« Emma, le taxi est en bas, je descends les valises ! Et toi, tu as bien nos passeports ? »

« Oui, j’ai tout en main. Les passeports, les billets d’avion, et de la lecture pour le vol. »

« Super, je suis tellement content que nous fassions enfin notre voyage de noces tous les deux ! Cela valait le coup de mettre de l’argent de côté pour partir à Cuba ! »

Nous voilà en route pour l’aéroport. Il est 8 heures du matin, et notre vol est à… 13h ! Benjamin voulait que nous y soyons avec au moins quatre heures d’avance ! Lorsqu’il m’avait annoncé l’heure à laquelle il a commandé le taxi, j’ai failli lui dire qu’il était tombé sur la tête, c’était bien trop tôt !

Puis, au lieu de lui faire entendre raison, je me suis souvenue des mots de ‘Hanna :

Tu verras, quand tu vas vivre avec ton mari, tu vas certainement déceler certaines « bizarreries » chez lui, c’est normal on est tous dotés d’habitudes un peu bizarres ! Moi, par exemple, je ne peux pas passer une journée sans manger de chocolat : sinon je déprime ! Lorsque tu découvriras quelles sont les singularités de ton mari, souviens-toi toujours de ce conseil : au lieu de chercher à changer chez lui ces petites choses qui te dérangent, tu fais mieux de décider de l’accepter tel qu’il est !

C’est un choix et non pas un échec.

Tu verras que dans la plupart des cas, il est préférable de choisir de l’accepter tel qu’il est : c’est ce qui t’assurera d’être heureuse et sereine au prix de moindres efforts.

Donc nous voilà arrivés à l’aéroport,  avec quatre heures d’avance, chargés de nos valises et tout excités à l’idée de ce voyage.

Benjamin est heureux d’avoir pris de l’avance. Non pas, comme moi, pour profiter des vêtements de marque à un prix détaxé, mais pour… regarder les avions décoller ! Il colle son visage à la fenêtre comme un enfant de 8 ans et se met à observer les avions atterrir et décoller : « Wouaw tu as vu comme c’est impressionnant Emma ?! ».

Nous montons dans l’avion et après quelques heures de voyage, nous voilà arrivés sur le sol cubain. Après avoir passé la douane, le chauffeur de taxi envoyé par l’hôtel vient nous chercher. Après quelques virages et bosses de chameaux, nous voilà enfin arrivés à bon port : l’hôtel est vraiment magnifique !

« Tu es contente ma chérie ? »

« Oui, c’est encore plus beau que ce que je m’étais imaginée ! »

Après avoir pris nos clés, nous voilà arrivés dans la chambre avec vue sur la mer. Ça nous change de notre vue dans notre appartement à Paris : de chez nous, on voit plutôt les égouts !

Je veux absolument profiter de ce cadre féérique et je m’empresse donc de me mettre en tenue adéquate pour la piscine : petite robe, maillot de bain, lunettes de soleil, sac de plage, et bien sûr, le roman de l’été ! Benjamin aussi se change et nous prenons l’ascenseur, direction : la piscine !

« Voilà deux transats au bord de l’eau, génial, profitons-en », me dit Benjamin : on s’installe donc tranquillement, et voilà que je commence à sortir de la lecture.

A ce moment-là, de façon singulière, j’aperçois au loin une silhouette qui m’est étrangement familière, je fronce les yeux pour essayer de mieux regarder, et là je vois que cette personne me salue de loin… tout d’un coup, je réalise la catastrophe !

« Oh la la ! Benjamin ! C’est M. Gérard, mon patron, et je suis en maillot de bain, quelle honte ! »

Ni une, ni deux, je remets ma robe et je me lève pour aller le saluer poliment.

« Euh… Bonjour M. Gérard… Je ne savais pas que vous preniez vos vacances également à Cuba… et dans cet hôtel précisément… Voilà mon mari, Benjamin », balbutiais-je tandis que Benjamin lui serrait la main, un peu gêné lui aussi d’être en maillot et tee-shirt.

