Je garde pour moi mon histoire depuis des années, en partie parce que ce n’est pas uniquement mon histoire, et jusque-là, je n’avais pas osé demander la permission à l’autre famille concernée pour la diffuser.

Il s’est produit récemment un événement important qui a fait resurgir cette histoire, et lui a donné de plus amples proportions ; il s’agit en fait de deux histoires puissantes dont vous n’avez jamais entendu l’équivalent. A posteriori, il ressort que ce retard est pour le bien, et si j’avais relaté cette histoire quelques années plus tôt, ce n’aurait été qu’une demi-histoire. À présent, le récit a été complété et il bouleversa les lecteurs.

J’ai piqué votre curiosité ? Voici l’histoire telle qu’elle m’a été rapportée par son protagoniste.

Je me suis marié il y a vingt-cinq ans. J’ai commencé à étudier au Kollel, et mon épouse était enseignante. Au premier abord, notre vie semblait heureuse, et en vérité, nous étions heureux. Mais une chose voilait notre bonheur, ce qu’il y a de plus important au monde : des enfants.

Les trois premières années, nous n’étions pas stressés, mais au fil du temps, nous comprîmes qu’il y avait un problème. Nous entamâmes le processus bien connu des couples sans enfants et de leur famille. C’est un processus difficile, une route semée d’embûches, au terme de laquelle il y a un but, mais auquel n’est attachée aucune date, et on ne dispose d’aucune garantie qu’on parviendra au but.

Bien entendu, nous avons dépensé d’importantes sommes d’argent pour les traitements, et nous avons déployé tous les efforts possibles ; en parallèle, nous sommes allés prier sur les tombes des Tsadikim et solliciter des Brakhot et des Ségoulot. Mais rien ne changea.

À un moment donné, j’eus l’opportunité de rencontrer Marane Rabbi Ovadia Yossef, je me rendais chez lui de temps en temps pour demander la bénédiction d’un Tsadik. Le Rav Ovadia prit notre histoire à cœur, il me consacrait du temps, plus que la normale, me prodiguait des bénédictions et me donnait également des claques affectueuses qui prouvaient son amour et son désir de m’encourager.

Un jour, Rabbi Ovadia me surprit.

Il m’adressa la parole en ces termes : « Va chez le ‘Hakham Chalom Cohen, le Roch Yéchiva de Porat Yossef. Sa bouche est pure et il ne se consacre qu’à la Torah. Lorsqu’il dit quelque chose, cela se réalise. Dis-lui que je lui demande de te bénir. » Il me donna quelques bonnes claques avant que je reparte.

Aujourd’hui, tout Juif dans le monde entier connaît le ‘Hakham Chalom Cohen. C’est un géant de la génération et il est Président du Conseil des Sages de la Torah. Il était alors connu dans le monde juif comme le Roch Yéchiva de Porat Yossef, et comme un homme qui essaie de fuir la lumière des projecteurs et de la direction politique. Un géant en Torah qui se consacre exclusivement à la Torah du matin au soir.

J’arrivai dans son appartement situé dans le quartier juif de la Vieille vile, pour lui demander une Brakha.

Le Rav était assis dans un coin, à coté de la bibliothèque de livres. Il était plongé dans son étude et je redoutai de lui voler de son temps précieux et mesuré. Il fallut du temps jusqu’à ce qu’un membre de sa famille parvienne à le détourner de son étude pour lui annoncer ma présence, moi qui étais là depuis plusieurs bonnes minutes.

Je lui décrivis ma triste situation. Il écouta et me dit : « D.ieu viendra en aide, nous allons prier. » Il me donna aussi un petit papier et me demanda d’inscrire mon nom et celui de mon épouse. Je le vis déposer le papier sous la Guémara, où se trouvaient déjà d’autres papiers.

Puis il me serra la main et déclara : « Qu’on entende de bonnes nouvelles. » Et pas un mot de plus.

