L’incroyable histoire d’amitié qui va lier un esclave hébreu, Eliakoum à un prince égyptien : Ankhéfènie, sensible à la souffrance humaine.

Sur fond de sortie d’Egypte, découvrez au fil des épisodes comment un héritier du trône égyptien s’apprête à troquer le pouvoir absolu contre une vérité qui le transcende, au fil de ses débats théologiques avec l’un des représentants de la caste la plus méprisée et la plus vile de la société égyptienne.

Résumé de l’épisode précédent :

Les jeux de la capitale tant attendus avaient enfin eu lieu. Cependant, ce jour de réjouissance censé remonter le moral du peuple égyptien après le terrible traumatisme causé par la plaie du sang s’était transformé en jour amer, lorsqu’une flèche a été décochée sur la personne du prince Ankhéfènie, ou plutôt sur sa doublure. Si Ankhéfènie a subreptissement été sauvé de l’attentat par son identité secrète, il a beaucoup de mal à se remettre du choc émotionnel causé par la mort de son ami Anarè. Pendant ce temps, le Rav Aboukabat a échappé à son geôlier par l’initiative du scribe Pakhémétnou, qui a secouru le Rav au sacrifice de sa propre vie.

La population s’échauffait de plus en plus. Les égyptiens étaient comme possédés par une rage autodestructrice qu’ils ne pouvaient diriger vers quiconque autre qu’eux-mêmes. La garde de Pharaon ne parvenait pas à maîtriser l’hystérie de la foule, la mort de celui qu’ils pensaient être le prince Ankhéfènie, qui avait de peu suivi la plaie du sang, avait mis à bout les citoyens, même les plus dociles. 

Ankhéfènie et Eliakoum jouaient des coudes en direction de l’imposant bâtiment où se trouvait enfermé le Rav Aboulkabat Halévi, la prison de Kouantorè. Les deux hommes n’avaient aucun plan pour faire évader leur ami, mais ils ne pouvaient pas se résigner à laisser le vieil homme dans cette affreuse geôle. Avançant difficilement à contre-courant de la foule agitée, Eliakoum saisi le bras du prince d’Egypte. 

« Prince, regardez, là-bas », dit-il en pointant du doigt la direction nord-ouest, un homme qui courbait l’échine, rasant les murs du bâtiment d’un pas rapide. Cela ne faisait pas de doute, c’était bien lui.

Ankhéfènie, redoublant de vigueur, poussa énergiquement les individus entravant son passage. « Rabbi, Rabbi !! », s’écria-t-il, « Par ici ! ». D’une main, il retenait son capuchon serré contre son visage, de l’autre il poussait les passants.

Le Rav s’immobilisa, regardant aux alentours l’air méfiant. Il ne discernait pas encore d’où provenaient les appels.

« Venez, maître, par ici », dit Ankhéfènie tout en lui saisissant le bras. « Je connais un passage qui mène à Goshen. »

Ankhéfènie ne lâchait pas la main de son maître. Ils traversèrent non sans peine le marché de Taménè. C’est là-bas que le prince d’Egypte avait découvert un souterrain qui menait aux alentours de Goshen lors d’une de ses escapades nocturnes.

La foule était agglutinée devant le palais du roi, les rues du marché étaient presque vides, seuls quelques mendiants en profitaient pour récolter les restes de fruits et légumes délaissés par leurs marchands sur leurs échoppes. Les fugitifs s’engouffrèrent dans une petite ruelle adjacente au marché. Ankhéfènie se dirigea sans hésitation vers un buisson sur le côté de la voie.

« Où est donc Eliakoum ? », demanda le Rav une fois devant la trappe dissimulée derrière le buisson.

Ankhéfènie ne s’était pas aperçu de l’absence d’Eliakoum. 

« Nous ne pouvons plus nous attarder ici, Rabbi Aboulkabat. D’ici peu, Pharaon ordonnera la fermeture du périmètre tout entier ». Il était en train de creuser en dessous du buisson pour en déterrer une vieille ficelle blanche. «En plus, je ne m’en fais pas pour Eliakoum, il est très débrouillard… »

« Oui, je sais… », dit le Rav dans un soupir d’impuissance.

« Voilà ! Après vous, Rabbi Aboulkabat », dit le prince tout en levant une grille de fer rouillée recouverte de terre.

Les deux hommes pénétrèrent le long tunnel souterrain qui les mènerait à Goshen.

Eliakoum, quant à lui, avait délibérément abandonné l’excursion... il n’était plus capable de soutenir le regard du Rav Aboulkabat, ni celui de sa famille, alors qu’il était habillé de la sorte. Il se dirigeait donc vers la seule adresse qu’il connaissait en Egypte, la maison d’Anoukis.

