« Hachem dit : "Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance". » (Béréchit, 1:26)

Rachi explique sur les mots « Faisons l’homme » : Bien qu’ils [les anges] ne L’aient pas aidé pour Sa création et que les hérétiques puissent se rebeller, le Verset ne s’est pas abstenu d’enseigner le Dérekh Erets[1] et l’humilité, à savoir que le plus grand consulte et demande l’autorisation au plus petit (…) la réponse [aux hérétiques] se trouve juste après : « et D.ieu créa l’homme » et non « ils créèrent ».

Quand la Torah raconte la création de l’homme, elle écrit qu’Hachem déclara : « Faisons l’homme ». Nous savons qu’Hachem n’eut besoin d’aucune aide pour ce faire, alors pourquoi ne pas écrire : « Je vais créer l’homme » ? Le Midrach[2] rapporté par Rachi précise qu’Hachem souhaitait enseigner les bonnes Midot : si, bien qu’Il n’eût besoin d’aucune assistance, Hachem a consulté les Anges avant de façonner l’homme, il convient a fortiori qu’un individu qui entreprend un projet, prenne conseil, même auprès de personnes d’un niveau inférieur au sien. Ce Midrach est dérangé par le fait qu’à cause des termes employés, des hérétiques se méprennent et pensent qu’il existe d’autres forces qui dirigent le monde. Le Midrach répond que cette erreur est réfutée dès le verset suivant, où il est écrit qu’Hachem (au singulier) créa l’homme, Il fut seul à agir. Pourquoi la Torah choisit-elle de prendre un tel risque uniquement pour nous apprendre les bonnes manières ?

Cette question est renforcée par une apparente contradiction dès le début de la Paracha. La Torah commence par la deuxième lettre de l’alphabet – le Beth – et non par le Aleph. Le Midrach[3] demande pourquoi ne pas commencer par la première lettre qui représente l’unicité d’Hachem. Il semblerait que la façon de commencer le récit de la Création ait un effet profond sur l’essence du monde et que s’il avait commencé par le Aleph, le monde en aurait profité. Alors, pourquoi ne pas commencer par le Aleph ? Le Midrach répond que le mot « Arour » — maudit – commence par cette lettre et que la Torah ne souhaitait pas débuter avec une connotation négative. Il valait mieux que le Beth qui introduit le mot « Baroukh » — béni, passe avant. Le Midrach poursuit en citant un avis selon lequel si la Torah avait commencé par la lettre Aleph, l’ensemble de la création aurait été maudit et personne n’aurait pu réussir quoi que ce soit. En réalité cet argument n’est pas retenu ; même si la Torah avait commencé par la première lettre de l’alphabet, les gens auraient eu l’opportunité de réussir dans leur vie. Mais pour éviter cette mauvaise conception, la Torah n’a pas commencé par le Aleph.

Ce Midrach semble contredire celui rapporté plus haut, par Rachi. Il se soucie de l’hypothétique erreur de jugement qu’aurait impliqué le commencement de la Torah par le Aleph, mais l’autre Midrach ignore une éventuelle méprise pour enseigner l’humilité. Pourquoi cette différence ?

Le Lévouch Haorah[4] nous aide à répondre à cette question. Après s’être demandé pourquoi la Torah a « pris le risque », pour ainsi dire, d’enseigner une leçon qui pourrait être mal interprétée, il précise que la Torah voulait nous apprendre le Dérekh Erets et l’humilité, parce que « telle est la Torah, elle montre la voie à suivre et il convient que ceci y soit écrit ». C’est un principe fondamental qui nous est révélé ici ; l’objectif de la Torah est de nous apprendre comment vivre et ce but est tellement important qu’il convient d’enseigner cette leçon au prix d’une éventuelle mauvaise interprétation de certains. On résout ainsi l’apparente contradiction entre les deux Midrachim. Bien qu’il eût été bénéfique que la Torah commence par la lettre Aleph, il ne fallait pas « prendre le risque » d’une mauvaise interprétation concernant les implications de la Torah débutant par cette lettre, car le Aleph n’enseignait pas une manière d’agir particulière.

Ceci nous montre que la Torah est là pour nous apprendre à vivre. Les bénéfices profonds impliqués par la première lettre de la Torah ne sont pas suffisamment importants pour encourir l’erreur des hérétiques, preuve que ce sujet est pris très au sérieux. Mais pour enseigner des valeurs morales, le souci de la mauvaise interprétation est mis de côté.

Dans le même ordre d’idées, Rav Noa’h Weinberg affirme que la Torah est appelée « Torat ’Haïm », qu’il traduit par « mode de vie ». Il explique que la Torah n’est pas un livre d’Histoire, ni un code de lois, c’est un mode de vie, une ligne de conduite. Les enseignements qu’elle donne sont tellement fondamentaux qu’ils outrepassent les risques d’hérésie.

Puissions-nous mériter de mettre en pratique les leçons de la Torah dans les divers aspects de notre vie.

 

[1] Comportement adéquat, bonnes manières.

[2] Béréchit Raba, 8:9.

[3] Béréchit Raba, 1:10.

[4] Béréchit, 1:26. C’est un commentaire de Rachi écrit par Rav Mordékhaï Yaffé, plus connu comme étant l’auteur du Lévouch – commentaire sur le Choul’han Aroukh.