Au cours des siècles précédents, les femmes n’apprenaient ni à lire, ni à écrire et ne priaient pas dans un Siddour (livre de prières). Ceci n’était pas dû à une faiblesse de leurs aptitudes, mais parce qu’elles n’avaient pas besoin de lire dans un Siddour pour exprimer le cri de détresse de leur cœur. Leur cœur priait de lui-même, et toute leur vie n’avait qu’un but, celle de la prière et de la relation avec le Créateur.

Elles priaient pour leur mari, pour qu’il s’élève dans la Torah, pour que la maison se remplisse de Kédoucha (sainteté), pour la santé des enfants, pour l’abondance de la Parnassa, pour la guérison des malades et pour la délivrance du peuple d’Israël.

Leurs prières sortaient du tréfonds de leur cœur, dans le même ordre d’idée que (Eikha 2, 18) : «  leur cœur cria vers Hachem  », sans les mots du Siddour qui auraient pu diminuer l’impact de leur prière et la limiter aux seuls mots écrits.

L’accouchement est un moment spécial où il est donné de ressentir la proximité d’Hachem. La Présence Divine se trouve à la tête du lit du malade et elle seule détient la clef de la vie. Dans une telle situation, la prière est dite comme on parlerait à un ami, générée par les sentiments qui franchissent les rivages du cœur. Une telle prière n’a nul besoin d’être faite dans un livre, bien au contraire, les mots qui sortent de ton for intérieur sont la meilleure des prières ! Tu es susceptible d’accéder, à ce moment-là, au même niveau de prière des femmes des générations précédentes. Tu n’as pas du tout besoin d’un Siddour, la supplication naît du fond de ton être et tu es gratifiée d’une fantastique proximité avec le Créateur.

Lorsque tu te tourneras vers Hachem avec des mots simples, tandis que tu te seras éperdue de douleur : «  Maître du monde, aide moi, deux âmes qui sont entre tes mains espèrent en Ta bonté  », tu mériteras l’aide du Ciel.

Un court laps de temps après que ne soit terminé l’accouchement, après s’être un peu remise, Ahouva ressentit une petite sensation d’échec.

Ce n’était pas comme cela qu’elle avait imaginé l’accouchement.

Elle pensait qu’elle allait réussir à plus prier.

Elle était arrivée à l’hôpital équipée d’un tas de prières imprimées pour femme en couche, d’un livre de Téhilim et d’une liste de noms de personnes nécessitant l’aide d’Hachem. Mais au moment des contractions, elle fut incapable de faire autre chose que de gémir et de crier.

Elle avait tellement escompté profiter de cette heure d’aptitude spéciale à la prière et de cette proximité d’Hachem pour faire des requêtes, elle avait espéré qu’elle mériterait d’offrir à son bébé une vraie escorte de prières maternelles qui l’accompagneraient tous les jours de sa vie. Pourtant, hormis quelques balbutiements et gémissements, elle ne réussit pas à prier.

Est-ce que cette parturiente a effectivement raté l’opportunité qui est offerte pendant l’accouchement ?

Plus l’accouchement progresse et les douleurs augmentent, moins on réussit à prier, jusqu’à arriver au stade où il devient impossible de prier. La femme en couche gémit, se plaint, parfois elle laisse échapper des cris de douleur ou des pleurs et elle est incapable de concentrer sa pensée pour exprimer ses requêtes.

Un grand principe de base amène la lumière sur la prière de cette heure :

Nos Sages ont dit dans le Midrach (Midrach Rabba, Vaet’hanan, Paracha 2, 1) : «  Il y a dix «  langages  » qui sont appelés prière, et ceux-ci sont : la clameur, le cri, la plainte, la supplication, la requête, la détresse, s’aplatir devant D.ieu, faire la justice, l'imploration  ».

Trois des formes de prière : «  la clameur  », «  le cri  » et «  la plainte  » correspondent à trois formes d’expression. «  La clameur  » est dite avec des mots, «  le cri  » c’est la voix sans les mots et «  la plainte  » vient du gémissement de la bouche sans la voix.

Le Zohar HaKadoch explique la force «  du cri  » et de «  la plainte  » (Chémot page  20) : «  Le cri, c’est lorsque l’on donne de la voix sans prononcer aucun mot. Rabbi Yéhouda dit : c’est pourquoi le cri est la plus grande de toutes, car le cri vient du cœur. On tient de nos Sages que celui qui prie et pleure au point de ne pouvoir sortir un mot de sa bouche, sa prière est entière, elle est dans son cœur et ne reviendra pas vide (elle ne reviendra pas sans réponse)  ».

Le cri ou la plainte n’est ainsi pas dit avec les mots, mais exprime les profonds sentiments du cœur, ils montent directement vers le Ciel et se voient plus agréés, et ce, en fonction de l’intensité de la prière et de la requête du cœur

Il est expliqué dans le livre Chéarim BaTéfila (les portes de la prière) que la plainte, qui est un gémissement sans voix, représente le plus haut niveau de prière. Il est dit là-bas : «  Il n’est pas écrit qu’ils se sont plaints auprès d’Hachem, mais que D.ieu a entendu leur plainte… Et en cela se dévoile à nous un grand principe de la prière : la plainte est quelque chose de naturel et bien qu’elle ne soit suscitée que par la douleur, on peut diriger cette plainte pour qu’elle soit tournée vers Hachem. Il est bien que l’homme s’efforce de s’habituer à ce que lorsqu’il se trouve dans la souffrance et que s’échappe de sa bouche un gémissement, qu’il utilise cette sensation en la dirigeant vers le haut en prières et requêtes ».

Dans ce cas, l’accouchée n’a pas à avoir honte des gémissements, des cris et des pleurs qui s’échappent de sa bouche, mais elle doit seulement tout diriger vers Hachem. En effet, une prière d’une telle profondeur ne revient pas à vide et l’aidera à accoucher plus facilement et à recevoir un enfant complet et en bonne santé.