Notre grand roi et poète, David, a exprimé son désir le plus profond lorsqu'il a écrit : « Une chose que je demande au Seigneur… de vivre dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie… ». De vivre dans la maison du Seigneur ?! Qui pourrait envisager quelque chose de plus grand ? Et pourtant, après ce verset, il ajoute : « Et visitez Son Temple ».

Comme tous les grands poètes, David a dévoilé dans ces mots une contradiction essentielle. Il parle de vouloir être ce qu'il ne peut pas être, résident et visiteur ! Le Rav Soloveitchik cherche à comprendre le désir contradictoire de David en enseignant que la résidence permanente conduit souvent à perdre la perspective, à tenir les choses pour acquises, à ne plus apprécier la beauté et l’émerveillement de ce qui nous entoure. Un visiteur prend note de tout, tout est nouveau pour lui, tout est frais… Il est impressionné par ce qu'il voit.

David veut à la fois réconfort et crainte. En d'autres termes, il veut la Emouna. La foi. La croyance. Pour le vrai croyant, le confort est permanent et pourtant toujours renouvelé et rafraîchi.

Comment avoir une telle foi, une foi qui voit chaque jour une nouvelle opportunité et un nouvel espoir ? Comment trouve-t-on la grâce de la Emouna, en particulier pendant cette intense période de recherches ?

Pour le juif cynique, la vie juive authentique - remplie de "tellement de règles et obligations et de rituels étranges" - est l'antithèse d'une notion moderne de spiritualité et de foi. C'est "légaliste", "à l'étroit", sans beauté. Il voit dans la tapisserie de la vie juive trop de sombres souvenirs, trop de jeûnes, trop d'enseignements moraux. Trop de demandes.

Il se demande pourquoi il ne peut pas être accepté tel qu’il est, pourquoi il ne peut pas simplement observer le Nouvel An le premier jour de Tichri ou, mieux encore, le dixième. Certainement, pense-t-il, c'est une durée plus que suffisante pour prier, réfléchir et réparer ses erreurs.

"Pourquoi, se demande-t-il, les Juifs doivent-ils commencer leur préparation trente jours avant que la journée de Techouva ne commence ? Pourquoi les Juifs doivent-ils être si sérieux ?"

Sa vision de la vie et de la pratique juives reflète le pessimiste qui voit le verre à moitié vide. La question est de savoir si le point de vue du pessimiste est plus exact que celui de l’optimiste, qui regarde le même verre et se réjouit qu'il soit à moitié plein. Est-il plus correct que le Juif embrasse le désir de David d'être à la fois résident et visiteur ?

L'optimisme nous montre la force de la période se trouvant entre Roch ‘Hodech et la fin de Chémini ‘Atsérèt. Lorsque nous ouvrons nos Sidourim, nous découvrons le plus optimiste de tous les Psaumes, spécialement sélectionné pour cette magnifique période - le psaume 27. Le Midrash enseigne que les mots "Lédavid Hachem Ouri" "Le Seigneur est ma Lumière" font référence à Roch Hachana, tandis que "Véyich’i" "et mon Sauveur" se réfère à Yom Kippour. "Ki Yitspénéni Bésoucca" "Il m'abrite dans Sa Soucca", parle de Souccot.

Ce Téhilim parle d'espoir et d'optimisme - et de la vision de David. Les versets 1 à 6 expriment l'espoir de "demeurer dans la maison du Seigneur" et de "contempler Son agréable plaisir". Les versets 7 à 14 constituent un appel à l'aide de la part de tous les Juifs. C'est un appel qui rappelle le signe que les ‘Hassid Breslev avaient placé sur le portail de leur ghetto pendant la Seconde Guerre mondiale : "Yiden, Zeit Zich Nisht M'Yaesh" "Juifs, n'abandonnez pas !".

