Il leur dit : « Sortez et identifiez la voie droite à laquelle l’homme doit s'attacher. » Rabbi Eli'ézer dit : « un bon œil. » Rabbi Yéhochou'a dit : « un bon ami. » Rabbi Yossé dit : « un bon voisin. » Rabbi Chimon dit : « entrevoir les conséquences de ses actes. » Rabbi Eléazar dit : « un bon cœur. » 

QUESTIONS

1. Que signifie « un bon ami » ?

2. Pourquoi avoir « un bon ami » serait la voie à laquelle l'homme devrait s'attacher ?

La Michna poursuit en citant les opinions des élèves de Rabbi Yo'hanan sur la voie optimale à suivre pour atteindre le succès dans tous les domaines. Rabbi Yéhochou'a répond : un bon ami.

On relève deux approches principales pour expliquer cette idée. Le Barténoura et d'autres expliquent qu'il se réfère à l'idée d'avoir un ami proche – si un homme a de bons amis, cela aura de nombreuses ramifications positives pour son bien-être spirituel. Quelle est la définition d'un « bon » ami ? D'une part, il se trouve à un niveau spirituel élevé et exerce donc une influence spirituelle positive. Une autre facette est qu'il désire donner des conseils et même des réprimandes pour aider son ami à progresser dans sa 'Avodat Hachem, son service divin. Donc, le rôle d'un ami n'est pas seulement de papoter à tort et à travers, mais plutôt d'encourager les progrès. Dans cette optique, Rabbi Ovadia Yossef[1] écrit qu'une amitié s'appuyant sur des facteurs non spirituels n'a pas de valeur réelle, car le moindre problème pourrait lui porter un coup fatal. En revanche, une amitié qui repose sur un désir partagé d'accomplir la volonté d'Hachem est dotée d'une base solide qui ne pourra jamais être détruite.

Un autre aspect important d'une amitié bénéfique est prouvé par l'observation suivante de Rabbi Ména'hem Mendel de Riminov.[2] Il surprit une fois une discussion sur l'amitié entre deux non-Juifs. L'un demanda à l'autre s'il l'aimait bien, et celui-ci répondit par la positive. Le questionneur s'exclama alors : « Sais-tu ce qui me fait mal ? » À cette question, l'ami répondit non, et son ami reprit : « Si tu ne sais pas ce qui me fait mal, c'est le signe que tu ne m'aimes pas vraiment. » De là, Rabbi Ména'hem Mendel déduisit qu'un ami véritable est celui qui sait ce qui manque à son compagnon, ce qui lui fait mal et il l'aide à combler son manque et à soulager sa peine. Avoir un tel ami est également fondamental pour aider l'homme à réussir dans la vie, sachant qu'il peut se reposer sur la bienveillance et le soutien de cet ami.

La centralité d'avoir un bon ami est mentionnée par le Imré Émet.[3] Il relève qu'il est parfois possible de progresser davantage en Rou'haniout, sur le plan spirituel grâce à un ami proche, que grâce à notre Rav. Toutes ces sources expliquent pourquoi Rabbi Yéhochou'a était d'avis qu'avoir de bons amis est la clé du succès spirituel.

Rabbénou Yona n'interprète pas les termes de « bon ami » comme une référence au fait d'avoir de bons amis. Il explique que cela signifie qu'un homme doit lui-même être un bon ami. En se fixant pour but d'être un bon ami, l'homme doit faire preuve de gentillesse et s'évertuer à trouver grâce aux yeux d'autrui. Le Midrach Chmouël ajoute qu'être un bon ami est inclus dans la Mitsva essentielle de :  « Véahavta Léré'akha Kamokha » : tu aimeras ton prochain comme toi-même. C'est bien plus qu'une simple Mitsva, elle représente le fil conducteur du respect de la Torah. Ainsi, Rabbi 'Akiva déclare : « C'est un grand principe de la Torah. »[4] De même, la Guémara[5] indique que lorsqu'un converti potentiel demanda à Hillel de lui enseigner la Torah sur un pied, Hillel répondit que ce qui nous est détestable, nous ne devons pas le faire à notre prochain. De nombreux commentateurs expliquent qu'il s'agit d'une application de la Mitsva d'aimer notre prochain.

Pourquoi est-ce si fondamental pour l'observance de l'homme à tous les niveaux ? Au niveau élémentaire, les nombreuses Mitsvot Ben Adam La'havéro (Mitsvot interpersonnelles) découlent toutes de ce commandement. Si un individu aime véritablement son prochain comme lui-même, il sera immanquablement expert dans toutes les Mitsvot interpersonnelles. À un niveau plus profond, le 'Hazon Ich explique que Hillel enseignait aux convertis une leçon profonde. Une personne égoïste est bloquée sur sa manière de penser et sa vision du monde. Elle ne peut prendre en considération les opinions des autres, et ne fait même pas cet effort. Un tel individu ne peut vivre la Torah. Un homme qui est incapable d'établir de liens avec son entourage sera incapable d'établir une relation avec Hachem. Hillel enseignait au non-Juif que c'est uniquement en quittant son propre monde égoïste qu'il pourra accepter la Torah.[6]

Ceci nous aide à comprendre l'interprétation de Rabbénou Yona selon lequel être un bon ami est la clé de la réussite spirituelle. Un homme qui est un bon ami excellera dans les relations entre l'homme et son prochain et sa faculté à abandonner ses propres désirs lui permettra de se focaliser sur le Ratson Hachem, la volonté d'Hachem et la 'Avodat Hachem.

 

[1] Anaf Ets Avot.

[2] Cité dans Darké Avot, p. 288.

[3] Léchonot Chel Ech, cité dans Darké Avot, p. 287.

[4] Torah Cohanim 19:45, cité par Rachi Vayikra 19:19

[5] Chabbath 31a

[6] Entendu de mon maître, Rabbi Its'hak Berkovits, chlita.