« Emma, je suis ravi de vous voir, et surtout de faire la connaissance de votre époux. Mon épouse et moi-même repartons demain, ne vous en faites pas, vous pourrez profiter de vos vacances tranquillement sans m’avoir dans vos parages ! Profitez bien de votre séjour et nous nous revoyons à votre retour. Ménagez-vous bien et profitez bien de vos vacances, vous travaillez dur toute l’année, vous méritez un bon break. Au fait, très beau votre maillot rouge… ! »

Quelle honte… Me voilà aussi rouge que mon maillot de bain. Je suis tellement gênée de ce qui vient de se passer que je demande à Benjamin si on peut remonter dans la chambre : « Bien sûr, allons nous reposer. De toute façon, nous avons fait un long voyage… », me répondit-il.

Alors que nous nous trouvons dans la chambre, je lui dis : « Benjamin, je suis très perturbée par ce qui vient de se passer, je n’arrive pas à trouver le sommeil, alors que je suis pourtant si fatiguée… J’ai l’habitude de me mettre en maillot de bain, mais là j’ai eu l’impression d’être totalement impudique devant M. Gérard. Je me souviens que ‘Hanna avait beaucoup insisté sur la notion de pudeur lors de nos cours, mais je n’avais jamais vraiment pris ça au sérieux. En effet, je ne m’habille pas du tout de façon provocante en général, alors je pensais que ça ne me concernait pas. Mais là, j’ai l’impression d’avoir été prise au piège ! J’aimerais tellement parler à ‘Hanna, mais je n’ai pas de téléphone qui puisse appeler en France… »

« Attends, son mari a Skype ! Tu te souviens que nous étudions une fois par semaine tous les deux sur l’ordinateur ! »

« Ah oui ! S’il-te-plaît, essaye de l’appeler, j’aimerais lui raconter ce qu’il s’est passé. »

Benjamin s’empresse d’ouvrir son ordinateur, il rentre ses codes, et voilà que le visage de son mari apparaît sur l’écran :

« Benjamin, comme je suis impressionné, j’étais sûr qu’avec votre voyage tu allais oublier notre étude hebdomadaire, tu es vraiment assidu ! »

« Euh, oui Rav, j’aimerais bien étudier avec vous avec plaisir, mais pas tout de suite. En fait là, c’est Emma qui souhaiterait parler à votre épouse, c’est possible ? »

« Bien entendu : quant à nous deux, on se retrouve demain même heure pour une heure d’étude de Guémara ? »

« Euh oui, oui, comme d’habitude… ».

A ce moment-là, Benjamin avait un sourire encore plus radieux que quand il regardait les avions voler : il adore vraiment cette heure d’étude avec le mari de ‘Hanna…

Dès que je vis ‘Hanna à l’écran, je me saisie de l’ordinateur.

« ‘Hanna, il faut que je te raconte ce qui m’est arrivé : je me suis retrouvée nez-à-nez avec mon patron au bord de la piscine en maillot de bain !!! »

« Oh, quelle histoire, enfin, moi aussi ça m’est déjà arrivé de me retrouver dans cette situation devant mon patron, mais c’était moins grave que toi… »

« Comment ça ? Toi ? En maillot ? Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Tu n’as même pas de patron en plus, je ne comprends rien ! »

« Si. Mon patron c’est Hachem. C’est pour ça que je dis que c’est moins grave, car moi, quand je me baigne, je vais en France sur des plages complètement isolées pendant que  mon mari fait le guet pour être sûr que personne n’est aux alentours. Donc je suis seule avec Hachem, mon Patron ! Et à vrai dire, même dans ces moments-là, je t’avoue que, bien que ça soit permis d’être moins vêtue, personnellement, je préfère rester en robe, car justement mon “Patron” me regarde à chaque instant…

Bref, pour en revenir à ton histoire, pourquoi dans son cas précisément, cela te rend mal à l’aise de t’être retrouvée habillée de façon indécente ? D’ailleurs, dis-moi, peux-tu me dire quelle est la différence entre croiser ton patron en maillot de bain à la plage ou en sous-vêtements au bureau ? »