J’admets que je suis sorti troublé de son domicile. Il dégageait une puissance, il était aimant et touchant, quelque chose dans son approche et la pureté de son visage m’avait conquis. Comme Rabbi Ovadia l’avait dit : « Une bouche sainte qui ne se consacre qu’à la Torah. » On voyait (selon son appartement extrêmement modeste) que ce monde-ci ne l’intéresse pas. Cela m’émut de constater cette estime immense entre deux géants en Torah qui éclairent le peuple d’Israël par la Torah et dirigent le judaïsme séfarade dans le monde entier.

Arrivé chez moi, je relatai à mon épouse la rencontre, et elle me demanda : « Alors, il a promis que nous aurions des enfants ? »

Il me fallut du temps pour lui répondre. « Non, il n’a rien promis. Il m’a juste dit qu’il prierait. »

* * *

Nous avons continué à faire des efforts, auprès de Rabbanim et de médecins, mais rien ne se passa. Je me rendis à nouveau chez le Rabbi Ovadia Yossef, il me bénit et me demanda : « As-tu été chez le ‘Hakham Chalom ? »

« Oui », répondis-je.

« Ok, et alors ? »

« Il m’a béni. »

« Dis-lui que je lui ai demandé de te promettre des enfants », déclara Rabbi Ovadia, puis il répéta ces propos. « Il a une bouche sainte. Ce qu’il dit se réalise. »

Je quittai la pièce et relatai à l’un des proches du Rav Ovadia ce qu’il m’avait dit. Il me fit la suggestion suivante : « Attends Yom Kippour, loue un appartement dans la Vieille ville et va prier avec le ‘Hakham Chalom. Le jour de Yom Kippour, viens lui demander une Brakha. C’est un jour sacré, et lorsque le Cohen Gadol (le Grand-Prêtre) récite une Brakha, la bénédiction se réalise. »

À partir du Yom Kippour de cette année-là, je commençai à prier à la Yéchiva Porat Yossef, et après la prière, lorsque tous défilaient devant le Cohen Gadol, je venais, retirais le Talit de la tête afin qu’il me reconnaisse et demandai une Brakha. Il me bénissait avec une grande affection (bien qu’à Yom Kippour il se conduisît avec le sérieux qui caractérise son rôle de Cohen Gadol au Temple), mais demander une promesse ? Je n’osai pas le lui demander.

Cette coutume se poursuivit une année après l’autre. Pendant 15 ans, 15 Yom Kippour et 18 ans sans enfants.

Nous vivions une période sombre et grise. Je ne veux pas m’étendre davantage, mais tout le monde sait que les enfants, c’est la base de la famille. Au fil des ans, nous avons vu des amis de notre âge et notre famille célébrer des Bar Mitsvot aux enfants. À ce stade, certains qui se sont mariés un an avant nous commencent à fiancer leurs filles, et nous sommes toujours tous les deux seuls, avec toute la douleur, la solitude, la tristesse et l’inquiétude.

De plus, une autre catastrophe s’abattit sur nous.

* * *

Comme je l’ai raconté, mon épouse est dans l’enseignement et au fil des ans, elle est devenue sous-directrice.

À ce titre, elle avait beaucoup de responsabilités, qui représentaient une lourde charge d’un côté, mais lui apportaient également beaucoup de satisfaction et de joie.

Sa directrice la forma, et il était clair qu’elle la destinait au poste de directrice lorsque celle-ci prendrait sa retraite.

En conséquence, à l’âge de la retraite, nous attendîmes l’annonce de la nomination de mon épouse au poste de directrice.

Mais cette annonce tarda à arriver.

Cette décision n’incombait pas à la directrice, mais à l’organe dirigeant ce grand réseau. La directrice avait transmis ses chaleureuses recommandations, et au-delà de cela, elle n’avait pas d’autorité pour la nomination de la nouvelle directrice.

* * *

Un jour, peu avant le mois d’Adar, mon épouse reçoit un appel.

Au bout du fil, une femme de deux ans plus jeune que ma femme.

