Dans le livre "Messilat Yecharim", le Ram’hal analyse les différents stades de la colère :

1. Il existe l’homme fondamentalement irascible dont il est dit (Chabbat 105b) : « celui qui se livre à la colère est
comparable à un idolâtre ». Il est ici question de l’homme qui s’emporte violemment à la moindre contrariété. Il
n’est plus maître de lui-même, son jugement s’altère. Un tel homme est capable de détruire le monde entier s’il en avait le pouvoir car son esprit a perdu tout contrôle. Il est aussi dépourvu de jugement qu’une bête sauvage, comme il est écrit (Job 18,4) : « Tu te déchires toi-même dans ta fureur, est-ce par amour de toi que la terre sera
abandonnée… ? ». Il est capable de commettre n’importe quelle faute si sa colère le lui dicte. Car il n’a d’autres
limites que celles de sa fureur et il fera tout ce qu’elle lui commandera.

2. Le second type de coléreux est très éloigné du premier. Il ne s’irrite pas systématiquement devant les obstacles – grands ou petits – qui entravent sa volonté. Mais s’il en vient à s’emporter, il entre dans une terrible fureur. Il est de ceux dont nos Sages ont dit (Avot 5,11) : «… difficile à mettre en colère mais difficile à calmer ». Cette forme de colère est aussi pernicieuse : elle peut provoquer des dégâts qu’il est ensuite impossible de réparer.

3. Il existe une autre forme de colère, moins virulente que les deux premières : cette fois-ci le coléreux ne s’emporte pas pour un rien, et sa colère a des limites et n’affecte pas son jugement mais il garde de la rancœur. Un tel tempérament est moins répréhensible que les deux précédents. Cependant, il n’a pas encore acquis la vertu de « pureté morale » (Nekiout) ni même encore celle de la prudence. Du moment qu’il cède à la colère il demeure un « coléreux ».

4. Certains tempéraments sont encore moins enclins à la colère : ces personnes perdent difficilement leur calme, et quand elles sont en colère, leur irritation demeure modérée. Elle ne dure qu’un instant : le temps pour la raison d’étouffer le sentiment de colère naissant. Nos Sages évoquent ce type de coléreux : « il s’irrite
difficilement et se calme facilement ». C’est une grande qualité. Sa nature pousse l’homme à s’emporter, et il se
montre alors capable de maitriser sa colère. Il ne demeure pas longtemps sous l’emprise de ce sentiment qui aussitôt s’atténue et disparait. Celui qui a atteint ce stade est digne de louanges ! Nos Sages disent au sujet de celui qui sait se taire au moment de la querelle (’Houline 89a) : « Il suspend la terre sur le néant / BeLiMa » (Job 26, 7) – Rabbi Ila dit : le monde repose sur celui qui sait sceller ses lèvres (BoLeM) quand survient un conflit. Sa nature l’incite à se mettre en colère mais il la surmonte et se tait.
 

Hillel demeure en la matière le maître absolu… jamais il ne se mettait en colère. Rien ne pouvait éveiller en lui ne serait-ce qu’un début d’irritation. Il ne subsistait pas en lui la moindre trace de colère.

Nos Sages nous mettent en garde contre la colère, même lorsqu’elle n’est qu’un moyen d’accomplir une mitsva – dans un but éducatif par exemple. Les parents ou les maîtres peuvent bien sûr réprimander les enfants mais sans jamais s’emporter. Leur intention étant de les remettre sur le droit chemin, ils doivent simuler la colère sans jamais la laisser gagner leur cœur. Le roi Salomon enseigne (Kohelet/Ecclésiaste 7, 9) : « Ne cède pas trop à ton humeur irascible, car la colère est à demeure au sein des fous » ; et il est écrit (Iyov/Job
5,2) : « Certes, c’est sa colère qui tue l’insensé ». Nos Sages disent (Erouvin 65b) : « Un homme se révèle par trois choses : sa coupe de vin, sa bourse et sa colère »