« Ceux-ci sont les engendrements de Yaacov : Yossef, âgé de dix-sept ans, était berger avec ses frères du troupeau, et il était un jeune garçon avec les fils de Bilha et les fils de Zilpa, femmes de son père. » (Béréchit 37,2)

Rachi commente les mots « il était un jeune garçon » : Il faisait des actes de « jeunesse » [comme] arranger sa chevelure, ses yeux, pour paraître beau.

La Paracha commence en décrivant Yossef comme jeune. Rachi, sur la base du Midrach, explique que Yossef agit avec immaturité, « comme un gamin » ; en effet, il arrangeait sa chevelure et cherchait à enjoliver son visage pour avoir une belle apparence. Yossef n’avait que dix-sept ans à l’époque, mais il reste difficile de concevoir que cet illustre ascendant n’ait agi que par vanité. Nos Sages lui accordent quand même le titre de Tsadik – Yossef Hatsadik (le vertueux) – et précisent qu’il ressemblait à Yaacov en tous points. De plus, nous savons qu’il fit preuve d’une maitrise de soi exceptionnelle pour surmonter les tentations auxquelles il dut faire face en Égypte.

Par ailleurs, ’Hazal l’accusent à nouveau d’infantilisme, quelques années plus tard, quand il reçut un rôle important dans la maison de Potiphar, ministre égyptien. La Torah affirme qu’il était beau[1] et Rachi commente, sur la base du Midrach : « Étant donné qu’il se voyait déjà régner, il se mit à manger, à boire et à se boucler les cheveux. Hakadoch Baroukh Hou lui dit : "Ton père s’endeuille et toi, tu boucles tes cheveux ?!" » Yossef n’était alors plus si jeune, et on lui reproche là aussi de s’embellir, mais on a encore du mal à croire qu’il le faisait par simple frivolité.

Rav Chimon Shwab[2] propose une réponse intéressante. Il explique que la Torah emploie également le mot « Naar » (jeune) à propos de Chékhem, le fils de ’Hamor. Quand on lui proposa de se marier avec Dina, à la condition qu’il se circoncise et que tout son peuple en fasse de même, la Torah affirme : « Et le Naar (le jeune homme) ne tarda pas à faire la chose, car il désirait la fille de Yaacov. » On ne connait pas exactement l’âge de Chekhem à cette époque, mais il semble évident qu’il n’était plus tout jeune et qu’il était considéré comme un personnage distingué. Rav Shwab souligne que « Naar » fait référence à l’impétuosité de la jeunesse. Les jeunes ont tendance à être moins patients, à agir impulsivement, sans prendre en compte tout ce que leur acte implique. Ce fut l’erreur de Chekhem – il était si désireux de se marier avec Dina, qu’il pressa la nation à accepter l’accord avec les fils de Yaacov et à se circoncire, sans tenir compte des risques de cette décision. C'est pourquoi il est appelé Naar.

Quand nos Sages affirment que Yossef agit comme un Naar, cela signifie qu’à un certain niveau, il fit preuve d’une impatience qui le mena à un comportement impulsif. Yossef vit, par prémonition, qu’il allait régner sur ses frères. Or, comme le précise le prophète Yéchaya, « Tes yeux contempleront le roi dans sa beauté… »[3] et la Guémara[4] confirme, elle aussi, que le roi doit se coiffer journellement – il représente le peuple et doit avoir un aspect respectable. Yossef se voyait déjà monarque à l’âge de dix-sept ans. C'est pourquoi il arrangeait sa coiffure ; ce n’était pas une marque de vanité, mais parce qu’il savait qu’un roi devait avoir une noble apparence. Le problème fut de se considérer au-dessus de ses frères prématurément – en un sens, il agit impulsivement, ne réalisant pas les dangers potentiels de l’annonce de son règne, faite devant ces derniers.

Plus tard, quand il géra la maison de Potiphar, il se remit à s’embellir, parce qu’il pensait à nouveau qu’il lui convenait d’agir comme un roi – il savait que telle était sa destinée. Mais là aussi, c’était précoce et c’est de ce comportement impulsif dont parle le Midrach.

Ainsi, la Naarout se caractérise par l’impatience et l’impétuosité, elle fait référence aux agissements qui ne tiennent pas compte des conséquences sur le long terme. Quand on veut évoquer l’érudit, on emploie, à l’inverse, le terme « Zaken ». Or, l’une des caractéristiques du zaken (de la personne âgée) est la patience, la prise de décisions posées, réfléchies. Dans cet ordre d’idées, ’Hazal qualifient un individu de « ’Hakham (sage) » s’il est « Roé Eth Hanolad » — s’il sait prendre en compte les éventuelles conséquences de ses décisions[5]. Il est évident que Yossef devint un grand ’Hakham, étant donné que toutes ses actions, en tant que vice-roi d’Égypte, étaient basées sur le futur bien-être du peuple juif ; il pensait toujours à préparer le terrain, de façon à ce que l’exil, alors imminent, soit le plus supportable possible.

L’exemple de Yossef nous enseigne les dangers de l’impulsivité et l’importance d’agir après mûre  réflexion. Puissions-nous appliquer ces leçons à notre quotidien.

 

[1] Béréchit 39,6.

[2] Méen Beth Hachoéva, Vayéchev 37,2. Rapporté par le Rav Issakhar Frand.

[3] Yéchaya 33,17

[4] Sanhédrin 22b.

[5] Tamid 32a.