Notre monde a été conçu de telle sorte qu’il ne peut se réaliser et perdurer que grâce à une notion de devoirs et d’obligations. Nous sommes liés par des engagements professionnels, familiaux, civiques, à nos employeurs, nos voisins, notre famille et notre pays. Une société ne peut exister sans un système juridique et exécutif qui assurera le respect de l’ordre. C’est pourquoi nos Sages nous préviennent que "sans la crainte d’une autorité gouvernementale, les hommes se dévoreraient les uns les autres" (Michna Avot 3,2).

La Torah a aussi son infrastructure, à savoir les Mitsvot, qui sont l’armature indispensable à une vie sociale authentiquement juive. L’accomplissement ou l’écartement des Commandements entrainera récompenses ou punitions. Pourquoi ne pas avoir donné à l'homme la possibilité d’agir sans pression, spontanément ? Tout simplement à cause du Yétser Hara’, qui accompagne l’être humain tout au long de sa vie et qui même le "devance" dans ses décisions. En effet, l’orgueil, les passions et la fainéantise sont des attributs attachés à la matière qui nous empêchent de réaliser des actes de morale et de bienfaisance. Ce n’est que grâce au sens du devoir et de l’obligation imposés par la loi que nous parvenons à surmonter ces handicaps.

Mais voilà que pour la construction du Michkan (le Tabernacle), D.ieu demande à chacun sa participation selon son cœur, sans aucune obligation quelconque. Le service dans le Temple sera aussi constitué de sacrifices facultatifs et de dons. Cette constatation interpelle, puisque cette forme de service tranche avec le reste de la Torah qui est constitué d’ordonnances obligatoires !

Nahmanide explique que lors de la Révélation au mont Sinaï, les Bné Israël perçurent intensément la présence divine et souhaitèrent revivre cette expérience spirituelle de manière permanente. La construction du Michkan viendra répondre à cette attente, puisque la Chékhina y résidera en permanence. Chaque personne qui pénétrait dans l’enceinte du Temple ressentait une forte proximité avec Hachem, quelque soit son niveau d’érudition et son ascendance. La construction du Tabernacle et le fait d’y apporter des offrandes n’entre pas dans la catégorie de l’obligatoire, de l’ordre, car le lieu est si dense, si lumineux qu’on ne peut que désirer s’y attacher. Ceux qui franchissaient le parvis étaient mus par un désir ardent, une attraction presque magnétique vers le divin, qu’il fallait au contraire freiner. L’élan de ceux qui pénétraient le Temple devait être tempéré par une conduite de respect et de contenance qui sied à ce lieu saint, à l’image des barrières imposées sur le mont Sinaï lors de la Révélation. 

Toute la réalité du Temple et de son service représente cet élan spontané du peuple hébreu vers son Créateur, et c’est pour cela qu'on ne pouvait participer à son édification que sous forme de dons.

Le roi Chlomo dans son Chir Hachirim a comparé l’amour entre les Bné Israël et l’Eternel avec celui d’un homme envers sa femme. Effectivement, dans un couple on a besoin de ces deux aspects complémentaires, le devoir et les sentiments. La relation entre les conjoints est fixée à partir de devoirs obligatoires transcrits dans la Kétouba que le 'Hatan remet à sa Kala le jour du mariage. Le respect de ces lois est nécessaire pour établir une relation saine et responsable, et c’est sur cette base que l'amour pourra éclore et souder les deux êtres. Le don de soi, les cadeaux, surprises et pensées ne peuvent qu'entretenir les sentiments tellement nécessaires dans la vie de couple.