L’un des passages clés de Yom Kippour est le texte émouvant de « Kol Nidré », par lequel nous entamons cette sainte journée.

Les commentateurs notent qu’en réalité, « Kol Nidré » n’est pas du tout une prière, mais l’annulation de nos vœux. Celle-ci aurait pu se faire à tout autre moment. Pourquoi abolissons-nous nos vœux précisément au début de Yom Kippour ?

‘Hazal nous enseignent là une leçon très importante. Yom Kippour est le jour où l’homme est censé procéder à une auto-analyse approfondie. Il reconnaît ses erreurs et s’engage à ne plus les répéter à l’avenir. Pour que cette démarche soit efficace, il doit s’efforcer d’être parfaitement honnête avec lui-même et éviter de se « voiler la face », ce qui l’éloignerait de ce qu’il sait être la vérité.

Dans Kol Nidré, il exprime sa volonté de fuir la malhonnêteté inhérente aux vœux irréfléchis. Ce faisant, il reconnaît l’importance de l’intégrité et la gravité de la mauvaise foi. Se remémorer l’importance d’être honnête avec Hachem et avec soi-même est une façon très appropriée de commencer le jour de la techouva.

Dans plusieurs cas, ‘Hazal démontrent que la mauvaise foi fut à l’origine d’avérot et de regrettables décisions à des carrefours pourtant capitaux.

L’exemple de Loth est frappant. Il prit la décision de quitter Avraham Avinou pour vivre dans l’horrible ville de Sodome. Pourquoi choisit-il d’y aller ? La Thora nous informe que c’était pour des raisons financières – il vit que la terre de Sodome était adaptée à ses troupeaux. Cependant, Rachi cite ‘Hazal qui affirment que la réelle raison de son départ était l’immoralité de Sodome, où il allait pouvoir assouvir son désir pour la débauche.

Si ‘Hazal nous disent que telle était sa réelle motivation, pourquoi la Thora affirme-t-elle qu’il y est allé pour des raisons financières ?!

En apparence, Loth s’y rendit pour son gagne-pain, mais la raison sous-jacente et décisive était l’immoralité qui y régnait. La Thora nous fait part de l’aspect extérieur tandis que ‘Hazal nous révèlent la raison cachée, qui est ainsi dissimulée dans la Thora chébéal pé (Loi orale). Mon rav, le rav Its’hak Berkovits chlita souligne que Loth lui-même pensait qu’il allait à Sodome pour y vivre dans l’opulence ! Il se mentait quant à la cause principale de ce départ désastreux. C’est un exemple type de la façon dont le yétser hara berne l’homme concernant ses motivations, et l’entraîne à fauter.

Autre exemple, Chaoul HaMelekh. Chemouël Hanavi informa Chaoul qu’Hachem lui demandait d’anéantir tout le peuple d’Amalek. Inexplicablement, après sa bataille victorieuse, Chaoul laissa en vie le roi d’Amalek – Agag — ainsi que quelques animaux. C’était une déviation manifeste à la parole d’Hachem, et pourtant, quand Chaoul rencontra Chemouel, il lui annonça fièrement qu’il avait accompli la volonté d’Hachem ! Il ne réalisa même pas qu’il avait clairement transgressé l’ordre divin, et commis une faute terrible. Il se leurra à croire qu’il avait fait ce que D. lui avait demandé.

Ces incidents nous montrent la force du mauvais penchant qui cherche à ce que l’on se mente à soi-même. En effet, il semble que toutes les fautes majeures citées dans la Thora furent apparemment commises à cause des illusions que les gens se faisaient quant à leurs réelles motivations.

C’est également le cas de la toute première faute, celle d’Adam Harichon. Les sefarim nous expliquent son raisonnement : en mangeant du fruit, il comptait atteindre un plus haut niveau de libre arbitre. Mais, en son for intérieur, son but était de s’éloigner un peu d’Hachem et d’en être plus indépendant.

Ce leurre risque de nous faire penser que nous n’avons pas besoin de faire techouva dans certains domaines. Un homme, à l’époque du Rambam, dit à ce dernier qu’il était certain de n’avoir pas commis les fautes rapportées dans le vidouï et que la récitation de ce texte serait un mensonge de sa part… Le Rambam lui expliqua qu’il existe plusieurs degrés de transgression dans chaque avéra, et qu’à un certain niveau, il avait en réalité transgressé toutes les fautes énoncées dans le vidouï. De plus, lui dit-il, le simple fait de prétendre n’avoir commis aucun péché cité dans le vidouï est en soi une faute. Ironiquement, cet homme se souciait du mensonge que constituerait la récitation du vidouï, mais en réalité, il se berçait d’illusions en pensant qu’il n’avait pas besoin de le dire !

Souvent, nous avons du mal à voir nos propres défauts. Nous accusons les autres ou légitimons nos failles par les circonstances extérieures, en oubliant de blâmer notre propre conduite… Le jour de Kippour nous oblige à affronter la réalité. Puissions-nous mériter de revenir vers Hachem en toute sincérité.