« Allo Benjamin ? Ah, tu es en bas ? J’arrive, je suis presque prête et je descends dans une petite minute… »

Heureusement que le mari de ‘Hanna avait prévenu Benjamin que, lorsque les femmes disent qu’elles sont prêtes dans une minute, cela veut dire que cela va prendre encore au moins un quart d’heure !

Du coup, lorsque je descends, je trouve Benjamin détendu, écoutant de la musique dans la voiture. Il savait à quoi s’attendre et ne me reproche pas mon retard !

« Je suis tellement excitée d’aller au mariage de Laura. Tu te rends compte, c’est ma meilleure amie depuis tant d’années. Je me souviens encore de ma rentrée en 6ème : on s’est assises à côté l’une de l’autre de façon naturelle et intuitive, nous avions senti que nous deviendrons des meilleures amies. On ne s’était pas trompé ! »

« Oui, vous êtes proches jusqu’à aujourd’hui, à tel point qu’elle t’a demandé d’être présente sous la ‘Houppa avec ses parents et ses sœurs ! D’ailleurs, il faut vraiment être à l’heure : peux-tu me donner l’adresse de l’endroit où se déroule la cérémonie ? »

« Oui. Voilà, c’est écrit sur la carte : Domaine de Chantilly. »

« Ok. Je connais Chantilly comme ma poche, j’y passais tous mes week-ends lorsque j’étais gamin. Pas besoin de GPS. De toute façon, le GPS c’est pour les nuls qui ne savent pas se repérer. »

« Tu... tu es sûr ? »

« Oui Emma, fais moi confiance, on y sera dans 20 minutes maximum. »

Voici 45 minutes que nous sommes en voiture : Benjamin a raté quelques sorties d’autoroute, et nous voilà au milieu d’une route de campagne sinueuse avec plus aucune indication… Il a l’idée de prendre un « raccourci », et là, c’est le cul-de-sac…

La cérémonie doit démarrer dans 15 minutes, et nous voilà avec des vaches tout autour qui ont l’air de nous regarder en se disant : « Que font-ils en tenue de soirée au beau milieu de notre ferme… ? ». Et c’est bien aussi la question que je me pose !

Je m’apprête à exploser, ou tout du moins à lui faire passer un sale quart d’heure qui lui fera réfléchir à deux fois la prochaine fois. A cause de sa fierté, je suis à deux doigts de rater le mariage de Laura, que j’attends pourtant depuis tellement d’années !

Tout d’un coup, je me souviens des conseils de ‘Hanna :

Lorsque tu es face à un problème, et que tu t’apprêtes à mettre la faute sur ton mari, même si tu sais pertinemment que c’est lui qui a provoqué le problème, pose-toi TOUJOURS ces deux questions : Est-ce que ce que je m’apprête à dire va me permettre de mieux résoudre cette difficulté ? Est-ce que cela va contribuer à créer une atmosphère bienveillante et positive au sein de mon couple ?

Et c’est ainsi que je m’imaginais un dialogue fictif :

-       Mais quelle aberration de rouler sans GPS !!! A cause de toi, on va rater le mariage !

-       Bon écoute Emma, c’est facile de critiquer en même temps. Ce n’est pas moi qui n’ai toujours pas réussi à décrocher mon permis…

-       Quoi ? Tu m’accuses ? Tu te moques de moi ? J’ai fait 0 faute au code en plus ! Tu dis que le GPS c’est pour les nuls, mais c’est plutôt les nuls qui ne se servent pas du GPS.

-       Très utile d’avoir fait 0 faute au code, quand on a raté le permis quatre fois…

Bon, c’est vrai que ce dialogue ne me mène nulle part, et, rien qu’à l’imaginer, j’en ai les larmes aux yeux. Et pour répondre aux questions que ‘Hanna me conseillait de me poser, j’avais mes réponses : non, je n’arriverai pas plus tôt au mariage en adoptant une attitude accusatrice, et, ce qui est certain, c’est qu’on arrivera là-bas sûrement tendus et fâchés. Donc, qu’est-ce que j’ai gagné ? Rien… De toute façon, comme le dit ‘Hanna : Une difficulté, c’est l’occasion de se rapprocher. Si j’ai conscience que mon mari et moi formons un tout, à aucun moment je ne vais chercher à l’accuser ou le rabaisser. Tout comme ma main droite n’aurait pas idée de frapper ma main gauche, quand bien même cette dernière l’aura entaillée en coupant des légumes.

Je me souviens encore de cette phrase : « Dans le couple, face aux difficultés, l’important n’est pas la solution, mais la manière de résoudre le problème: si on le résout ensemble avec le sourire, la bonne humeur, et le respect de l’autre, alors le problème n’en est plus vraiment un : il est devenu une victoire ! ».

J’appliquais ce principe, en gardant mon calme, bien qu’avec difficulté, je l’avoue. J’avalais ma salive et je lui dis :

« J’ai l’impression qu’on ne va pas y arriver si on n’allume pas le GPS… Qu’en penses-tu ? »

« Effectivement, j’avoue que ce n’était pas la meilleure des idées d’y aller à l’aveugle… Allumons-le. Mais écoute, même avec le GPS, je crains que nous soyons tout de même en retard. Je te propose d’appeler la sœur de Laura et de la prévenir de notre éventuel retard, et de voir dans quelle mesure ils peuvent retarder le début de la cérémonie de quelques minutes. C’est tellement important pour elle que tu sois présente… et tellement important pour toi, tu attends ce moment depuis si longtemps… »

« Quelle bonne idée. Allez, mettons-nous en route. Je te co-pilote. »

Je n’en revenais pas… Que serait-il arrivé si j’avais suivi mes réactions instinctives ? Je me serais énervée, j’aurais crié, sûrement que lui aussi et nous nous serions accusés de toutes sortes de choses. Nous nous serions fâchés et nous aurions dégradé l’image que nous avons l’un de l’autre… et tout ça pour quoi ? Pour ne même pas parvenir à trouver une solution ! S’énerver, accuser, crier, dans le couple, et même dans toutes les situations, cela ne mène tout simplement nulle part. Même si c’est la première chose que l’on aurait envie de faire dans ce genre de situation.

Finalement, la Torah c’est le meilleur GPS de notre vie. Parfois on est sur la route et on est sûr de connaître de chemin : il faut tourner à droite. Mais le GPS nous dit de prendre à gauche. Cela nous surprend, mais nous l’écoutons. Puis arrivée à destination on découvre qu’effectivement le GPS nous a évité des bouchons, des routes barrées etc. Parfois la Torah est tellement aux antipodes de nos réactions naturelles et intuitives. Et pourtant elle nous mène au bon endroit.

Et moi, je n’étais seulement la co-pilote de Benjamin pour ce chemin, mais pour toute notre belle route que constitue notre la vie.

Et avec la Tora comme GPS, nous sommes sûrs de parvenir à bonne destination.

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