que Zimri vient de celle de Chimon et ce n’est pas la première fois que ces deux tribus sont liées dans la Torah. Dans la Parachat Vayichla’h, Chimon et Lévi ont anéanti toute la ville de Chékhem parce que son prince, également prénommé Chékhem, avait abusé de leur sœur Dina. La Torah les décrit alors comme des « frères », indiquant ainsi qu’ils agirent de la même façon. Dans la Parachat Vayé’hi, Yaacov Avinou les appelle aussi « frères »[1], mais critique leur zèle, maudit leur colère commune et précise qu’ils doivent être séparés. Leur destin ne s’est plus croisé jusqu’à l’incident de Baal Péor où ils se sont opposés – Zimri commet une faute avec la princesse de Midiane – Kozbi – et Pin’has les tue, tous deux. De plus, ’Hazal affirment que la tribu de Chimon était également impliquée dans la faute[2] et protesta à la suite du meurtre de Zimri, mais Hachem fait l’éloge de cet acte qui était justifié et « Léchem Chamaïm ». D’après les effectifs des différentes tribus après cet incident, il est évident que les principaux fauteurs à Baal Péor étaient issus de la tribu de Chimon, étant donné que le leur, diminue de manière significative, preuve que plusieurs d’entre eux moururent dans l’épidémie qui suivit – qui était une punition pour ces fautes.

Une question évidente peut être soulevée : comment se fait-il que les voies de Chimon et Lévi déviassent tellement alors qu’au départ, elles étaient si proches ? La réponse se trouve dans une explication du Natsiv sur l’épisode de Chékhem[3]. Bien que les deux frères aient agi ensemble pour anéantir Chékhem, leurs motivations furent très différentes. Chimon prit principalement en considération la répugnance pour ce que Chékhem avait fait à Dina, membre de l’illustre postérité de Yaacov Avinou ainsi qu’à la honte causée à la famille. En revanche, Lévi fut motivé par l’outrage à la sainteté du peuple juif, qui ne comptait à l’époque que les femmes, les enfants et les petits-enfants de Yaacov – il considérait tout de même qu’ils formaient une nation. Ainsi, Chimon fut animé par la loyauté familiale tandis que Lévi fut stimulé par celle vis-à-vis d’Hachem, et par extension, par la sainteté de Son peuple élu.

Rav Ouziel Milevsky souligne cette différence de motivation dans la description que fait la Torah de la réaction des deux frères suite au crime de Chékhem : « Les fils de Yaacov revinrent du champ lorsqu’ils entendirent, les hommes s’affligèrent, ils s’enflammèrent beaucoup. Car on avait fait une infamie en Israël en se couchant avec la fille de Yaacov et ceci ne se fait point. »[4] Rav Milevsky explique que quand la Torah parle de Yaacov en l’appelant « Israël », cela fait référence à un niveau élevé, sublime. Ainsi, l’expression « une infamie en Israël » dénote la colère face à la profanation spirituelle de la sainteté de la nation. Par contre, l’emploi du prénom Yaacov se réfère à lui en tant qu’individu et l’expression « en couchant avec la fille de Yaacov » fait allusion au dégout et à la honte causée à la famille du Patriarche par cet acte ignoble. Rav Milevsky précise, sur la base du commentaire du Natsiv, que Chimon était plus préoccupé par le fait que Chékhem ait « couché avec la fille de Yaacov » tandis que Lévi se focalisait davantage sur l’« infamie en Israël ».

Pour prouver la prépondérante loyauté de la tribu de Lévi envers Hachem, le Natsiv donne l’exemple de leur réaction lors de la faute du Veau d’Or ; ils répondirent à l’appel de Moché Rabbénou consistant à tuer les fauteurs, même s’ils étaient membres de leurs propres familles. Par ailleurs, Rav Milevsky souligne le dévouement de Chimon pour l’honneur familial quand sa tribu défendit ardemment Zimri en dépit de sa faute odieuse et critiqua Pin’has pour son acte vertueux et zélé.

On comprend à présent comment les voies de Chimon et Lévi ont pu dévier si drastiquement malgré leur apparente ressemblance initiale. Les actions étaient identiques, mais les Kavanot (intentions) étaient très disparates et ceci provoqua des réactions tout à fait différentes – pour une même situation, où l’honneur d’Hachem ainsi que celui de la famille était bafoué. La tribu de Lévi émula son ancêtre en mettant l’honneur d’Hachem au-dessus de tout, tandis que la tribu de Chimon suivit l’exemple de son aïeul en donnant priorité à la loyauté familiale.

Une leçon peut être tirée de ce développement ; bien qu’il soit très important de respecter sa famille, et plus particulièrement ses parents, cela ne doit pas être aux dépens de notre relation avec Hachem. Une Halakha claire nous apprend que bien qu’il faille exaucer les requêtes de nos parents d’une manière générale, ce n’est pas le cas si elles vont à l’encontre de la Torah.

Et plus globalement, nous apprenons du Natsiv l’importance de l’intention cachée derrière nos actes. Chimon et Lévi agirent identiquement, mais leurs motivations étaient très dissemblables et entraînèrent des comportements complètement différents chez certains de leurs descendants. Le Ran[5] souligne ce point à propos de la pratique des Mitsvot. Il écrit que deux personnes peuvent faire la même action et l’un recevra une récompense bien plus importante que l’autre. La seule différence réside dans l’intention que chacun avait en l’effectuant – est-on motivé par notre bon sens ou par l’honneur dû à Hachem ? Comme le montre l’exemple de Chimon et Lévi, la différence aura un impact majeur sur notre vie par la suite.

 

[1] Béréchit, 49:5.

[2] Rachi, Béréchit, 49:6.

[3] Émek Davar, Béréchit, 34:25, 49:8.

[4] Béréchit, 34:17.

[5] Drachat Haran, Hadarouch Hachichi, rapporté dans “Kaacher Tsiva Hachem”, écrit par rav Avraham Garfinkel.