« Bonjour », dit-elle sur un ton hésitant, « vous êtes bien la sous-directrice ? »

« Oui. »

« Ecoutez, on m’a annoncé hier que j’avais obtenu le poste de directrice dans votre école… »

« Quoi !! » J’entendis mon épouse pousser un cri. En général, mon épouse est calme et réservée, et là elle était bouleversée.

Je m’approchai du téléphone et entendis mon épouse demander : « Qui vous l’a annoncé ? »

« La directrice du réseau me l’a annoncé », dit-elle.

Ma femme me dit en murmurant : « Ils ont nommé une autre au poste de directrice. » Heureusement que ma femme ne voyait pas son reflet. Elle était devenue livide.

Ma femme mit le téléphone sur haut-parleur.

« Pourquoi me téléphonez-vous ? » demanda mon épouse une fois le premier choc passé.

« Je téléphone, car je n’accepterai pas ce poste sans votre accord. »

Ma femme ne sut que répondre. « Je ne comprends pas pourquoi vous avez besoin de ma permission. Je ne décide rien. Quelqu’un vous a demandé de me demander la permission ? »

« Non », répondit l’enseignante. « Et je suis sûre qu’ils se seraient très en colère contre moi s’ils apprennent que j’ai téléphoné. »

« Alors pourquoi m’avez-vous téléphoné ?? »

« Je vais vous dire toute la vérité », me raconta la femme. « Voilà, on m’a invité aux bureaux de la direction où on a fait une petite cérémonie symbolique de nomination, et je suis rentrée chez moi toute heureuse et j’ai raconté à mon mari cette nomination surprenante.

Ensuite, j’en fis part à plusieurs de mes amies qui travaillent dans ce domaine, et heureuses pour moi, elles me couvrirent de Brakhot. Mais l’une de mes collègues, qui travaille chez vous comme remplaçante, me dit : « Attends, je ne comprends pas, pourquoi a-t-on doublé Batia (le nom de mon épouse) ? »

« Je lui demandai qui était Batia et elle me répondit qu’elle est la sous-directrice, et tout le monde était sûr qu’elle serait la nouvelle directrice.

« Je raccrochai et commençai à me renseigner sur vous, et j’ai appris beaucoup de bonnes choses. Sur les conseils de mon mari, je téléphonai à une responsable de la direction pour demander si cette nomination intervenait avec votre accord.

Mon épouse demanda : « Pourquoi est-ce important pour vous ? »

« Vous auriez dû me dire qu’une femme visait ce poste, je n’aurais pas voulu qu’on me fasse une telle chose » dit l’enseignante à la responsable.

« Mon interlocutrice réagit par la colère », relate l’enseignante. « Elle me répondit que ma réaction n’est pas pertinente, que l’on m’a offert une opportunité, à moi de la saisir et de ne pas me mêler des tenants et aboutissants de la direction. "Sache que nous avons d’autres candidates. Elle n’obtiendra de toute manière pas le poste de directrice, et si vous ne le prenez pas, une autre le prendra." Et irritée, elle raccrocha le téléphone.

« Je réfléchis pendant toute la nuit », me raconta l’enseignante, « et j’ai décidé d’un commun accord avec mon mari que je n’accepte pas ce poste sans avoir reçu l’autorisation au préalable de votre part. »

« Et si je ne donne pas mon autorisation ? » demanda ma femme.

« Je refuse d’accepter le poste », répondit-elle.

Ma femme fut émue jusqu’aux larmes.

« D’où venez-vous ? » demanda-t-elle.

« Pourquoi tenez-vous à le savoir ? » demanda son interlocutrice.

« Je ne savais pas qu’il existait des gens comme vous au monde. »

« Ce n’est pas moi, c’est mon mari », insista-t-elle.

