Un chauffeur de taxi en Israël m’a un jour tenu ces propos : “Observe bien notre situation aujourd’hui et dis-moi franchement, ne sommes-nous pas à l'époque du messie ?! Nous possédons une armée d’élite, des super universités, des hôpitaux parmi les meilleurs du Moyen-Orient et même du monde dans certains domaines, une économie solide, une monnaie stable et nous parvenons à faire la paix avec nos pays voisins arabes ; peut-on rêver à beaucoup mieux que notre situation présente ? À mon avis, c’est cela la période messianique !” Faute de temps, je lui ai quand même répondu : “Alors comment se fait-il qu'on doive attendre l'accord d'Oncle Sam pour construire à Jérusalem, dans ton optique ?”

Comme chaque année, nous marquons pendant ces 3 semaines du calendrier juif que l’on appelle Ben Hamétsarim, le souvenir de la destruction du Temple et de l’exil qui suivit. Malheureusement, pour réaliser ce que la perte du Temple a entraîné, nous aurions eu besoin de savoir clairement ce qu'était la réalité du peuple juif avant le ‘Hourban

Nos Sages nous rapportent une parabole d’un fils de Roi qui s’était fait renvoyer du palais par son père à cause de son attitude déplorable. Errant, affamé, il finit par trouver un petit village dans lequel il trouva l’hospitalité et de quoi se nourrir, en contrepartie d’un travail harassant dans les champs. Au fil du temps, lui qui auparavant ne consommait que des mets raffinés et dormait dans un grand lit confortable, finira par s’habituer à sa situation, content de son sort.

Au bout de quelques années, le roi envoya ses serviteurs à la recherche de son fils, et on le retrouva. L’envoyé demanda au prince déchu s’il désirait rentrer chez son père, ce à quoi celui-ci répondit qu’il n’en voyait pas la nécessité. Il ne manquait de rien, mangeant du pain à satiété, dormant sur de la paille à volonté et portant un vêtement suffisamment chaud en hiver. Que lui apporterait le fait de retourner au palais royal ?! Étonné de ses réponses, le serviteur le questionna, jusqu'à ce qu’il comprenne que le fils du roi avait simplement oublié son passé et le faste royal dans lequel il avait grandi. 

Ce prince, c’est bien sûr nous et notre chauffeur de taxi, exilés du palais, errant et se contentant de pain noir et d’une couche de paille. C’est seulement en connaissant le passé glorieux de notre peuple avant l’exil que nous pourrons véritablement saisir notre situation actuelle et ce, malgré des acquis indéniables. 

L’apogée du Klal Israël se situe à l’époque du roi Chlomo, lorsque le roi affermit son royaume et construisit le Temple. Toutes les Nations reconnaissaient la suprématie d’Israël et la sagesse de son souverain. Israël était redouté, pays et peuple élus par la Providence divine, et Jérusalem était une ville fortifiée et invincible, fierté pour tous ses citoyens. Ce sont les Nations qui demandaient de l’aide à Israël, et non le contraire. Le Beth Hamikdach était le lieu de résidence de la Présence divine sur terre, et tout celui qui y pénétrait se sentait régénéré et raffermi dans sa foi, indépendamment de tous les miracles qui s’y réalisaient. Les fruits qui poussaient en Erets Israël étaient de toute beauté, et des ruisseaux de miel de dattes et de lait coulaient d’abondance dans les vergers. 

Ces récits ne représentent qu’une infime partie du vécu des Juifs en terre sainte à l'époque du Temple, mais ils illustrent bien combien nous sommes encore loin de ce prestigieux passé. Plus on s’imprégnera de cette réalité d’alors, plus on prendra conscience de ce que nous avons perdu avec le ‘Hourban, qui reste la tragédie nationale de notre peuple. S’en rappeler durant ces trois semaines, c’est maintenir en nous le désir ardent de retrouver notre gloire d’antan.