Voici un exemple concret d'un cas traité par des tribunaux rabbiniques, afin d'apprendre à voir et assimiler peu à peu le "Daat Torah", le fait d'avoir un esprit et une réfléxion de plus en plus en accord avec la Torah.

Cas :

Israël, étant dans un état financier difficile, se tourne vers son ami, Dan, avec une offre innovatrice : son père est dans un état critique et il ne lui reste plus que quelques mois à vivre selon les meilleurs pronostics. Il propose donc à Dan d’acheter déjà une part de son héritage à venir. Il le convainc donc d’acheter un appartement à Deauville qui est loué tout au long de l’année et fournit un très bon rendement. Le contrat est signé selon la Halakha et le père décède le mois suivant.

Le partage entre les frères est vite établi et Israël fait le nécessaire pour recevoir cet appartement dans sa part d’héritage. Quelques mois passent encore durant lesquels Dan reçoit les locations de l’appartement et en jouit lui-même en attendant de régulariser la situation chez un avocat.

Israël, qui est maintenant plus à l’aise financièrement, regrette son acte et veut annuler le contrat sous prétexte qu’il ne pouvait vendre un bien qui ne lui appartenait pas encore. Il demande donc à rembourser l’argent perçu pour la vente, mais il veut en déduire les loyers, car si la vente était nulle, Dan n’aurait pas du les recevoir.

Il est conscient que sa conduite n’est pas cavalière, mais il ne veut pas faire un aussi grand cadeau à Dan si vraiment cela ne lui revenait pas selon la loi.

Psak et explications :

La halakha semble, à premier abord, claire à ce sujet : on ne peut vendre un bien qui n’est pas encore en sa possession (Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat 209,5 - 211,1). Car il faut savoir qu’il n’y a pratiquement pas de différence dans la Halakha entre une chose qui n’est pas encore existante (comme un animal qui doit naître etc. (209.4 et 60.0)) et une chose existante mais pas encore dans sa possession. Mais il faut rappeler que le Rama (211,1) fait une différence entre un objet acquis et un héritage.

En effet, un héritier peut vendre sa part avant le décès de son parent, à condition qu’il définisse précisément le terrain ou l’objet en question. La raison à cela est que l’héritage n’est pas une acquisition, mais plutôt une passation naturelle, et c’est comme si l’objet ne changeait pas de propriétaire mais continuait son parcours chez le fils etc. En vertu de cela, Dan serait donc acquéreur selon la Halakha.

Mais le Nétivot Hamichpat (Id 2) met une restriction à cela. Il faut que le vendeur soit seul héritier. Car quand il y a plusieurs héritiers, le partage est considéré comme un achat, l’un la part de l’autre. Israël n’était pas le seul héritier.

En revanche il n’est pas évident que Dan doive rendre les loyers perçus. En effet, le Choul’han Aroukh ‘Hochen Michpat (209,4), à propos d’une vente d’un objet qui n’est pas encore au monde, établit qu’une "Tfissa", une saisie de l’objet vendu, sera effective même si la vente en elle-même est invalide (voire Sma’h id. qui explique que cette Tfissa est en fait basée sur une logique de Mé’hila, d’un agrément de la part du vendeur à offrir ce qui a été pris afin de garder, au moins, en partie sa parole ; ce n’est donc pas vraiment une Tfissa dans le sens commun de ce terme : une mainmise sur un argent sur lequel il y a un doute).

Selon le Knesset Haguédola, la même loi est valable pour un objet existant mais pas encore possédé et qui aurait été vendu. Une mainmise octroie donc logiquement les pleins droits. Les loyers ont donc été saisis suite à une vente de cette sorte et ils doivent rester chez Dan.

Selon la loi, Israël est donc en droit de récupérer son appartement et il ne pourra pas déduire les loyers de ce qu’il doit rendre. Il serait cependant correct de considérer la recommandation du Rama (209,5) (selon le Chakh 211, 1, il semblerait en effet que cela ne soit qu’une recommandation) et respecter sa parole en établissant de nouveau un contrat valide afin que Dan acquiert ce bien.

Rav Yossef Simony

Cette rubrique propose de vous faire partager des cas traités, couramment ou non, dans les baté-din. L’unique but est de faire prendre conscience de la possibilité que donne la Torah de régler n’importe quel conflit financier selon des logiques très réglementées. Nous vous recommandons donc de ne pas tirer de conclusions personnelles de ces enseignements, car un détail et une parole peuvent changer toute l’issue du psak-din.

Bet-Din francophone "Michpat Chalom"
sous la direction du Rav Baroukh Chraga est actif à Jerusalem, Nathania et Ashdod
Dayanim : Rav Réouven Cohen, Rav Itshak Bellahsen, Rav Yossef Chaynin, Rav Dov Rozman, Rav Yehouda Levy et Rav Ellia Yafé.
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