Bonjour Rav,
Selon le Zohar, si je ne me trompe pas, il ne faut pas manger de poisson le vendredi soir, et telle est la coutume tunisienne.
Un Tunisien ou quelqu'un souhaitant suivre cette opinion pourrait-il manger de la boutargue le vendredi soir ?
Merci d'avance.
Chalom Ouvrakha,
Il n'y a pas de Zohar qui nous écrit de ne pas consommer de poisson le vendredi soir, il est juste sous-entendu du Cha'ar Hakavanot et du Pri Ets 'Haïm que la consommation du poisson le soir n'est pas une obligation formelle, mais uniquement considérée comme l'obligation de consommer des fruits ou autres [voir Kaf Ha'haïm 242,10].
Mon ami le Rav Gabriel Dayan chlita a déjà répondu à une question similaire et il écrit que même si la boutargue a un goût de poisson, elle n'est pas du poisson [de la même manière que les œufs de poule ne sont pas considérés comme de la "viande"]. Donc, pour accomplir la Mitsva de consommer du poisson durant les repas du Chabbath, il faut consommer du poisson et non ses œufs.
Kovets Mibeth Lévi, Yoré Déa, page 87, Or Torah [année 5771, volume 518], pages 34-37, Ma'yan Omer, édition 5779, volume 13, page 278.
Ce n'est donc pas considéré comme du poisson.
Pour en revenir à la coutume tunisienne de ne pas consommer de poisson le vendredi soir, cela est dû [à mon avis] au fait que la Sé'ouda du Chabbath après-midi était moins honorée que celle du Chabbath soir, et comme l'écrit le Maharchal [Guitin 38b, rapporté dans le Cha'aré Techouva 271 et Kaf Ha'haïm 16], qu'il est préférable de ne pas consommer de poisson le vendredi soir pour pouvoir honorer le repas du Chabbath après-midi.
C'est donc que, dans votre cas, si vous consommez de la boutargue le vendredi soir, même si ce n'est pas du poisson, il va falloir honorer le repas du lendemain au moins autant que le premier repas.
Et c'est ainsi que plusieurs communautés ont pour habitude de consommer du poisson le vendredi aussi.
L'explication de cette coutume est justement due au fait qu'au jour du Chabbath, on consomme la "dafina" ou le "tchoulent", et donc ce deuxième repas n'est pas moins honorable que le premier [voir Léket Yocher Ora'h 'Haïm 52, au nom de son maître le Troumat Hadéchen].
En conclusion, pour répondre à votre question, si vous faites un repas plus honorable le Chabbath après-midi, vous pouvez consommer la boutargue le soir [même si vous suivez les coutumes tunisiennes], mais vous n'êtes pas considéré comme ayant consommé du poisson.
Si votre repas du lendemain est identique ou moins honorable que le premier, il ne faudra pas consommer de boutargue.
Attention : pour Sé'ouda Chlichit, tout le monde s'entend à dire qu'il faut manger du poisson [voir Yessodé Yéchouroun tome 5, page 448 et Or Tsadikim du Rav Meir Papiras 28,6, ainsi que le Pri 'Ets 'Haïm rapporté dans le Kaf Ha'haïm 242,10].
À Tunis même, il y avait beaucoup de familles qui ne consommaient le poisson qu'à Sé'ouda Chlichit, et le Rav Meir Mazouz zatsal [Or Torah année 1985, Siman 52] nous explique qu'à Tunis, le poisson était courant et ce n'était pas forcément un honneur de le servir à la table de Chabbath, c'est pour cela que l'on servait du poisson uniquement à Sé'ouda Chlichit.
Il en ressort donc que, de nos jours, puisque le poisson est honorable, on pourra en consommer le vendredi soir même pour une personne qui suit les coutumes tunisiennes, mais toujours à condition de servir un plat qui honorera le deuxième repas.
Kol Touv.