« Ben, je sais pas, mais le contexte est différent… »

« Le contexte oui, mais la réalité reste la même ! La société a banalisé tellement le corps de la femme qu’on nous fait croire que c’est normal de se mettre en maillot devant des hommes. Mais enfin, c’est complètement fou ! Comment peux-tu laisser un autre homme que ton mari poser les yeux sur ton corps ? Tu ne te rends certainement pas compte du pouvoir d’attraction qu’a le corps d’une femme sur un homme. Et il est évident que cette force d’attraction peut être source de provocations totalement destructrices pour un couple.

Mais surtout, Emma, j’ai une question : comment peux-tu laisser ton mari poser les yeux sur d’autres femmes que toi ? »

« Quoi ? Benjamin, il ne regarde rien du tout, il a la tête plongé dans son livre. »

« Comme tu es pure Emma (je n’ose pas dire naïve) : tu n’as aucune idée de ce que peut provoquer chez un homme la vision d’une femme en maillot de bain, je crois.  Si tu en avais l’idée, tu ne laisserais jamais ton mari se promener dans une piscine ou plage mixte ; car tout simplement tu n’as pas du tout envie qu’il en arrive à comparer ton corps à celui des autres femmes… Il n’y a pas que toi qui dois faire attention à ta pudeur, ton mari également doit également faire sa part : il doit préserver son regard… et n’avoir d’yeux que pour toi. »

« C’est vrai, je n’avais pas réalisé. C’est tellement incongru de se retrouver dans une telle situation et d’avoir l’impression que tout est normal... Merci de m’avoir permis d’ouvrir les yeux car je réalise finalement que c’est vraiment absurde, et cela peut être même un cocktail explosif pour un couple de se retrouver sur une plage ou une piscine mixte.

Mais si je veux essayer de nous préserver et de progresser dans ce domaine, dis-moi, comment allons-nous faire ici en vacances ? Ça me paraît impossible ! Si moi je peux rester en robe au bord de la piscine, je ne peux en revanche priver Benjamin de se baigner à cause des filles dévêtues qui s’y trouvent… »

« Tu n’as qu’une solution : allez vous promener sur les côtes de l’île de Cuba et vous trouverez des endroits déserts où tu pourras te mettre à l’aise tranquillement sans provoquer personne, et ton mari ne pourra pas comparer ta silhouette à celle de ta voisine de transat. Ça vous fera découvrir le reste de l’île de façon romantique et pudique, en ayant les yeux rivés que l’un sur l’autre…

Et surtout, Emma, cela renforcera la sainteté au sein de votre couple : le corps est précieux et doit être enveloppé, car il est lui-même l’enveloppe de l’âme. C’est quelque chose de tellement élevé que, tel un diamant, il doit être précieusement gardé et caché pour être montré dans des moment opportuns qui appartiennent à la Kedoucha (sainteté).

D’ailleurs, les lois de la Tsniout ne concernent pas que la plage, mais tout l’habillement et le comportement d’une femme au quotidien. Même un habit qui peut te paraître banal, comme un jeans, dévoile bien plus que ce que tu voudrais que l’on voit de toi… Tu vois ce que je veux dire ? »

« Oui. Merci ‘Hanna. Je tâcherai d’être plus sensible à l’avenir à mes vêtements, et surtout à aider mon mari a préserver son regard… »

Benjamin, qui a assisté à la conversation sans s’immiscer me dit : « Alors demain, on commence notre tour de l’île, en amoureux ? »

« Oui, quelle idée romantique… toi, moi et la mer, rien que tous les deux… »

Parfois, on a l’impression que la Torah constitue une somme d’interdits : « Ne t’habille pas comme ceci » pour une femme, « Ne regarde pas cela » pour un homme… Si on savait au contraire à quel point elle veillait à nous protéger et à conserver notre amour et notre attirance au sein du couple, on se rendrait compte à quel point Hachem nous aime pour nous avoir légué de telles lois en cadeau.

La suite des vacances, au prochain épisode !