Alors que l’abattage rituel – la Che'hita, règle fondamentale de la Cacheroute – est interdit dans certains pays européens, ce qui indispose fortement les Juifs habitant ces pays (Belgique, Danemark, Suède), la France n’avait pas pris de position intransigeante à ce sujet. Mais aujourd’hui le débat public oppose les deux camps, les animalistes d’une part, les représentants religieux, d’autre part. A remarquer que, bien sûr, les musulmans et les juifs se retrouvent ici dans le même camp, car c’est de la viande « Cachère » ou « 'Hallal » que les animalistes refusent d’accepter. Cependant, en France, jusqu’à maintenant, on évitait le débat ; certes, l’Union Européenne avait récemment rendu un avis selon lequel la viande issue de l’abattage rituel ne pouvait recevoir le label « bio » - qui garantit la salubrité d’un produit. Cependant, malgré les réserves officielles, malgré le désir de ne pas envenimer le débat, les « animalistes » haussent le ton et l’on cherche des solutions pour éviter l’affrontement (voir L’Express n° 3565, Novembre 2019). Il n’est pas inutile à nos yeux de réfléchir à ce problème et d’exprimer clairement un avis fondamental à ce sujet.

Tout d’abord, il faut reconnaître deux faux débats dans ce contexte, pour analyser ensuite le problème réel qui est l’approche idéologique de l’opposition à l’abattage rituel. Les faux débats sont, d’une part, économiques, d’autre part, sociologiques. L’économie a son mot à dire car il s’agit d’un marché juteux, que les industriels de la viande risqueraient de perdre si l’on interdisait en France de faire de la viande « Cachère » ou « 'Hallal », au profit des importations de viande des pays étrangers. Il est évident que, pour les consommateurs, le prix de la viande serait beaucoup plus élevé. Cependant, évitons ici cet aspect du problème. Un deuxième faux débat, sociologique celui-là, concerne l’aspect raciste de la question. Les partis d’extrême-droite prennent une position assez violente contre l’abattage rituel, par antisémitisme ou anti-islam. Le Grand Rabbin de France, Haïm Korsa, l’a dit franchement : « Ne peut-on pas y voir une sorte d’injonction paradoxale consistant à dire aux Juifs que leur place est en France, mais qu’ils ne peuvent pas manger Cachère ? »

Pourtant, au-delà de ces préoccupations économiques ou politiques, ce n’est pas là le point essentiel de la controverse. Ce qui nous importe, dans l’optique de la législation sinaïtique, c’est de prouver qu’il n’y a pas d’opposition entre les soucis des animalistes qui veulent protéger les animaux, et les règles de la « Che'hita » (abattage rituel). Est-il moins pénible pour l’animal d’être victime d’un étourdissement qui lui fait perdre conscience que d’être abattu d’un seul geste d’une lame affutée, qui doit trancher l’artère et la trachée de l’animal, sans provoquer la moindre déchirure, en réduisant sa souffrance au minimum ? (Emercic Deutsch – La volonté de comprendre, p. 155). Pratiquer l’étourdissement est-ce vraiment une méthode moins « traumatisante » pour l’animal ? « La netteté de la coupure a pour effet d’épargner toute douleur à la bête abattue, dont la fin de l’irrigation de son cerveau par son sang provoque en quelques secondes une perte complète de conscience » (Aryéh Carmell – « L’idée maîtresse » p. 146). Etourdir la bête est-ce plus rapide que l’acte de la Che'hita, acte qui dure quelques secondes ? C’est ici que doit se situer la controverse : la « Che'hita » rituelle est loin d’être un acte qui contredit le « Tsa'ar Ba'alé 'Haïm », l’interdiction de faire souffrir les animaux, également ordonnance de la Torah.

Si l’on se situe à ce niveau – réel et non falsifié par des considérations extérieures, le problème posé aujourd’hui par les autorités, par le Ministère de l’Agriculture, par les sociétés protectrices des Animaux, est, en réalité, plus un désir politique de s’opposer à la population islamique, qui compte aujourd’hui près de 5 millions d’habitants en France. En effet, jamais ces problèmes ne se sont posés avec acuité comme aujourd’hui en Europe dans les siècles précédents, et d’ailleurs le pourcentage de la population juive ne justifiait pas les polémiques dans le passé, comme aujourd’hui. En tout cas, il semble qu’il ne serait pas inutile de confronter, dans un débat public, les deux moyens utilisés pour l’abattage des bêtes.

Il importe, pour conclure, de préciser que l’abattage rituel a assurément maintenu, pendant toutes les pérégrinations de l’exil d’Israël, la pureté du foyer juif. Les interdits alimentaires, l’interdiction de consommer du sang, la différence entre le lacté et le carné s’insèrent dans un ensemble harmonieux qui a pour but de créer une atmosphère de pureté et de sainteté. De ce fait, considérer que les règles rituelles de l’abattage sont « cruelles » comme de nombreux critiques les présentent, ou sont l’expression de sauvages refusant la modernité, cette considération est essentiellement contraire à la vérité. La pérennité d’Israël est due à ces observances minutieuses, et aucune interdiction officielle ne pourrait les rendre caduques. Elles s’inscrivent dans la survie d’une histoire particulière et l’on ne saurait les abandonner. Tel est le message éternel d’Israël, un message de sainteté, de pureté et une assise assurée pour l’avenir du peuple.