Dans sa rubrique hebdomadaire publiée dans le magazine Bakéhila, le Rav Its’hak David Grossman, Rav de Migdal Ha’émèk, relate l’extraordinaire histoire suivante :

« Jeudi dernier, j’ai atterri à Chengdu, la cinquième plus grande ville de la république de Chine. Plus de 14 millions d’habitants peuplent cette ville, capitale du district de Sichuan. Seuls 200 Juifs y résident, dont une partie n’a pas encore le privilège de respecter la Torah et les Mitsvot, mais certains ont fait de grands pas vers le judaïsme », relate le Rav Grossman.

David, petit-fils du Rav Grossman, et son épouse sont les émissaires Loubavitch de la ville de Chindo. « Ils sont arrivés dans un lieu qui était désert sur le plan spirituel. Il n’y avait aucune activité spirituelle dans toute la région, et ils ont créé et fait renaître de leurs cendres le splendide judaïsme chinois, leur maison et le Beth ‘Habad servant d’adresse principale pour tout ce qui a trait à la sainteté dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres.

C’est un lieu incontournable pour la soirée du Séder et la nourriture Cachère, les rencontres du Chabbath et le Mikvé, la pose des Téfilines et la lecture de la Torah. Le couple offre une oreille attentive aux détresses, hésitations et questions des Juifs locaux, ainsi qu’aux nombreux touristes qui fréquentent les lieux », poursuit le Rav Grossman.

Lorsque David et son épouse ont eu un fils, le Rav Grossman a décidé de voyager pour participer à la circoncision et au Chalom Zakhar. « Il s’avère que plus de mille ans se sont écoulés depuis la dernière Brit Mila dans ce district. C’est un événement historique selon tous les avis », précise le Rav Grossman.

De nombreux voyageurs ont appris que le Rav Grossman séjournerait sur place et ont participé aux repas du Chabbath et aux prières organisées avec un grand public à la synagogue. Un grand nombre d’entre eux y ont participé, à l’exception d’un homme nommé Roï. Roï était en route pour Kunming, la « ville du printemps », très éloignée de Chindo.

Le mercredi, Roï s’est joint à une voiture qui se rendait sur les lieux. Au milieu du trajet, le conducteur a pris une autre direction, et Roï a décidé de descendre de la voiture et de poursuivre à pied. Mais il n’a pas estimé justement la distance.

Roï marcha de longues heures, jusqu’à ce qu’il réalise son erreur. Il n’aperçut aucune localité à l’horizon, et se trouvait au centre d’une forêt dense. Il ne voyait aucune issue, et n’avait aucun réseau pour son téléphone portable dans ce lieu éloigné de tout.

Et le Rav Grossman de poursuivre : « Roï s’assit sur une pierre et se reposa de l’effort de la route. Le désespoir s’infiltra en lui. Il n’y avait aucune âme vivante aux alentours, peut-être uniquement des animaux de proie… Il se mit à pleurer, et des images se mirent à défiler dans son esprit à toute allure.

Alors qu’il se remémorait des épisodes de sa vie, il se souvint du lycée religieux où il avait étudié dans son enfance à Jérusalem. Un jour, les élèves du lycée se rendirent à Migdal Ha’émèk et me rendirent visite chez moi. Il ne se rappelle pas beaucoup du thème de la discussion, mais il se souvenait du chant que je leur avais enseigné alors : "Ce qui relève du passé, appartient au passé, l’essentiel est de commencer au début. Papa, insuffle un souffle nouveau en moi, enflamme mon âme."

C’est ainsi qu’un jeune homme perdu au milieu de nulle part, extrêmement loin de sa maison et de ses proches, fredonna une chanson qu’il avait entendue plus de dix ans auparavant : "Papa, insuffle un souffle nouveau en moi, enflamme mon âme." Il chanta et s’émut des paroles et se mit à danser. C’était une prière provenant du plus profond de son cœur face à sa situation désespérée. »

Au même moment exactement avait lieu le repas du vendredi soir avec le Chalom Zakhar. Le Rav Grossman prenait la parole et évoquait la sainteté du Juif, l’étincelle qu’il porte qui n’est jamais perdue, lorsque soudain un homme en sac à dos, plein de poussière, entra dans la pièce : oui, c’était bien Roï.

Il s’avère que sa danse au milieu du désert avait fait des miracles. Un directeur des travaux sur un chantier de construction voyageait justement dans cette région, et en entendant le chant, il suivit la voix et découvrit le jeune Israélien faible et épuisé, plongé dans le chant et la danse. « Que fais-tu là ? », lui demanda l’homme, et Roï lui confia sa détresse.

L’homme eut pitié de lui et le conduisit directement au Beth ‘Habad de Chindo. Roï entra dans la pièce et n’en crut pas ses yeux. Des dizaines de jeunes gens se trouvaient dans la maison, et il aperçut à la table d’honneur celui qui lui avait enseigné le chant d’Emouna (foi) et de sauvetage, plus de dix ans auparavant…

« Car Hachem entend la prière de chacun ! », conclut le Rav Grossman.