La Parachat Vayechev écrit : « … Yossef rapporta un mauvais bavardage sur eux à leur père. » (Béréchit, 37:2)

Rachi commente les mots Eth Dibatam Raa : « Chaque mauvaise action qu’il vit chez ses frères, les fils de Léa, il la rapportait à son père : ils mangeaient du « Ever Min Ha’haï », ils dénigraient les fils des servantes en les appelant « serviteurs » et étaient suspects d’immoralité. Pour ces trois choses, il fut puni… »

Les liens entre Yossef et ses frères commencèrent à se détériorer quand il fit des rapports négatifs à leur père, Ya'acov Avinou. L’une d’elles concernait le « Ever Min Ha’haï » — les frères consommaient d’un animal abattu tandis que le corps de l’animal continuait de bouger (ce qu’on appelle « Méfarkesseth ». Yossef pensait qu’ils transgressaient l’interdit de Ever Min Ha’haï – consommer d’un animal qui vit encore. Ce récit est très difficile à comprendre. Les vertueux frères de Yossef n’auraient certainement pas transgressé une interdiction si grave, alors comment pouvaient-ils justifier cet acte ? Et pourquoi Yossef fut-il puni à cause de son rapport à Ya'acov ; cela lui semblait être une grave transgression ? Par ailleurs, s’ils n’enfreignaient pas le Issour de Ever Min Ha’haï, comment Yossef put-il faire un compte-rendu scandaleux à leur père ?

Le Parachat Dérakhim[1] explique qu’un débat halakhique opposait Yossef à ses frères. Ce fut l’origine de toutes les actions que Yossef rapporta à Ya'acov. Le statut des Bné Ya'acov était très discuté à cette époque ; étaient-ils considérés comme des Bné Noa’h ou bien rentraient-ils déjà dans la catégorie des Bné Israël ? Cette question a de nombreuses ramifications et dans la plupart des cas, le fait d’être des Bné Israël impliquait plusieurs interdits supplémentaires par rapport à ceux incombant aux Bné Noa’h. Toutefois, dans certaines situations, le fait d’être un Ben Israël laissait une certaine souplesse par rapport aux Bné Noa’h et c’est dans ces domaines que les frères étaient en désaccord avec Yossef[2].

Le Parachat Dérakhim précise que d’après les lois de la Torah pour les Bné Israël, une fois l’animal abattu, il est autorisé d’en consommer les membres, même s’il remue encore. Mais selon la loi pour les Bné Noa’h, même si l’animal a été tué, tant qu’il bouge, il est considéré comme vivant et il est alors interdit de le consommer.

Le Parachat Dérakhim ajoute que les frères se considéraient comme des Bné Israël en tous points et qu’il leur était donc parfaitement permis de manger la bête même si son corps remuait encore. Yossef était d’accord sur ce statut des Bné Israël, mais du fait de sa sublime vertu, il estimait qu’il ne devait prendre compte de ce rang que quand la Halakha était plus exigeante. Par contre, quand le statut de Ben Israël permettait plus de souplesse, il agissait avec rigueur, comme s’il était un Ben Noa’h. Le fait qu’il ait été très strict envers lui-même n’aurait certainement pas dérangé les frères, mais ce qui posa problème, c’est que Yossef pensait qu’ils devaient être aussi rigoureux que lui. Il alla jusqu’à informer Ya'acov qu’ils transgressaient l’interdit de Ever Min Ha’haï en consommant d’un animal qui remuait encore (ce qui n’est prohibé que pour les Bné Noa’h).

Comme c’est toujours le cas, ’Hazal mettent en avant les défauts des grands personnages de la Torah et grossissent leurs erreurs pour qu’elles nous touchent, à notre niveau. Ainsi, il semblerait que l’erreur de Yossef ait été de vouloir imposer ses exigences personnelles aux autres, ce qui engendra en un profond ressentiment de leur part.

Ce développement nous permet donc de tirer la leçon suivante ; il ne fait pas imposer ses comportements louables ou exigences à autrui. Ceci s’applique également à la façon dont nous considérons les personnes qui ne sont pas à ce niveau ; lorsqu’une personne fait preuve d’une certaine rigueur en matière de Halakha, elle a tendance à regarder de haut les individus qui n’agissent pas de la sorte. Les dégâts causés par cette attitude supplantent les bénéfices de la bonne action en question. Un grand Rav dit à quelqu’un qui voulait s’imposer une nouvelle ’Houmra que si, à cause de celle-ci, il allait regarder les autres de haut, il valait mieux s’en abstenir, car le fait de se sentir supérieur aux autres entraîne un préjudice qui outrepasse le bénéfice apporté par la nouvelle exigence.

Puissions-nous tous mériter de nous élever dans notre 'Avodat Hachem tout en prenant garde de ne pas imposer notre discipline aux autres.
 

[1] Parachat Dérakhim, Darouch 1.

[2] Nous nous concentrerons uniquement sur le débat concernant Ever Min Ha’haï, bien que le Parachat Dérakhim développe le lien avec toutes les actions que Yossef rapporta à Yaacov.