« C’est aussi bien vous que votre mari, mais c’est surtout vous », répliqua mon épouse. « Donnez-moi une nuit pour y réfléchir. »

* * *

Nous étions tous deux sous le choc et émus, et je dois l’admettre, troublés. D’un côté, le fait qu’ils avaient décidé de doubler ma femme était un coup difficile à avaler, mais d’un autre côté…cet appel avait été une nuée de bonté comme nous n’en avions jamais rencontré. Nous avions le sentiment qu’une force du mal avait affronté une force du bien, ce qui nous donnait un bon sentiment. D’une part, nous avions mal, mais d’autre part, ça nous avait réchauffé le cœur, bref, nous ne savions plus quoi penser...

Et surtout, nous avions une question : que lui répondre ? Allons-nous refuser ? Ça ne servira à rien. Allons-nous donner notre accord ? Comment accepter une prise de décision qui n’est pas pertinente et qui est déterminée par d’autres paramètres ?

Nous décidâmes de poser la question à un grand Sage. Naturellement, nous nous tournâmes vers le ‘Hakham Chalom Cohen.

Je me rendis chez lui, lui relatai l’histoire et lui demandai si nous devions donner notre accord ou annoncer que nous n’étions pas d’accord.

À ma grande surprise, le ‘Hakham Chalom ne s’intéressa pas à ma question. Il était bouleversé par cette histoire. Pour la première fois de ma vie je le vis sortir de son état habituel, de sa volonté de revenir à sa page de Guémara. On aurait dit que ses yeux étaient humides. Il s’intéressa à plusieurs reprises aux détails de l’histoire et se renseigna sur la raison pour laquelle cette enseignante et son mari s’étaient conduits avec une telle noblesse d’âme. « C’est un acte extraordinaire », déclara-t-il. Ça l’émut beaucoup et je fondis en larmes. Son intérêt inattendu me permit de comprendre la portée de ce geste.

« Je vais y réfléchir et vous donnerai une réponse demain. Demandez également au mari de l’enseignante de venir demain me voir. Je veux lui parler. »

Nous nous présentâmes chez lui promptement le lendemain.

Le Rav Chalom était assis sur une chaise et accueillit le visiteur avec un visage particulièrement bienveillant. Il lui adressa des compliments et des louanges. Puis il lui dit : sache que tu as fait un acte élevé au point qu’il est parvenu jusqu’au trône céleste, c’est un acte qui fait trembler les mondes, D.ieu est fier de toi pour ce que tu as fait. Adresse une prière à Dieu et présente-lui une requête : c’est un moment de faveur divine ! »

L’homme était embarrassé. On voyait qu’il voulait dire quelque chose, mais était trop gêné. Je lui proposai de sortir de la pièce mais il répondit sur un ton déterminé : « Non, je voudrais que tu restes. »

« Je voudrais expliquer au Rav la chose suivante : ma principale motivation et celle de mon épouse a été de ne pas faire de peine à une femme qui n’a pas eu le bonheur d’avoir des enfants pendant 18 ans. Je demande en échange de son acte que le Rav bénisse en ce moment de faveur divine cet homme et son épouse et qu’il leur promette un enfant bientôt, ce sera notre salaire. »

Je n’en crus pas mes oreilles. J’éclatai en sanglots incontrôlables. L’Avrekh avait également les larmes aux yeux. Le Rav Chalom se couvrit le visage. Ce moment était unique et ne se reproduirait plus. Un homme doté d’une noblesse d’âme qui s’est conduit avec son épouse avec une rare sensibilité, et lorsqu’il a la possibilité de se faire récompenser, préfère solliciter une Brakha pour un parfait inconnu.

Ces instants semblèrent durer une éternité. Puis le ‘Hakham Chalom leva le regard vers moi et pour la première fois de ma vie, après tant de tentatives, avait un air déterminé et en trois mots, il décréta : « Avec l’aide de D.ieu. Cette année ! »

Puis il s’adressa à l’Avrekh en ces termes : « Que ton épouse annonce que le poste ne l’intéresse pas. Je vais m’occuper de cette affaire, vous n’en serez pas perdants. » Un instant avant qu’il ne sorte, l’Avrekh s’adressa à nouveau au Rav en souriant et déclara : « Kavod Harav, je n’ai pas encore reçu ma bénédiction, que le Rav me promette que lorsque j’aurai besoin d’une délivrance, le Rav priera pour moi… » Le ‘Hakham Chalom Cohen sourit affectueusement, et avant que nous arrivions au seuil de la porte, il avait déjà replongé dans son étude.

