« Il les bénit en ce jour en disant : "Israël bénit par toi en disant : Que D.ieu te rende comme Éphraïm et Ménaché !" Il plaça Éphraïm avant Ménaché. » (Béréchit 48,20)

La Targoum Yonathan traduit ainsi ce verset : « Il les bénit en ce jour, en disant : "Par toi, mon fils Yossef, le peuple juif bénira le bébé, le jour de sa circoncision, en disant : ‘Qu’Hachem te rende comme Éphraïm et Ménaché’…". »

Yaacov Avinou bénit les fils de Yossef – Éphraïm et Ménaché – et affirme qu’à l’avenir, la nation bénira ses garçons, en leur souhaitant d’être comme les fils de Yossef. Le Targoum Yonathan précise qu’il s’agit d’une bénédiction que l’on doit réciter à chaque Brit Mila. En quoi cette Brakha est-elle liée à la Mila ?

Pour répondre à cette question, penchons-nous sur une autre question, posée par la Ktav Sofer[1]. Nous savons que les deux fils de Yossef avaient des rôles très différents ; le plus âgé, Ménaché était très impliqué dans le monde matériel, il assistait Yossef, mais parvint à maintenir son niveau de piété. En revanche, Éphraïm, le plus jeune, était plongé dans l’étude de la Torah. Le Ktav Sofer souligne qu’Éphraïm est considéré comme plus vertueux, du fait de son érudition. Dans ce cas, pourquoi Yaacov commence-t-il sa bénédiction par Éphraïm, pour ensuite ajouter Ménaché, qui, en dépit de sa grandeur, n’était pas au niveau d’Éphraïm ? Généralement, on commence une bénédiction par le plus petit niveau, puis on continue en s’élevant…

Le Ktav Sofer explique que le Juif peut choisir deux voies différentes dans sa vie. Il peut consacrer ses journées à l’étude de la Torah, ou bien travailler pendant une grande partie de la journée, tout en fixant des temps d’étude, en effectuant des actes de bonté, ou en soutenant financièrement des personnes qui étudient toute la journée. La deuxième option convient à la plupart des gens ; rares sont ceux qui peuvent se consacrer entièrement à l’Étude. Le Ktav Sofer affirme par ailleurs que seul un millième de ceux qui entrent dans le Beth Hamidrach (pour étudier toute la journée, quotidiennement) deviendra apte à trancher la Halakha. Toutefois, chaque père doit élever ses fils, en leur donnant la chance de réussir dans la Torah, d’atteindre les plus hauts niveaux, bien que la probabilité qu’ils les atteignent soit faible, et qu’ils choisiront certainement de travailler pour gagner leur vie et d’étudier quelques heures par jour « seulement ». Ceci, car si l’on ne donne même pas la possibilité à notre enfant de devenir un Talmid ’Hakham, il n’aura aucune chance de réussir dans la voie de la Torah.

Pour revenir au rapport entre la bénédiction et la Brit Mila, le Ktav Sofer explique que cette dernière représente le début de l’éducation de l’enfant, la première étape du ’Hinoukh. Il est donc important de bénir le bébé, à ce moment, et de lui souhaiter de devenir comme Éphraïm (c’est-à-dire d’exprimer notre intention de lui donner une chance d’émuler Éphraïm, l’érudit en Torah) et ensuite de lui souhaiter de devenir comme Ménaché (on exprime ainsi l’espoir, s’il n’est pas capable de devenir un grand érudit en Torah, de le voir agir comme Ménaché, qui resta vertueux tout en étant impliqué dans la matérialité).

Le ’Hazon Ich soulignait ce point, et disait souvent que chacun doit avoir la possibilité de devenir un grand Talmid ’Hakham, bien que la plupart des gens n’atteindront pas cet objectif. « Chacun doit avoir l’opportunité de devenir "le millième", peu importe la probabilité du résultat. » Il ajoutait qu’on ne peut pas être sûr qu’un individu ne pourra pas devenir un grand érudit, dès son jeune âge. Il raconta que l’un des Grands de la génération n’était pas doué dans l’Étude, il était même considéré comme un vrai cancre, à dix-huit ans encore. Pourtant il devint l’un des Rabbanim les plus respectés de son temps. Si on l’avait traité avec cette approche, à savoir qu’un élève faible n’a aucune chance de devenir un Grand en Torah, il aurait reçu une plus médiocre éducation et ceci aurait privé le monde d’un Gadol.[2]

Ainsi, nous bénissons nos fils et leur souhaitons, dès leur Brit Mila, de s’efforcer de devenir de grands érudits en Torah. Comme l’enseignent le Ktav Sofer et le ’Hazon Ich, il nous incombe de leur donner la chance de réussir.

 

[1] Ktav Sofer, Béréchit 48,20

[2] Bien évidemment, il peut parfois s’avérer négatif que certains jeunes homes continuent d’étudier intensivement la Torah. Ce sujet est complexe et chaque cas est à traiter isolément, en fonction des circonstances et il convient de s’adresser à un Rav compétent en ce domaine.