Pharaon avait réuni sa cour dans l’immense jardin du palais, il craignait qu’un poison n’ait été introduit dans son palais. La mort de son fils avait exacerbé sa paranoïa naturelle. Une équipe de désinfection était en train d’astiquer les moindres recoins de la salle principale ainsi que ceux de ses appartements.

Le Conseil était là, entourant le roi d’Egypte avec ses mages et ses généraux. Pharaon était encadré par sa garde rapprochée. 

Il entama un discours de circonstance : « L’Egypte subit les foudres du D.ieu des Hébreux, nous devons déjouer ses sortilèges. La mémoire d’Ankhéfènie, l’héritier du trône, ne doit pas être oubliée. Nous devons user de toute la magie de l’Egypte pour sortir vainqueurs de cette bataille… »

Alors qu’il était en pleine allocution, un de ses généraux lança : « Votre altesse, les deux Hébreux. Ils sont là ! »

Les regards se tournèrent vers les deux hommes qui s’avançaient d’un pas confiant vers le rassemblement au milieu du parc. Pharaon ne comprenait toujours pas comment les deux Hébreux parvenaient à s’immiscer quand bon leur semble, outrepassant la lourde sécurité du palais.

Un silence glacial régnait. Seules les fontaines d’eaux ruisselantes se faisaient entendre à intervalles réguliers. Les égyptiens étaient terrifiés à la vue de Moché et d’Aharon, l’aura qu’ils dégageaient était inexplicable, elle mettait tout le monde en respect, y compris l’empereur d’Egypte.

Moché et Aharon s’arrêtèrent à quelques mètres de l’assemblée, fixant l’assistance du regard. La garde de Pharaon était immobile, pétrifié par la sérénité des deux vieillards.

Moché fit un pas. Instinctivement, tout le monde recula en arrière. Il dit d’une voix calme s’adressant à Pharaon : « Ainsi à dit l’Eternel : ” Libère mon peuple afin qu’ils Me servent “. » Sans que Moché n’eut besoin d’élever la voix, celle-ci s’éleva si fort que toute l’Egypte put l’entendre, Pharaon et son gouvernement durent porter les mains à leurs oreilles tant la tonalité de la voix de Moché était puissante. « Si tu refuses de le libérer, voici que je frapperai tout ton pays par des grenouilles, le fleuve en grouillera, elles s’immisceront dans ta maison, dans celle de tes serviteurs, jusque dans tes fours et tes pétrins. »

Moché fit signe à son frère d’exécuter l’ordre divin. Celui-ci s’approcha du fleuve qui traversait le jardin de la cour puis, d’un coup de bâton, il frappa le fleuve du palais de Pharaon comme il l’avait fait sur le Nil auparavant. Quelques éclaboussures et plus rien. Aharon et Moché s’en allèrent de ce pas sans ajouter un seul mot.

Les membres du Conseil se regardaient les uns les autres, perplexes. Il ne se passait rien… C’est alors que des hurlements hystériques se firent entendre au-delà des hautes murailles du palais. Une ombre gigantesque couvra l’ensoleillement du paysage. L’Egypte fut d’un coup plongée dans l’ombre.

Le sol se mit à trembler. La garde rapprochée du Pharaon extrada son chef du milieu du grand parc en direction du palais, pendant que les vieux gouverneurs d’Egypte prenaient leurs jambes à leur cou dans une fuite divisée.

Un monstre affreux s’était levé des eaux du Nil, une grenouille si grande qu’elle recouvrait l’ensoleillement de tout le pays. L’armée fut envoyée à la rescousse, les soldats frappaient à coups de bâton la grosse bête, mais au lieu de l’affaiblir, elle pondait des millions de petites grenouilles qui coassaient frénétiquement dans toute l’Egypte.

Les bestioles s'immisçaient partout dans un vacarme infernal. Elles pénétraient les vêtements, les plats, et parfois même elles se jetaient, comme possédées, dans la gorge des Egyptiens écœurés.

« Mages, sorciers ! », hurla Pharaon, « Calmez-moi les foules, faites vous aussi apparaître des grenouilles. » Mais, à peine eut-il achevé sa phrase qu’un amas de grenouilles le saisissait lui aussi, sans retenue pour son rang.

Etouffée sous cette nuée d’amphibiens, l’Egypte suffoquait, elle implorait son souverain de libérer le peuple en esclavage. 

De son côté, Eliakoum avait accepté, à contre-coeur la vie égyptienne qu’Anoukis lui proposait, et ce malgré la trahison dont elle était l’auteure. Il espérait que toutes ces “ catastrophes naturelles “ comme on les appelait dans la haute société égyptienne, prendraient fin le plus vite possible. Il s’efforçait de ne pas y voir la réalisation des prophéties de délivrance de son peuple. La honte de son comportement face au Rav Aboulkabat, et le magnétisme des plaisirs l’avait emporté sur son intégrité.