L'optimisme est tissé dans la structure même de la vie et de la pratique juives, car le fondement de toute croyance, expression et expérience juive est D.ieu. Parmi tous les plaidoyers que nous mettons devant D.ieu durant les dix jours de pénitence, le Malbim note que c'est le désir d'être un avec D.ieu ("Le Seigneur est la forteresse de ma vie ; de qui aurais-je peur ?") qui nous permet de surmonter nos obstacles spirituels. Connaître l'unité avec D.ieu, c'est savoir que "même si une armée était déployée contre moi, mon cœur ne craindrait pas ; bien que la guerre surgisse contre moi, je serais toujours confiant."

Le travail du mois d’Eloul est de se renouveler et de se rattacher à D.ieu, à la véritable Emouna. En l'absence d'une telle foi renouvelée, presque tout ce que nous faisons et disons au cours du mois d’Eloul et des dix jours de pénitence est réduit à de simples mots ; au mieux, des prescriptions vagues pour "mieux vivre" et des récitations vides d'avoir "échoué" l'année précédente.

Mais les mots ne sont pas l'objectif de notre renouveau ! Le but est de se reconnecter à D.ieu, de rechercher et de ressentir Sa présence de façon constante, d’aussi bien vivre avec Lui que de Lui rendre visite, peu importe où nous sommes - pris dans la circulation, dans un lit d'hôpital, au travail…

Cet optimisme peut être un travail difficile. Même des Juifs réfléchis et bien intentionnés se retrouvent parfois à faire les choses machinalement : feuilleter les pages du Ma’hzor (livre de prières des fêtes), se taper le cœur pendant le Vidouy, donner plus de Tsédaka, se réveiller de bonne heure pour les Seli’hot, tout en se félicitant et en se sentant heureux de leurs efforts et réalisations. Mais qu'avons-nous vraiment fait ? Avons-nous juste "supporté" cette période ou nous sommes-nous vraiment rapprochés de D.ieu ?

Avons-nous simplement prononcé des paroles ou avons-nous ressenti Sa présence ? Notre confiance est-elle plus grande qu'avant le début de cette période ou nous trouvons-nous encore plus loin de Lui ?

Si, le lendemain de Yom Kippour, nous ne nous sentons pas différents d’avant cette période, à quoi nous ont servi tous nos efforts ?

Eloul a pour but de nous amener quelque part ! De nous rapprocher encore plus de D.ieu, d’être des visiteurs et des résidents. C’est la raison pour laquelle nous récitons encore et encore "Lédavid Hachem Ouri" - rapproche-moi, laisse-moi voir le verre à moitié plein ! C'est tout ce que nous devrions vouloir accomplir pendant ces jours de pénitence.

Le Juif « humaniste », le Juif qui veut seulement se montrer le soir de Kol Nidré, vêtu de son plus beau costume, et remplir son "obligation" de cette période, devrait savoir que ce n’est qu’en se rattachant plus d’Hachem et en ayant la Emouna, que nous éprouvons plus d'attachement avec nous-mêmes et les autres !

Ce n’est que lorsque nous croyons vraiment que D.ieu dirige tout et que tout émane de Lui que nous réalisons que la jalousie, la colère et la frustration n’ont aucun sens. À mesure que notre amour pour Hachem grandit, notre amour pour les autres et pour nous-même grandit également.

David est un poète sage et intelligent. Il commence en disant : "Une chose que je demande", mais demande tellement plus de choses que cela. Il demande un abri. Il demande du réconfort. Il demande à pouvoir contempler la beauté du Seigneur, adorer dans Son Temple.

Oui, il demande beaucoup de choses et pourtant, il ne demande qu'une chose, car dans ces demandes, il ne cherche en réalité qu'une seule chose : une relation avec D.ieu. Il cherche la Emouna.

En D.ieu, il y a de l'espoir. En D.ieu, il y a du réconfort. En D.ieu, il y a un sens.

Le cynique peut ne pas le voir et le pessimiste peut être aveugle, mais pour le Juif, le verre est toujours à moitié plein, car c'est D.ieu qui l'a versé. La vie juive authentique est toujours une vie optimiste.

Espère. Sois fort. Sois courageux.

Rabbi Eliyahou Safran