Ces dernières semaines, je vous ai livré les « Conversations avec mamie », un rapport écrit par ma petite-fille pour l’école sur mes expériences pendant la Shoah. J’ai conclu l’article de la semaine dernière par la description de ma petite-fille du Chabbath à Bergen Belsen, alors que mon vénérable père nous avait permis de survivre avec une foi intacte, en nous instillant un sens de la mission et de l’identité.

Il nous assurait, à nous ses enfants, que nous étions des Malakhé Chabbath - des anges du Chabbath. Ces paroles nous ont renforcés, et m’ont permis de tenir ma tête bien droite lorsque j’étais debout pour l’appel, vêtue de haillons et couverte de poux. Lorsque les Nazis nous traitaient de « Cochons juifs », dans mon esprit, je répondais : « Je suis un ange du Chabbath ».

Avant de parvenir au dernier segment du rapport de ma petite-fille, je pense qu’il est important de marquer une pause pour examiner l’éducation dénuée de substance reçue par nos enfants aujourd’hui. Oui, ils connaissent peut-être des passages de livres par cœur, sont forts en science et technologie. Malheureusement, ils ne savent pas vraiment qui ils sont. Personne ne leur a jamais dit qu’ils sont des anges du Chabbath chargés d’une mission et d’un but dans la vie. Quel dommage d’avoir tant, et à la fois si peu, vécu dans une grande liberté, et en même temps, être tellement asservi.

Alors que nous nous approchons du Yom Tov de Pessa’h, la célébration de notre liberté, retenons que Moché Rabbénou n’a pas simplement demandé à Pharaon : « Laisse partir mon peuple ». La liberté en soi et pour soi n’a pas seulement aucun sens, elle peut s’avérer très destructrice. Ce que Moché a dit, c’était : « Laisse mon peuple partir pour servir D.ieu ». C’est la clé : servir D.ieu. Car, dans le cas contraire, la liberté peut être plus asservissante que l’esclavage.
 

Conversations avec mamie

A l’approche de Roch Hachana à Bergen Belsen, Zaida, grand-papi a déclaré : « Nous devons sonner du Chofar ». Bien entendu, personne n’avait de Chofar. Les Nazis avaient érigé une pile de déchets à partir de tous les Klé Kodech - les objets sacrés.

Ma grand-mère m’a expliqué que certains prisonniers avaient réussi à cacher des cigarettes. Les cigarettes à Bergen Belsen étaient comparables à des diamants précieux. Avec des cigarettes, on pouvait marchander et négocier avec certaines de ces brutes. Alors, au prix de grands sacrifices, trois cents cigarettes ont été rassemblées, qui servirent de pot-de-vin à l’un des gardiens, qui ramena un Chofar de la pile de déchets.

Zaida sonna du Chofar à Bergen Belsen, suite à quoi les Nazis frappèrent les hommes, et de nombreuses personnes furent blessées. Mais pas avant d’avoir récité la Brakha. Et leur Brakha provenait de leur cœur et de leur âme.

Adjacent au camp où était ma grand-mère, se trouvait un autre camp composé principalement de Juifs polonais. (Les Nazis avaient séparé les nationalités, la population dans le camp de mamie était hongroise et celle d’à côté, polonaise.) Lorsque grand-papi sonna du Chofar, le son perçant résonna dans le camp polonais. Les Juifs polonais se ruèrent vers les fils barbelés et eux aussi crièrent la Brakha du fond du cœur. Emplis de joie, ils remercièrent Hachem pour le grand mérite d’avoir entendu le son du Chofar à Roch Hachana.

Mais tandis que leur cœur débordait de joie, leur corps criait de douleur alors que les Nazis, avec leurs fouets, les frappaient impitoyablement.

Vers la fin de la guerre, les Juifs espéraient que les Alliés bombarderaient tout au moins les voies ferrées conduisant à Auschwitz. La réponse fut un « non » cinglant. Malgré cela, à la fin de la guerre, mamie pensait que toutes les nations du monde ouvriraient leurs portes et accueilleraient les rescapés malmenés.

Mais cela ne se produisit pas non plus. Depuis Bergen Belsen, mamie et sa famille furent conduits dans un camp de personnes déplacées en Suisse. Incroyablement, même là-bas, en Suisse, la compassion et la compréhension étaient absentes. Mamie et son frère Yanky furent séparés de leurs parents et même l’un de l’autre. Mamie fut envoyée du côté français de la Suisse, tandis que son frère dans la partie allemande. Mes arrière grands-parents et oncle Brudy furent placés dans un autre camp de personnes déplacées.

Mon arrière grand-père était déterminé à se rendre en Erets Israël, mais les Britanniques contrôlaient le pays et n’émettaient qu’un petit nombre de visas. Après deux ans d’attente, grand-mamie et grand-papi décidèrent de se rendre en Amérique ; grand-mamie avait une sœur qui leur envoya des papiers qui leur donnaient un droit d’entrée dans le pays.

La famille s’installa dans un appartement en cave situé dans le quartier d’East Flatbush à Brooklyn. Mon arrière grand-père y construisit une Yéchiva, car il était déterminé à diffuser la Torah à notre peuple. Il encourageait toujours mamie à enseigner la Torah à d’autres enfants. La voie vers le monde du Kirouv (rapprochement au judaïsme) avec Hinéni a été tracée très tôt dans le cœur de mamie par mon grand-papi.

Au fil des ans, ma grand-mère a ramené un nombre immense de Juifs à la Torah. Elle a pris la parole dans de nombreux pays et lorsqu’elle intervint un jour en Hongrie, elle se rendit dans sa ville de naissance, Szeged. Elle fut choquée de voir la maison où elle avait vécu.

En effet, comme je l’ai déjà dit, elle avait toujours pensé que sa famille possédait un appartement de belle taille, mais à sa grande surprise, mamie découvrit qu’il ne contenait que trois pièces. La cuisine où sa mère avait cuisiné pour des centaines de personnes était un minuscule espace, attestant que ce n’est pas le lieu, mais le cœur du Juif qui crée la différence.

Ceci est la conclusion du rapport de ma petite-fille. Ces histoires pourront agrémenter votre table du Séder, vous pourrez les raconter en particulier aux jeunes gens.

Oui, nous avons été esclaves en Egypte, mais nous sommes sortis de cette obscurité pour nous rendre au Sinaï où D.ieu a instillé Sa lumière divine dans nos âmes. Cette lumière est devenue partie intégrante de notre ADN. Cela s’appelle le Pintele Yid. Elle est là pour toujours et est capable de percer l’obscurité la plus sombre. Il nous suffit de la raviver et la lumière de la Torah brillera pour nous.

Mes meilleurs vœux à chacun d’entre vous et au Klal Israël !