« Je suis Hachem, ton D.ieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, d’une maison d’esclavage […] » (Ex. 20, 2)

Comme nous le savons tous, Pessa’h est le temps de notre libération. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ? Ne sommes-nous pas encore sous le joug des nations du monde ? Nous disons dans la prière : « Tu nous as délivrés d’Égypte et Tu nous as rachetés de la maison des esclaves. » Quelle est donc la différence entre la notion de « délivrance » et celle de « rachat » ? Pourquoi la délivrance s’applique à l’Égypte, tandis que le rachat concerne la maison des esclaves ? Rav et Chmouel, deux grands sages du Talmud, débattent d’une des lois du texte de la Haggada. En effet, celui-ci doit commencer de façon dévalorisante, voire dénigrante, et se conclure par des louanges. Selon Chmouel, on débute par « nous étions les esclaves de Pharaon en Égypte », alors que selon Rav nous commençons par « au début, nos ancêtres étaient idolâtres ». La Halakha nous enjoint de citer les deux avis. Pourquoi ?

 Le soir du Seder, nous prononçons la seconde partie du Hallel. Celle-ci parle de la délivrance future. Pourquoi ? 

Nous tenterons de répondre à ces questions en quelques lignes. 

Tout d’abord, définissons l’esclavage d’Égypte. Selon le Gaon de Vilna et d’autres grands maîtres, le servage était double : spirituel et physique.  

Spirituel. Les Enfants d’Israël étaient enfouis dans l’impureté de l’idolâtrie jusqu’au 49e niveau. 

Physique. Pharaon les avait réduits en esclavage. 

Certains expliquent au nom du Brisker Rov que le rachat de la maison des esclaves désigne la délivrance physique, tandis que la libération d’Égypte désigne le sauvetage spirituel. 

Rav et Chmouel discutent de la préséance de l’un par rapport à l’autre.  Selon Rav, nous devons mentionner l’exil spirituel de nos ancêtres.  Tandis que selon Chmouel, l’exil physique a préséance. Et la Halakha nous demande de citer les deux. Car la louange d’Hachem sera ainsi complète. 

Il nous reste à déterminer le moment de la libration physique et celui de la délivrance spirituelle. 

Le Maharal de Prague enseigne que l’essentiel de la délivrance spirituelle se produisit lors de l’apport du sacrifice de Pessa’h, le Korban Pessa’h. (Cf. Guevourot Hachem Chap. 36) L'abattage de l’idole égyptienne (l’agneau était l’une des principales idoles de l’Égypte ancienne) a extirpé les Bné Israël du joug idolâtre en le chassant de leur cœur. Cet événement s’est inscrit dans le temps comme le moment de la délivrance spirituelle. Son aura scintille pour l’éternité. Chaque année, lors de la fête de Pessa’h, nous bénéficions de cette lumière. Il ne nous reste qu’à la saisir par le biais des Misvtot de ce jour, mais surtout de la volonté profonde d’être libre ! Nous devons pour cela sacrifier l’idole qui nous asservit de nos jours…Ce sont là, les racines de la libération future. La sortie d’Égypte est le début d’un processus global de délivrance « Hat’halta Degueoula ». Celui-ci se conclura avec la libération que nous citons le soir de Pessa’h. Car elle ne viendra que par notre travail. Pessa’h est donc le temps de notre délivrance. C’est le moment de s’affranchir de l’esclavage spirituel. La délivrance dépend, et incombe à chacun de nous tous. La vie d’un Juif ressemble à un circuit jonché de stations. Chacune de ces stations offre de quoi se ravitailler. On se revigore à chaque passage. Ces stations sont le Chabbath, les fêtes et tous les moments saints du calendrier hébraïque. Nous traversons le temps et bénéficions de l’influence sainte du Chabbath et des fêtes. Pessa’h est la station de la délivrance. Le Temps de notre “délivrance”, est une opportunité spirituelle spéciale pour la liberté. Cette époque de l’année, le moment de Pessa’h n’est pas seulement la commémoration et la célébration d’un évènement historique. Mais, ce moment, chaque année est une opportunité spirituelle pour combattre en faveur de la liberté de notre âme.  Un concept fondamental dans le Judaïsme est que la liberté d’une personne est seulement déterminée par ses capacités à faire des choix moraux déterminés par son libre arbitre. Le Judaïsme comprend qu’une personne est composée d’un Yetser Hatov, sa propension à agir positivement, de façon productive et à se construire en tant qu’être humain raffiné et d’un Yetser Hara, qui est la propension à agir négativement et de façon improductive. Le but de la vie est de choisir d’agir en accord avec notre Yetser Hatov et de minimiser le contrôle du Yetser Hara sur nos actions. C’est pourquoi, pour atteindre la liberté de l’âme, une personne doit dépasser l’influence du Yetser Hara. Pessa’h est le moment le plus propice à cela. La Mitsva de rechercher et de se débarrasser du ‘Hamets avant Pessa’h symbolise ce processus de libération de trois aspects du Yetser Hara (1) la motivation à faire le mal (2) l’égocentrisme et le culte de soi-même et (3), l’idolâtrie. C’est pourquoi, se débarrasser du ‘Hamets symbolise notre désir d’être vraiment libre. Car la liberté d’un confinement n’est qu’un état neutre. Mais pour permettre à son image divine de briller et pour passer à l’étape suivante, on doit reconnaître que D.ieu est la source de cette liberté. Pessah est le moment pour apporter une libération à notre âme. Sachons saisir cette occasion.