Avant de devenir mère, j’avais toujours espéré avoir des enfants qui seraient de véritables amis. Mais quand les premières scènes de jalousie ont commencé, je me suis sentie désemparée...

Une lutte constante

Lors d’un Chabbath, mes enfants n’avaient cessé de se chamailler et de crier, chacun se vantant vis-à-vis de l’autre et enchaînant scènes de jalousie et pleurs. J’étais non seulement à bout de patience, mais aussi décontenancée. Pourquoi étaient-ils constamment dans le conflit ? Est-ce que je devais renoncer à mes rêves de fraternité entre mes enfants ?

Nous étions justement invités pour la fin d’après-midi chez le Rav de mon quartier et ce problème de rivalité entre mes enfants ne cessait de me préoccuper.

La femme du Rav, dans sa grande gentillesse, dut percevoir mon humeur sombre et presqu’immédiatement, je lui confiai qu’il existait de la jalousie entre mes enfants et que je culpabilisais de ne pas réussir à créer de la fraternité parmi eux.

La Rabbanite raconta alors cette histoire du Rav Chakh : “Lors d’une visite dans une petite classe d’une école de Bné-Brak, le Rav se mit à interroger chacun des enfants. Certains donnèrent de bonnes réponses, d’autres échouèrent. Pourtant, à la fin du cours, chaque enfant reçut une pièce de 10 lires de la main du Rav Chakh ! Dans sa grande sagesse, le Rav ne voulait pas créer de distinction entre les bons et les moins bons élèves, ce qui aurait pu susciter de la jalousie. Il choisit au contraire de récompenser l’effort fourni par tous et ainsi créa un sentiment d’égalité entre les enfants.”

J’étais touchée d’entendre une si jolie histoire.

La racine du conflit

Mais la Rabbanite continua : “Avez-vous déjà remarqué que dans le milieu professionnel, on trouve souvent des employés envieux de la réussite de leurs collègues ? Plutôt que de se satisfaire du travail en équipe, ces personnes veulent à tout prix recevoir les compliments, quitte à voler le mérite d’autrui. Mais cela se produit aussi avec un voisin qui jalouse la belle et grande maison de celui qui vit en face, ou encore avec une amie qui se pose en rivale pour chaque événement et qui veut toujours préparer la plus belle table de Chabbath, la plus belle fête d’anniversaire, etc. Nous évoluons dans un environnement où les personnes se laissent aller à la comparaison et à comptabiliser les réussites des autres face à ce qui leur manque. Il faut déjà en prendre conscience pour comprendre que ce qu’il se passe dans votre maison est normal. Ensuite, en tant que maman, il faut aller voir plus loin : est-ce que l’un de vos enfants manque de confiance en lui ? C’est souvent la racine de la jalousie. Si on n’estime pas qu’on mérite du bonheur, on accepte mal celui des autres. Et ça commence parfois dans l’enfance, dans le premier environnement : la famille !”

Face à mon regard décontenancé, la Rabbanite me dit en souriant : “Rassurez-vous ! Ce qu’il se passe dans votre maison est normal. D’ailleurs, tout le Livre de Béréchit est marqué par la rivalité entre frères, par la jalousie de l'aîné vis à vis du plus jeune comme Caïn et Abel, Yaakov et Essav ou encore Yossef et ses frères. La Torah nous enseigne ici que ce si ce sentiment perdure chez une personne, cela peut amener du négatif dans sa vie, mais aussi dans ses relations avec les autres : à l’image de Caïn qui alla jusqu’à tuer son frère (Bérechit 4,8) ou de Yossef qui fut vendu par ses frères (Vayéchev 37,23-25). C’est pourquoi il faut pousser très jeune l’enfant à endiguer ces sentiments pour l’aider à se construire en se satisfaisant de ce qu’il a.”

“Mais alors comment mettre fin à ce sentiment de jalousie ?” Si enfin je percevais la source du problème, j’avais du mal à entrevoir la solution.

Une relation unique

Avec un grand sourire elle me répondit : “Déjà, en se concentrant sur les mots du Chéma ! : ‘Ecoute Israël, L’Eternel est notre D.ieu, L’Eternel est Un’. Le Rav Soloveitchik disait que l’on doit traduire le mot hébreu ‘E'had’ comme ‘unique’. L'homme est créé à l'image de D.ieu, ce qui signifie que chaque être humain est également unique. Le fait de valoriser son enfant, de lui rappeler qu’il est un être spécial qui a de la valeur, lui donnera la considération dont il a besoin.

Rappelez ce point sans cesse à vos enfants.”

Avant de partir, la Rabbanite me dit : “Et pour vous, voici une liste d’exercices à faire à la maison”.

Je quittai ce jour-là la Rabbanite avec une vision différente de mes enfants… mais surtout avec un regard nouveau sur la façon dont je devais me comporter avec eux.

Mise en pratique

La semaine suivante, décidée à aider mes enfants à modifier leurs rapports entre eux afin d’atténuer ce sentiment de jalousie, j’appliquais donc les 4 conseils que m’avait donnés la Rabbanite :

1. L’entraide : j’ai demandé à ma fille aînée d’aider mon dernier à lacer ses chaussures et à lui peigner les cheveux. Par ces petits gestes, je lui ai permis de mettre en pratique l’enseignement du Rav Dessler : “le don conduit à l’amour”. De mon côté, je ne manque pas de la remercier à chaque fois pour son aide si précieuse et d’inciter ses frères à faire de même.
2. Les compliments : tous les jours, je pense à faire au moins deux compliments à chaque enfant sur un de leurs traits de caractère (leur patience, leur bonne humeur, etc.) Je veux qu’ils sachent que j’aime chacun d’entre eux pour ce qu’il est et non pour sa réussite (comme les bonnes notes).
3. L’exemple : je n’oublie pas en tant que maman que c’est à moi de montrer l’exemple ! Donc j’exprime à haute voix la joie que je ressens quand il arrive quelque chose de positif à mon entourage. Je propose même aux plus jeunes de m’aider à choisir des cadeaux pour souhaiter les anniversaires ou dire Mazal Tov pour une bonne nouvelle.

4. Le temps : quand j’entends mes enfants se disputer par jalousie, j’interviens sans attendre et je prends le temps de leur expliquer pourquoi chacun a le droit à ses jouets et pourquoi c’est agréable aussi de les prêter. S’ils persistent dans leur refus, nous mettons en place le “tribunal de la justice” et nous plaidons ensemble pour savoir ce qui est juste. Cela prend du temps, mais de cette façon, j’investis pour l’avenir.

Étonnamment, il n’aura fallu que quelques semaines pour changer les relations à la maison qui sont maintenant beaucoup plus apaisées entre mes enfants !

Aujourd’hui, chez moi le bruit des cris a été remplacé par la douce musique des rires. Tout n’est finalement qu’une question de rythme !