Le test ultime pour valider la solidité de ton couple, c’est… IKEA ! Si vous allez chez Ikéa, sans vous disputer, alors tu sauras que vous êtes parés à toutes les épreuves de la vie ! Car il n’existe rien de plus épouvantable qu’une après-midi dans ce magasin !

Haha ! Je me souviens que cette blague de ‘Hanna m’avait bien faite rire. J’avais presque envie de l’appeler pour lui raconter notre exploit. Ce dimanche, nous avons été sélectionné du mobilier chez Ikea : quatre heures à choisir, deux heures à porter des cartons, une heure dans la queue, et nous voilà de retour dans les embouteillages avec notre petite voiture chargée telle un camion de déménageurs... et nous avons réussi à garder notre calme toute la journée durant !

Certes, nous avions des désaccords sur le choix de certains meubles, mais Benjamin et moi avions eu l’intelligence de ne pas rester campés sur nos positions et de faire des concessions l’un pour l’autre.

Lorsqu’il m’a pointé du doigt d’un air tellement enthousiaste cette poubelle géante en forme de grenouille en s’exclamant « C’est ça qu’il nous faut à la maison, chérie ! », je m’apprêtais bien sûr à lui dire qu’il avait perdu la tête, que cet objet, outre le fait d’être ridicule, prendrait trop de place et qu’il finira sûrement par être jeté d’ici quelques semaines, et donc qu’il représentait une belle perte d’argent !

Mais je me suis souvenue des conseils de ‘Hanna :

Quand on investit dans une start-up ou dans l’achat d’un appartement, on doit bien payer une certaine somme pour acquérir nos parts dans l’investissement. Est-ce pour autant que l’argent est perdu ? Non, au contraire, il est investi, c’est-à-dire échangé contre un bien qui, par la suite, nous rapportera une plus-value.

Imagine-toi qu’il y a quelque temps, certaines personnes ont investi de l’argent dans des start-up comme « Waze » ou « Mobileye ». Sur le coup, ils ne savaient pas si un jour ils reverraient leur argent… Et pourtant, quelques années plus tard, les 100 dollars qu’ils avaient investis se sont transformés en 100,000 dollars.

Il en est de même lorsque l’on fait une concession pour notre conjoint : on a l’impression de perdre sur le coup : de l’argent, de notre personnalité ou de notre force de caractère. En fait, cet effort n’est jamais perdu: il est investi dans notre couple. Et la tranquillité d’esprit que procure la paix dans un foyer vaut bien plus que des millions de dollars !

C’est ainsi que je me suis fait à moi-même la remarque suivante : Ce n’est pas grave… aujourd’hui, j’ai l’impression de gâcher 95 euros pour une poubelle idiote, mais en réalité j’investis dans une valeur sûre: la joie de Benjamin et la reconnaissance qu’il a envers moi. Ses sentiments ne feront que s'accroître avec le temps et consolideront notre amour au jour le jour.

Nous voilà donc arrivés sur le pas de la porte, chargés de mobiliers de toutes sortes. Lorsque ma voisine de palier nous croisent avec notre grenouille-poubelle en main, elle nous lance un regard consterné… le même regard qu’elle a eu lorsqu’elle nous a vus une fois escalader la rambarde de l’immeuble à Chabbath, ou lorsqu’elle m’a surprise une fois en train d’examiner ma feuille de laitue au néon qui se trouve sur le pallier.

« Bonjour Mme Lefrançois », disons-nous poliment, puis nous rentrons vite à la maison et, une fois la porte fermée, explosons de rire ! Elle doit se dire que cette poubelle-grenouille est une bizarrerie nouvelle de notre part, et doit vraiment nous prendre pour des fous !

Benjamin, épuisé de la journée va se coucher. Quant à moi, je m’attèle à la tâche : monter tous les meubles que nous avions achetés. Je n’allais quand même pas laisser tous ces cartons au beau milieu de mon salon. C’est vrai que nous avions convenu que Benjamin le ferait, mais j’étais contente de lui faire aussi la surprise ! La tâche n’est pas aisée, mais à une heure du matin, tout est presque en place et je vais également me coucher dans mon lit douillet afin de profiter d’un repos bien mérité…

Le lendemain, Benjamin me réveille effaré :

-       Emma, quelqu’un est venu chez nous monter les meubles Ikea dans la nuit !

