Après avoir vendu Yossef à des marchands ambulants, ses frères prirent sa tunique et la trempèrent dans le sang d’une chèvre, pour faire croire à Ya'akov que Yossef avait été tué par un animal sauvage. Quand Ya'akov vit le vêtement, il supposa que Yossef avait effectivement été tué et entra dans une longue période de deuil, durant laquelle il resta inconsolable. La Torah relate les efforts des membres de sa famille pour le réconforter, mais il refusa de se laisser consoler. « "Je descendrai dans la tombe en pleurant mon fils." Son père le pleura. »[1] 

Le Or Ha'haïm[2] note que la Torah ne nous raconte pas ce qui a été dit pour essayer de consoler Ya'akov. Alors comment ont-ils cherché à le réconforter ? Il explique que ce fut par le simple fait de rassembler tous les descendants de Ya'akov autour de lui. Ils espéraient montrer que le fait d’avoir encore beaucoup d’enfants et de petits-enfants en vie puisse servir de Né’hama (consolation). Cependant, leur plan n’a pas fonctionné. L’amour de Ya'akov envers Yossef était trop fort et il voyait en lui quelque chose qu’il ne voyait chez aucun des autres enfants. Ainsi, même de nombreux descendants ne pouvaient pas apporter la consolation à Ya'akov dans sa profonde douleur.

Lors d’une réunion de la Agouda, le Rav Noa’h Oelbaum (Rav très connu aux Queens) a raconté qu’un Rav d’Erets Israël avait fait un discours dans une synagogue, entre les prières de Min’ha et d'’Arvit, durant la semaine de Parachat Vayéchev. Il parla de l’enseignement du Or Ha’haïm et ajouta que c’est ce que ressent le Maître du monde. Il y a des milliers, voire des millions de Juifs pratiquants, qui étudient la Torah. Surtout en Erets Israël où l’on voit des communautés fleurissantes, avec de plus en plus de Chomré Torah et de Lomdé Torah. Mais Hachem regarde et constate aussi combien de Ses fils sont perdus ! Et le fait qu’il y ait des centaines de milliers de Juifs pratiquants ne Le console pas. Hachem pleure pour chaque Juif qui ne respecte pas la Torah et les Mitsvot.

Tout comme que Ya'akov pleurait parce qu’il connaissait le caractère unique de son fils perdu, Hachem aussi pleure pour chaque Juif qui s’est perdu spirituellement, en termes d’étude de la Torah et de pratique des Mitsvot, parce que chaque Juif est unique. Le Rav Oelbaum ajouta que l’un des voisins de ce Rav d’Erets Israël se trouvait à la synagogue ce jour-là (parce que c’était le jour anniversaire de décès d’un proche) et il entendit ce discours. Après 'Arvit, il demanda au Rav si cela signifiait qu’Hachem pleurait pour lui du fait qu’il ne respectait pas la Torah. « Oui, exactement, répondit le Rav. Le Maître du monde pleure pour chaque Juif perdu. Hachem considère chaque Juif comme l’un de Ses enfants. Tout comme Ya'akov ne s’est pas laissé consoler à cause d’un seul de ses enfants qui était perdu, il en est de même pour le deuil d’Hachem pour Ses enfants perdus. Il ne cesse de pleurer. » Cette réponse toucha visiblement l’interlocuteur, qui revint sur le droit chemin, petit à petit.

Cet enseignement répond à une question importante quant à l’attitude vis-à-vis de nos frères juifs non-pratiquants. Certaines personnes peuvent sentir une obligation de rapprocher les Juifs de la Torah et considérer cet acte comme lié au Ben Adam La’havéro (relations interpersonnelles) ; et effectivement, il s’agit d’un acte de bonté formidable. Mais si la raison principale de notre assistance envers ces Juifs est le Ben Adam La’havéro, il pourrait y avoir des facteurs qui limitent l’accomplissement de cet acte.[3]

Le Rav Noa’h Weinberg donnait souvent une tout autre raison de tendre la main à nos compatriotes juifs. C’est précisément le fait que lorsqu’un Juif ne sait rien de la Torah et des Mitsvot, cela provoque une grande peine à Hachem. Avec cette raison, il n’y a aucun facteur limitant, étant donné que le but de notre vie doit être d’intensifier le Kavod Chamaïm, d’accomplir la Volonté divine. Or le fait que tant de Juifs ne sachent rien de leur judaïsme et de la Présence d’Hachem dans le monde constitue un immense ’Hilloul Hachem.

Bien évidemment, le fait de ressentir la douleur d’Hachem n’est qu’une première étape dans notre obligation de nous préoccuper de nos compatriotes juifs. Le ’Hafets ’Haïm parlait souvent de l’importance de se soucier de ce genre de ’Hilloul Hachem et de l’obligation d’essayer d’intensifier le Kavod Chamaïm.  Il souligne que nos Sages critiquent les Bné Israël qui ne se préoccupèrent pas du Kavod Chamaïm lorsque l’Arche de D.ieu fut capturée par les Pélichtim, alors qu’ils auraient pris grand soin de récupérer leurs objets perdus. C’est une question que nous devons tous nous poser. Sommes-nous plus préoccupés par nos soucis personnels dans le domaine matériel que par la douleur éprouvée par Hachem à cause du domaine spirituel ?

Il incombe à tout un chacun de se soucier du Kavod Chamaïm et de se préoccuper des enfants perdus d’Hachem.

 

[1] Béréchit 37,35.

[2] Or Ha'haïm Hakadoch Al Hatorah, Béréchit, 37,35.

[3] Par exemple, le statut de ces Juifs est sujet à débats. Sont-ils considérés comme Moumar ou comme Tinok Chénichba. S’il s’agit d’un Moumar, la plupart des Mitsvot Ben Adam La’havéro ne s’appliquent pas à lui. Concrètement, de nombreux décisionnaires estiment qu’il est considéré comme Tinok Chénichba et toutes les Mitsvot Ben Adam La’havéro sont applicables.