Nous nous quittâmes en nous prenant dans les bras et je me pressai de rentrer chez moi pour raconter à mon épouse la promesse du Rav.

L’enseignante annonça son refus. La direction du réseau des écoles fut dans tous ses états et tenta de transmettre le poste à d’autres candidates, mais le refus de l’enseignante avait créé une rumeur qui s’était répandue comme une trainée de poudre, et plus personne ne voulut accepter le poste, par souci de vérité et de critique du public.

Un mois plus tard, on convoqua mon épouse et on lui annonça qu’elle avait obtenu le poste.

Et huit mois plus tard, nous avons eu un garçon. La promesse du ‘Hakham Chalom Cohen s’était réalisée dans son intégralité.

* * *

Dix-huit ans se sont écoulés depuis. Nous avons eu le privilège d’avoir d’autres enfants que nous avons envoyé se faire bénir chez le ‘Hakham Cohen.

Mais cette longue histoire n’est toujours pas finie…

Il y a cinq ans, la fille de cette merveilleuse enseignante a contracté la terrible maladie (le cancer). Elle avait 19 ans, juste avant qu’elle commence les rencontres en vue du mariage.  

Ils ont tout fait pour la sauver, mais sa situation ne faisait qu’empirer.

Un jour, ils vinrent nous trouver.

Nous avons de suite compris pourquoi ils venaient. Nous étions tristes du motif de leur visite, mais heureux de pouvoir leur rendre la pareille.

Ils nous racontèrent que depuis lors, elle n’avait obtenu aucun avancement dans son travail. A chaque fois qu’elle pouvait être promue, on lui répondait : « Tu as déjà reçu ton avancement. » Dès qu’elle demandait des heures supplémentaires, auxquelles chaque enseignante a droit, une femme de la direction (toujours la même) lui répondait invariablement : « Tu as défendu la veuve et l’orphelin, hein ? Alors assume les conséquences. Tu as déjà reçu ta promotion. »

Un jour, venue présenter une quelconque demande, cette femme qui occupait un poste important lui demanda : « Dis-moi, tu sais bien que tu n’obtiendras pas ce que tu demandes, alors pourquoi continuer à demander et à essuyer refus sur refus ? »

Voici la réponse que l’enseignante lui fit : « Regarde, il est vrai que j’ai perdu la direction d’une école, mais grâce à ma bonne action, D.ieu nous a ouvert Son bon trésor. En parallèle à mon travail d’enseignante, j’ai développé une initiative pédagogique dans tout le pays qui me rapporte des sommes que même toi tu ne gagnes pas, et de plus, j’apprécie beaucoup mon travail d’enseignante. Tu en connais la raison. D.ieu a vu mon renoncement. Quant à ta question, pourquoi je m’obstine à revenir te faire des demandes, bien que je sache que tu vas me répondre que j’ai déjà obtenu mon avancement, en réalité, je viens justement pour entendre ces mots. Car je ne suis pas la seule à les entendre. Le Créateur de l’univers les entend également, et Il s’empresse de déverser sur ma famille une abondance indescriptible. Je n’ai pas vraiment besoin de cet avancement. J’ai besoin d’entendre ces phrases. C’est exactement le contraire de ce que tu croyais… »

Puis elle tourna les talons.  

* * *

« Et désormais », relata l’enseignante, « notre fille est gravement malade, et nous voulons exploiter la promesse du ‘Hakham Chalom Cohen. Nous aimerions que vous nous accompagniez chez lui, pour lui rappeler tous ces événements.

Bien entendu, nous acceptâmes sur le champ.

Cette histoire s’est déroulée il y a deux ans, trois ans après la découverte de la maladie chez la jeune fille. Elle était dans un état très grave.