-       Comment ça « quelqu’un » ? C’est moi qui ai monté les meubles hier soir…

-       Ah bon ? Toi ? Mais je pensais le faire moi…

-       Bah ce n’est pas grave, au moins je t’ai épargné de la fatigue. Je te demande juste de me laisser me rendormir 10 minutes car je suis épuisée…

Au petit-déjeuner, Benjamin était un peu grincheux… Puis, lorsque je lui demandais ce qu’il avait, il me répondit la chose suivante : « C’est moi qui devais monter les meubles, je suis vraiment déçu que tu n’aies pas respecté ce que nous avions convenu ».

Alors là, je ne comprenais plus rien. Je me suis tuée à la tâche pour lui faire plaisir et lui épargner de la fatigue et voilà que Benjamin se montre déçu ?

Au lieu de monter sur mes grands chevaux en m’exprimant ainsi « Au lieu de me dire merci, tout ce que tu trouves à faire, c’est de me faire la tête ??? », je me repris, gardais mon calme, et j’attendais qu’il parte au travail pour appeler ‘Hanna. Peut-être pourrait-elle m’expliquer ce comportement incompréhensible ?

-       Allo ‘Hanna, je m’excuse de te déranger une nouvelle fois.

-       Une Bat Israël est telle une princesse : peut-on être dérangé par l’appel d’une princesse ? Au contraire, c’est un honneur pour moi de recevoir ton appel.

Sa douceur n’avait pas sa pareille… Je lui expliquais donc la petite péripétie de ce matin, et, surtout, la réaction paradoxale de Benjamin.

-       Ah… c’est typique, me dit-elle. Ecoute bien cela, la Kabbale explique que c’est dans la nature profonde de l’homme d’être un Noten, un « donneur ». En des termes plus concrets, ils aiment donner, façonner, influencer, conquérir, réussir… Disons que derrière chaque homme se cache un mini « Zorro » qui voudrait sauver le monde, mais comme, bien évidemment, il ne peut pas le faire, alors au moins le sentiment de venir en aide à sa femme représente pour lui une grande source de satisfaction ! Lorsque toi tu as monté les meubles, tu pensais lui faire plaisir, mais, au contraire, tu lui as retiré la joie de faire plaisir à sa femme.

-       Mais ‘Hanna, je ne comprends pas : moi aussi j’aime faire plaisir à Benjamin. Ça n’est pas que de son côté.

-       Sache que la nature de l’homme et de la femme sont profondément différentes de ce point de vue. Un homme aime venir au secours de sa femme bien plus que la réciproque. Au contraire, lorsque c’est elle qui vient à sa rescousse, il va ressentir une certaine déception et une gêne. Comme chaque couple, vos attentes respectives sont différentes, et il faut apprendre à les connaître.

-       Mais ‘Hanna, comment la Torah peut-elle faire ce genre de généralité ?

-       C’est une question très pertinente que tu poses. D’ailleurs, tu as raison, le Talmud dit « tout comme aucun visage n’est semblable à un autre, aucun caractère n’est semblable à un autre ». Donc nous sommes tous dotés d’une personnalité singulière, mais, en même temps, il existe une nature profonde inhérente à l’homme et à la femme qui est universelle et on ne peut pas s’y dérober. Au contraire, mieux vaut les comprendre dès le départ pour éviter de créer des déceptions mutuelles.

C’est vrai, je me souviens, la dernière fois, je n’arrivais pas à ouvrir le pot de confiture : lorsque j’ai demandé à Benjamin de me venir en aide, je ne l’ai jamais vu aussi souriant de ma vie ! Et ensuite, il a continué à sourire toute la journée !

Je décrochai mon téléphone et je composai le numéro de Benjamin : « Chéri, il reste un dernier meuble à monter. J’ai préféré te le laisser, car il me semble vraiment trop difficile… ».

« C’est vrai ? Bien sûr, je m’en occupe ce soir, je vais même essayer de rentrer plus tôt du bureau pour le faire ! »

Je me figurais à l’autre bout du fil le sourire et la joie de Benjamin au moment où je lui demandais ce service…

Comment la Torah connaissait-elle aussi bien mon Benjamin ? Même moi qui le fréquentais depuis tellement de temps, je n’avais pas réussi à mettre le doigt sur une chose aussi essentielle chez lui. A tel point que si je n’avais pas posé la question à ‘Hanna, il se peut que cette histoire, comme bien d’autres, se soit terminée en amertume, déception et frustration.

Je raccrochais et remerciais Hachem de nous avoir légué de si précieux conseils au travers de la Torah.