Nos Sages rapportent dans la Guémara (Ta’anit 22a) que Rabbi Beroka demanda à Eliahou Hanavi de lui désigner parmi la foule  un “Ben Ha‘olam Haba” c’est à dire une personne exceptionnelle dans sa piété qui méritera d’être pleinement récompensée dans le monde futur. Le prophète lui indiqua deux personnes, des Bad’hanim, des amuseurs, qui avaient l’habitude de réjouir tous ceux qui étaient en état de tristesse. Ce texte est étonnant, car si tout le monde s’accorde sur l’importance de la joie dans la vie, de là à octroyer une telle récompense à ces comiques peut paraître exagéré !

Il y a peu de temps, est décédé à Bné-Brak Rabbi Ya’akov Zucker, un homme érudit, ‘Hazan et surtout connu justement pour ses talents de Bad’han, qu’il utilisait afin de réjouir les mariés. C’est en lisant les témoignages décrivant ses actions que j’ai compris pourquoi Eliahou Hanavi pouvait affirmer que cette qualité permettait d’être “Ben Ha‘olam Haba”. 

Rabbi Zucker utilisait ses connaissances en Torah, son humour, ses dons de chanteur et d’imitateur pour déclencher le rire dans l’assistance, toujours avec délicatesse et tact, attentif à ne blesser quiconque. S’il s’efforçait d’être toujours au rendez-vous pour les événements heureux de ses amis et proches, il avait cependant ses priorités : les orphelins, les veuves, les indigents et toutes les personnes que la vie n’avait pas favorisées : il refusa une proposition alléchante d’un milliardaire qui tenait à sa présence pour le mariage de son fils au Canada, car il voulait se rendre à celui d’un orphelin qui tombait la même date.  

Il racontait à ses enfants que pour réjouir, il fallait être capable parfois de s’oublier totalement. Il pouvait se rendre au mariage d’une famille éprouvée, monter dans la salle sur un vélo et rouler autour des familles en faisant des grimaces jusqu'à ce qu’il parvienne à provoquer le rire chez la famille. Pour ce faire, il connaissait toutes les méthodes, prenait les gens par surprise, n’économisait aucun moyen pour arriver à son but : réjouir et ainsi réchauffer les cœurs.

Mais c’est surtout cette dernière qualité qui révèle la grandeur de cet homme : il vivait intérieurement constamment dans la joie. Nous avons tous nos moments de joie et de peine et il y a des jours où nous ne sommes pas du tout d’humeur à plaisanter, plongés dans nos préoccupations et s’éloignant de tout contact. Il n’est pas évident de toujours surmonter son mécontentement et ses frustrations. Pour rester constamment dans la Sim’ha, il faut beaucoup d’Emouna et savoir que D.ieu ne cherche que notre bien. Pour aider son prochain et lui remonter le moral, il faut avoir soi-même surmonté ses problèmes et être serein dans son quotidien. 

Seul celui qui est vraiment joyeux, après avoir fait un travail intérieur de confiance parfaite en D.ieu, peut aider véritablement les attristés et mérite à juste titre d’être “Ben Ha‘olam Haba”.

Nous nous rapprochons de Roch Hachana, le jour où nous proclamerons la royauté de D.ieu. Nous nous habillerons en blanc, consommerons des mets sucrés et fêterons ce jour comme il est digne de marquer tout événement du calendrier juif. Mais si la joie intérieure nous fait défaut, c’est que dans notre approche de ce grand jour, il manque un élément fondamental qui est l’amour et la confiance en D.ieu. Nous devons chercher à acquérir ces attributs qui mèneront à la joie véritable.

Ani Lédodi Védodi Li (“J’aspire à m’approcher de mon bien-aimé, et mon bien-aimé vers moi”), est le message du mois d’Eloul, celui de l’amour, de la proximité et de la confiance entre D.ieu et le peuple juif. C’est le vestibule incontournable pour accéder en ce début d’année au palais du Roi.