Le Rav Ya’akov Galinsky, orateur réputé en Israël, avait connu dans sa jeunesse les camps de travail forcé en Sibérie. Comme tous ses compagnons d’infortune, il était soumis à un labeur éreintant toute la journée, sous un froid terrible. Tous attendaient la trêve du soir pour s’écrouler sur leur lit et reprendre des forces, mais le Rav “volait” de ce temps précieux pour prier et étudier la Torah. Durant ces veillées, il s’aperçut que se trouvait dans son groupe un soldat français qui, discrètement, après s’être assuré que les autres dormaient, avait un rituel déroutant : il sortait un petit paquet contenant son uniforme de général de l’armée française, l’enfilait un court instant, puis le rangeait soigneusement.

Voyant ce rituel se répéter chaque soir, Rav Galinsky se décida à lui en demander l’explication. “J’étais un grand général de l’armée française avant d’être capturé par les Russes, lui expliqua l’homme. Ils cherchent aujourd’hui à m’humilier par tous les moyens. Ils m’imposent des travaux avilissants, me forcent à nettoyer les immondices du camp, dans le but de me faire oublier qui je suis et d’anéantir ma dignité. Pour lutter contre leurs desseins malveillants, je porte mes vêtements de général que j’ai réussi à cacher. Cela me rappelle mes origines et me permet d’espérer un avenir où je retrouverai mon rang et ma fierté.”

Le Rav apprit de cet échange combien, dans une réalité où l’on cherchait à briser toute personnalité, où l’espoir de liberté semblait inexistant, il était encore possible, par de simples gestes, de préserver son moral et sa dignité.

Primo Levi, dans son livre “Si c’est un homme”, rapporte lui aussi le témoignage d’un Juif durant la Shoah qui, au camp d’Auschwitz, s’efforçait de ne pas céder à l’engrenage démoniaque des nazis. Ceux-ci, en affamant les prisonniers, les poussaient à se jeter sur la nourriture et à se battre pour une miette de pain, les réduisant à l’état de bêtes. Cet homme refusait de céder. Il mangeait avec retenue, même au prix d’une faim accrue. Chaque jour, avec les moyens du bord, il se lavait et nettoyait régulièrement sa tunique de prisonnier. C’était sa manière de résister, et l’avenir lui donna raison.

Notre époque moderne assiste à l’effacement des dernières valeurs humaines et fait disparaître ce qui distingue l’homme de l’animal. Internet et les réseaux sociaux façonnent un monde où l’individu perd son identité, devenant un être impersonnel, sans repères moraux. Se croire à l’abri de cette influence est une illusion, car, insidieusement, ces conceptions s’infiltrent partout, même dans les milieux les plus protégés. Nos Maîtres nous enseignent que la plus grande faute est justement d’oublier que nous sommes des “fils de roi”.

Le premier moyen de retrouver cette dignité est “d’endosser nos vêtements princiers”. Un Juif doit se distinguer par son apparence, son maintien, sa prestance, qui doivent refléter noblesse et pudeur. Son attitude tout entière doit tendre vers ce but. La lecture des Parachiot sur la construction du Tabernacle et les vêtements des Cohanim nous rappelle notre passé glorieux de peuple élu et la mission qui nous a été confiée : élever l’humanité vers les véritables valeurs humaines !