“Mchikoubara, mon fils, comme il est beau !” Qui ne connaît pas cette grand-mère affectueuse séfarade, toujours parfumée d’une fragrance prononcée et arborant un rouge à lèvres qui laisse une trace sur les joues ? Nos grands-mères débordaient d’amour pour leurs enfants, mais nous sommes-nous déjà interrogés sur la juste expression de cet amour envers leur progéniture ? Que signifie les aimer d’un amour débordant ? Tout leur céder ? Essayons de comprendre cela de plus près…
Aimer son enfant est l’un des sentiments les plus naturels qui puissent exister. Dès qu’une femme tombe enceinte, elle ne fait que donner à cet être en devenir qui grandit en elle : son corps (au prix de quelques kilos pour les plus chanceuses et d’une silhouette d’hippopotame pour d’autres), ses nuits, ses inquiétudes, son temps, son affection… Bref, une mère normalement constituée vit sa relation avec son enfant sous le signe du don. Logiquement, comme elle donne, elle aime.
Pourtant, l’amour maternel, comme tous les amours, se doit d’être réfléchi. Je vous vois venir… Quoi ? Comment ? Mais mon fils, je l’aaaaime !!! Bien sûr qu’on aime ses enfants, bien sûr qu’on “se sacrifie” pour eux, mais cet amour inconditionnel doit s’exprimer dans un certain cadre, selon les enseignements du Or’hot Tsadikim dans le Cha’ar Haahava. Cela revient donc à s’interroger sur la relation que nous entretenons avec nos enfants.
Aimer son enfant ne signifie pas tout lui donner sans cadre. Cela demande rigueur et constance, parfois d’aller contre sa propre volonté. Éduquer, c’est le guider vers ce qui est bon pour lui, selon la volonté d’Hachem, même si cela lui déplaît. Alors oui, parfois votre enfant vous en voudra, il vous dira que vous n’êtes “pas cool”, mais il faut savoir rester ferme dans ses positions, réfréner cette pitié naturelle qui nous pousse à céder. En effet, aimer vraiment son enfant, c’est aussi lui imposer certaines choses contre sa volonté, mais pour son bien. Et ne vous inquiétez pas, les enfants gèrent bien mieux les contrariétés qu’on ne l’imagine et passent très vite à autre chose…
Prenons l’exemple d’un adorable petit bambin de cinq ans, votre fils chéri. Il aimerait manger un autre gâteau au chocolat après en avoir déjà pris trois. Vous savez que trop de sucre n’est ni bon pour son poids ni pour ses dents. Vous lui dites non, mais il insiste. Que faire ? Il est si mignon… et voilà qu’il se met à pleurer ! Ça déchire le cœur, n’est-ce pas ? Eh bien, l’aimer vraiment, c’est ne pas céder. Et en faisant cela vous construisez votre enfant, vous lui apprenez à gérer les frustrations même si cela signifie que vous n’achetez pas la paix…
Éduquer, c’est donc enseigner la volonté d’Hachem avec constance, même quand cela demande de se faire violence. Chlomo Hamélekh écrit d’ailleurs dans Michlé : “Celui qui retient son bâton hait son fils” (Michlé 13:24). Attention, le bâton ici n’est pas à prendre au premier degré, il s’agit de la rigueur dont on doit faire preuve, des limites.
Il faut ainsi s’écarter des formes excessives de l’amour maternel. Parmi ces dérives, il y a la mère-copine, qui consulte son enfant sur tout pour se faire aimer et finit par perdre son autorité. Il y a aussi la mère négligente, qui laisse son enfant crier sans réagir, ce qui fragilise sa confiance en lui et en autrui. Cette négligence découle du fait que cette mère pense à ses intérêts immédiats et préfère rester dans sa zone de confort plutôt que de “confronter” son enfant. Quant à la mère surprotectrice, cette fameuse “mère juive” qui semble déborder d’amour, en cédant à toutes ses demandes, elle le rend en vérité impatient et capricieux.
Vous l’aurez compris, l’amour maternel est un équilibre constant. Bien sûr, il y a l’affection essentielle que l’on doit exprimer à notre enfant, mais celle-ci ne doit pas s’exprimer au détriment de la construction de ce dernier.
Nos enfants ne nous appartiennent pas ; ils grandiront, se marieront et auront leur propre mission. Nous avons donc le devoir de les aimer correctement et d’entretenir une relation saine avec eux.
Aimer un enfant, c’est lui offrir une structure, lui enseigner la gratitude, prier pour lui, l’aider à se dépasser et l’ancrer dans les valeurs d’Hachem, même lorsque cela demande d’aller à l’encontre de notre propre nature. Car au final, le plus grand cadeau qu’un parent puisse offrir à son enfant, c’est la force de devenir un adulte équilibré, capable de reconnaître le bien et de suivre la voie qu’Hachem a tracée pour lui.





