Dans la Paracha de Choftim, la Torah stipule que la déposition de deux (ou trois) témoins Cachères est indispensable pour établir juridiquement la survenance d'un fait. Dans l'ouvrage Elef Hamaguèn, Rabbi Its’hak Abi’hssira propose dix lectures commentées de ce verset. À l'occasion de sa Hiloula, Torah-Box vous présente ici la version traduite d’une d’entre elles.

"Sur la déposition de deux ou de trois témoins, sera mis à mort celui qui encourt la peine capitale ; il ne pourra être mis à mort sur la déposition d'un seul témoin", dit la Torah dans Dévarim (17, 6).

Le boiteux et le non-voyant

Introduisons le commentaire de Rabbi Its’hak avec un passage de la Guémara (Sanhédrin 91a) : "Antonin dit à Rabbi Yéhouda : ‘Le corps et l'âme peuvent tout à fait [techniquement] éviter le jugement céleste. De quelle manière ? Le corps peut prétendre : c'est l'âme qui a fauté, car depuis son départ du corps, je suis inerte comme une pierre dans la tombe. L'âme, quant à elle, peut rétorquer : c'est le corps qui a fauté, car depuis notre séparation, je suis libre de voler dans les airs comme un oiseau.’ Rabbi Yéhouda lui répond : ‘Laisse-moi te présenter la parabole suivante : Un roi avait placé deux gardes pour surveiller son verger, l'un était aveugle et l'autre boiteux. Le boiteux vit de très beaux fruits au loin et demanda à l'aveugle de le guider jusqu'à ces arbres fruitiers. Quelques jours plus tard, le roi vint sur place et constata que les beaux fruits avaient disparu. Lorsqu'il interrogea les gardes, le non-voyant répondit : ‘Ai-je des yeux pour savoir où se trouvent les fruits ?’ Le boiteux, quant à lui, répondit : ‘Suis-je en mesure de marcher dans mon état ?’ Le roi décida de placer le boiteux sur le non-voyant et de les juger consécutivement. De la même manière, Hachem, poursuit Rabbi Yéhouda, apportera l'âme et l'insufflera dans le corps avant de les juger ensemble, comme le rapporte le livre des Téhilim (50, 4) : ‘Il adresse Son appel aux cieux d'en-haut ainsi qu'à la terre, en vue de juger Son peuple". La première partie du verset, ‘Il adresse Son appel aux cieux d'en-haut’, fait référence à l'âme, tandis que la seconde partie, ‘ainsi qu'à la terre en vue de juger Son peuple’, fait référence au corps."

Deux et trois témoins

Il découle de ce passage que théoriquement, lorsque l'âme et le corps sont séparés, ils ne peuvent être jugés. C'est pourquoi Hachem les réunit afin de les juger sur leurs actes. Une fois le jugement rendu, l'âme retourne chez Hachem et le corps retourne à la terre, comme il est dit : "Car tu es poussière et tu retourneras à la poussière" (Béréchit 3, 19).

Au regard de ce qui vient d'être expliqué, on peut comprendre le verset "Sur la déposition de deux témoins" de la manière suivante : lorsque Hachem place l'âme dans le corps, tous deux peuvent témoigner de leurs actes, à l'image du boiteux et du non-voyant. La suite du verset "ou de trois témoins" indique que si l'âme et le corps venaient à nier leur responsabilité sur ce qui leur est reproché, Hachem Se joindrait à eux pour témoigner contre la personne. En effet, la Michna dans le traité Avot (4, 22) affirme : "Il (Hachem) est à la fois le juge et le témoin."

Ceci correspond au scénario de : "ou de trois témoins" à savoir Hachem, l’âme et le corps ; “sera mis à mort celui qui encourt la peine capitalec’est-à-dire l’homme, après que son âme se soit détachée du corps, est mort avant de ressusciter au moment de son jugement céleste, comme indiqué dans la parabole citée précédemment. Une fois le jugement terminé, l'âme retourne vers Hachem d'où elle provient, et le corps retourne à la terre. Et c’est précisément le sens de l’expression "que sera mis à mort celui qui encourt la peine capitale".

La fin du verset : "Il ne pourra être mis à mort sur la déposition d'un seul témoin" signifie que si l’âme ou le corps restaient indépendants, chacun d’eux pourrait se disculper du jugement céleste si ce n’est qu’Hachem forçait leur réunion afin de pouvoir les juger !