« Parce qu’Avraham a écouté Ma voix, il a gardé Mon observance, Mes commandements, Mes statuts et Mes lois. » (Béréchit 26,5)

Dans la Paracha de cette semaine, Hachem bénit Its’hak par le mérite de son père, qui a écouté la voix d’Hachem. La Guémara (Yoma 28 b) déduit de ce verset qu’Avraham Avinou a respecté toute la Torah (avant même qu’elle ne soit donnée). La plupart des commentateurs estiment également que les Patriarches et les Chévatim observaient la Torah. Comment était-il possible de respecter la Torah avant que les Mitsvot ne soient révélées ? Ils expliquent que même sans avoir reçu d’ordre formel de la part d’Hachem, leur sensibilité accrue leur permit intuitivement de savoir quelles étaient les Mitsvot.

Cette Guémara soulève plusieurs questions. Tout d’abord, certaines sources indiquent que les Patriarches n’ont pas toujours observé la Torah. Prenons l’exemple de Ya'acov Avinou qui épousa deux sœurs, ce qui est expressément interdit par la Torah. À ce propos, le Ramban[1] explique qu’ils n’observaient la Torah qu’en Erets Israël, car ils estimaient que le fait de vivre en Erets Israël impliquait le respect des Mitsvot, même s’ils n’en avaient pas encore reçu l’ordre. Par contre, en dehors de la Terre Sainte, ils n’adoptaient pas cette pratique. Ya'acov épousa deux sœurs quand il n’était pas en Erets Israël. Le Ramban note d’ailleurs que c’est une des raisons de la mort de Ra’hel avant leur arrivée en Erets Israël ; il aurait alors été interdit d’y être marié avec deux sœurs.

Le Ramban souligne ensuite une contradiction à ses propos, déduite du Midrach.[2] Celui-ci affirme que Yossef observait le Chabbath même quand il était en Égypte. Pourquoi ? Parce que Yossef estima que le Chabbath était une exception ; il voulait inculquer les principes fondamentaux de la Émouna et du monothéisme à ses enfants qui vivaient dans l’environnement idolâtre de l’Égypte. 

L’explication du Ramban sur l’observance du Chabbath par Yossef montre l’importance capitale du Chabbath dans notre relation avec Hachem, pour le bien-être du peuple juif. Comme le souligne le Rav Its’hak Zilberstein, l’existence du Klal Israël sur la Terre d’Israël est menacée. Or, il y a un lien très étroit entre le respect du Chabbath et la possibilité de vivre en Erets Israël en paix.

Il cite le célèbre verset de Yéchaya que nous lisons dans la Haftarah de Yom Kippour : « Si tu cesses de fouler aux pieds le Chabbath, de vaquer à tes affaires en ce jour qui M’est consacré, si tu considères le Chabbath comme un délice, la sainte journée d’Hachem comme digne de respect, si tu le tiens en honneur en t’abstenant de suivre tes voies ordinaires, de t’occuper de tes intérêts et d’en faire le sujet de tes entretiens ; alors, tu te délecteras en Hachem et Je te ferai dominer sur les hauteurs de la Terre et jouir de l’héritage de ton aïeul Ya'acov ; c’est la bouche d’Hachem qui l’a dit. »[3] Rav Zilberstein souligne le lien de causalité entre l’observance correcte du Chabbath et la vie en paix en Erets Israël. Cela sous-entend que le non-respect du Chabbath peut entraîner de mauvaises choses dans le Pays.

Le Rav Zilberstein ajoute une remarque semblable faite par Rabbénou Be’hayé dans le Kad Hakéma’h. Il souligne que Chabbath est appelé « Ménou’ha »[4] et Erets Israël a également cet attribut[5]. Là aussi, le Chabbath et Erets Israël sont liés. Le verset promet que si le peuple juif préserve la Ménou’ha du Chabbath, Hachem le protégera dans le Pays, et inversement s’il n’observe pas le Chabbath, alors Il décrétera la destruction du Pays.  

Le Rav Zilberstein explique ensuite ce lien à l’aide d’une parabole rapportée par le Maguid de Doubno. L’un des ministres du roi se montrait tantôt obéissant et tantôt peu discipliné. Malgré tout, il bénéficiait toujours des faveurs du roi, parce qu’il avait une femme très intelligente dont le roi appréciait grandement les conseils. Un jour, la femme entra au palais, sanglotante et ensanglantée. Malgré l’insistance du roi, elle refusa de lui raconter ce qui s’était passé. « Je suppose que vous avez été battue », déclara le roi. Silence. « Je suis certain que vous avez été battue par votre mari et c’est la raison pour laquelle j’ordonne qu’il soit pendu sur-le-champ. J’aurais dû le tuer depuis longtemps, je ne le tenais pas en haute estime. Il n’est resté en vie que par le mérite de sa femme. S’il la maltraite, il ne lui reste aucun mérite, en quoi me sera-t-il utile ? »

Cette parabole explique le lien intrinsèque entre le peuple juif et le Chabbath. Il est difficile d’affirmer de telles paroles, mais parfois, le Chabbath pleure. Le Chabbath est une reine et le roi – Hakadoch Baroukh Hou – voit le Chabbath méprisé, profané et de ce fait, le peuple juif perd tous ses mérites…

Chacun, à son niveau, doit tirer une leçon de ce développement et essayer d’améliorer son observance du Chabbath. Sans l’étude des lois du Chabbath, il est quasiment impossible de le respecter comme il se doit ; il y a tant de lois complexes qu’il est impossible de les deviner si l’on n’apprend pas les Halakhot qui y sont liées.

Rav Zilberstein suggère que chacun s’engage à apprendre deux Halakhot de Chabbath par jour. Différents programmes se mettent en place pour diffuser les lois du Chabbath, autant pour les hommes que pour les femmes. Il est également possible, pour accroître le respect du Chabbath au sein du peuple juif, d’inviter des personnes qui n’ont jamais fait l’expérience d’un véritable Chabbath et de leur montrer la beauté de ce saint jour.

Puissions-nous tous mériter d’observer correctement le Chabbath et de vivre en sécurité en Terre Sainte.

 

[1] Rambam 26,5. Il existe plusieurs autres réponses à cette question. Voir Daat Zékénim, Béréchit 37,35 ; Gour Arié, Béréchit 46,10 ; Néfech Ha’haïm 1,21.

[2] Béréchit Raba 92,4.

[3] Yéchaya, 58,13-14.

[4] Chémot 20,11.

[5] Dévarim 12,9.