Nous nous sommes rendus chez lui. C’était le jour du jeûne d’Esther. Il se souvint immédiatement de nous et écouta, attristé, leur récit. Ils n’eurent pas besoin de lui rafraîchir la mémoire. Il se souvenait parfaitement de toute cette histoire.

Le Rav posa des questions sur la maladie, les médecins traitants et prodigua ses conseils. Nous lui demandâmes de bénir, mais le Rav ne réagit pas. Nous apprîmes par la suite que le Rav était occupé à cette époque par une affaire d’ordre public des plus complexes. Ce dossier lui avait été confié et on attendait sa décision au titre de dirigeant du judaïsme séfarade dont l’influence était majeure sur les gouvernants.

L’un des membres de sa famille nous fit la suggestion suivante : « Venez au festin de Pourim. Demandez alors ce que vous désirez. Le Rav distribue des Brakhot ! »

Nous arrivâmes ensemble pour le repas de Pourim. Le Rav était entouré de dizaines de personnes ainsi que de sa famille et des dizaines de petits-enfants. Nous nous faufilâmes jusqu’à lui. À ce moment-là, alors que tout le monde avait goûté à des vins de qualité, et alors que c’est un jour propice aux délivrances, comme l’atteste la Guémara : « Kippour est comme le jour de Pourim », j’ai pris mon courage à deux mains et ai osé lui demander une bénédiction.

« Rav ! » s’écria le mari de l’enseignante. « J’ai besoin absolument d’une Brakha. » Il se mit à pleurer. « Kavod Harav, vous vous souvenez de la Brakha que je n’avais pas prise il y a quelques années, j’aimerais l’avoir maintenant, j’en ai besoin… » Il pleurait comme un bébé. La vie de sa fille tenait à un fil et il ne renonça pas.

Le Cohen Gadol lui prit ses deux mains avec douceur et compassion et sourit. Il fit le même sourire qu’il avait fait alors, et je compris qu’il se souvenait exactement des événements. Il prit un verre de vin plein sur la table et lui tendit : « Lé’haim ! » s’exclama-t-il. « Une bonne vie et la paix. La santé et un bon rétablissement pour la jeune fille. N’écoute pas les pronostics des médecins. Sois joyeux ! »

Nous quittâmes les lieux émus et heureux, et j’attendis la suite.

Les mois suivants, la jeune fille subit plusieurs traitements et opérations, et le Pourim suivant, nous pûmes annoncer au ‘Hakham Chalom Cohen que sa fille avait guéri de la maladie, en dépit de tous les pronostics, grâce à sa bénédiction : le Tsadik décrète et D.ieu accomplit.

Pourquoi je vous raconte ceci maintenant ?

Il y a un mois, cette jeune fille a épousé un élève de Yéchiva en parfaite santé. Celui qui a présidé à la cérémonie religieuse a été le ‘Hakham Chalom Cohen. J’y suis allé avec mon épouse et mon fils aîné…et j’étais également l’un des témoins. Seuls quelques-uns sont au courant de l’histoire émouvante qui se joue autour de ce mariage.   

En-dehors de l’extraordinaire message de cette histoire sur le renoncement et le don, il m’était important d’exprimer mes remerciements au géant en Torah le ‘Hakham Chalom Cohen, que D.ieu lui prodigue une longue vie, pour que je témoigne à quel point ses Brakhot, la Brakha d’un Cohen Gadol, se réalisent. J’ai pensé que cette histoire serait pour lui une charge, mais j’ai pensé ne pas pouvoir priver le public de cette histoire. De plus, ces derniers temps, de nombreuses bénédictions et délivrances ont été diffusées sur le pouvoir de ses Brakhot, comme l’avait attesté alors Rabbi Ovadia Yossef il y a si longtemps : « Va trouver le ‘Hakham Chalom Cohen, Roch Yéchiva de Porat Yossef. Il a une bouche sacrée. Il ne se consacre qu’à la Torah. Lorsqu’il dit quelque chose, cela se réalise. »