Je me souviens de ce maudit jour du 4 avril 2017 où la policière (qui se trouvait être la fille des voisins de palier de longue date de Maman) s’écria en larmes lorsqu’elle nous reçut au poste : « Qu’est-ce qu’on pouvait lui vouloir à votre maman pour lui réserver un tel sort !!! », et de rajouter : « Elle, qui était si discrète, je la revois encore marcher dans le quartier, dans la rue, tête baissée... ».

Oui, c’était bien Maman : discrète et humble.

Mais d’une humilité authentique. Car qui pouvait se douter, si ce n’est les gens qui la connaissaient, que derrière cet aspect se trouvait une grande et noble femme, dotée d’une grande force de caractère.

Médecin généraliste de formation, directrice de crèche pendant plus de 20 ans, je ne l’ai jamais entendue se présenter comme tel ; elle ne se mettait pas en avant et il fallait vraiment lui poser des questions pour le savoir. Elle était sans prétention, aucune !

Pourtant, elle savait être fière de notre Identité, de "nos vraies valeurs", comme elle aimait les appeler. Et cette fierté, elle savait nous la communiquer et la véhiculer. A nous, ses enfants, puis à nos enfants à leur tour, ses petits-enfants.

Toujours lucide, elle savait parfaitement discerner l’essentiel dans la vie de ce qui est secondaire. Ses conseils nous ont souvent été très précieux, car toujours très justes.

D’une grande sensibilité, elle mettait beaucoup l’accent dans son rôle de parent sur l’acquisition des bonnes Middot (traits de caractère), plus tard, elle nous enjoignait à éduquer nos propres enfants dans ce sens, à affiner leurs traits de caractère, à être sensible à l’autre.

Même vis-à-vis des nourrissons, elle recommandait de ne pas rester insensible à leurs pleurs. « Un bébé ne pleure pas pour rien », avait-elle l’habitude de dire, aussi bien au personnel de sa crèche qu’à nous, ses enfants. « Il a des besoins et il faut y répondre, même si c’est celui d’être rassuré. » Ainsi, des centaines de parents, au fil des années, lui ont confié leurs enfants en étant des plus sereins. Pour eux, il n’y avait pas mieux que « la crèche de Mme Halimi », comme ils l’appelaient.

Il y aurait tant à écrire sur Maman, tant d’anecdotes à raconter, qu’il m’est impossible de la résumer en quelques lignes...

Quand Maman lisait un livre, entendait une histoire, ou en fait, tout ce qui était matière à donner du ‘Hizouk (renforcement), elle avait à cœur de nous le partager, aux grands comme aux petits !

Ainsi, je me souviens d’un Chabbath d’hiver qu’elle avait passé avec nous ; ma sœur lui avait offert le livre « Une Emouna vivante » du Rav David Ashear. De sa voix vibrante d’émotion, comme toujours lorsqu’il s’agissait de notions qui lui tenaient à cœur, elle nous fit la lecture de quelques « bons passages ».

Je me souviens notamment d’une phrase, que je ne cite pas, mais en voici la teneur :

« Hachem est Bon et tout ce qui émane de Lui n’est que Bon, même si, parfois, des choses peuvent nous paraître terribles. »

Ce sont ces mots qui ont résonné en moi lorsque j’appris la terrible nouvelle, ce sont ces valeurs qui, sorties de sa bouche, m’ont soutenue, et me soutiennent encore jusqu’à aujourd'hui.

Maman nous a quittés « 'Al Kiddouch Hachem » (en sanctifiant le nom Divin), mais je suis sûre que si elle avait pu nous parler, elle nous aurait dit : « Vous, mes enfants, vous devez VIVRE 'Al Kiddouch Hachem », ce qui reviendrait à dire « Attachez-vous à Hakadoch Baroukh Hou, marchez dans SES voies, faites rayonner SA Torah - Soyez de bons juifs ! ».

Pour finir, s’il y avait bien un trait de caractère qui déplaisait à maman, c’était celui de l’indifférence. Elle-même ne pouvait jamais rester indifférente à la souffrance d’autrui. Beaucoup de parents de la crèche, et les personnes qui l’ont côtoyée, pourront témoigner comment elle savait redonner du courage aux plus découragés, de l’espoir aux plus désespérés et des conseils aux plus désemparés !

Les problèmes que les autres lui confiaient devenaient siens, et elle n’avait de répit tant qu’elle n’avait pas envisagé toutes les solutions qui pourraient les soulager.

Je suis sûre que, de là où elle est aujourd’hui, elle peut être fière de son peuple, du 'Am Israël, qui, dans toute la mobilisation pour que justice lui soit rendue, a fait preuve de tout sauf d’indifférence au sort qui a été le sien.

L’occasion nous est d’ailleurs donnée, à nous sa famille, d’exprimer toute notre reconnaissance envers les Juifs, qui, de par le monde, se sont mobilisés pour notre cause.

Aujourd’hui encore, 4 ans après, leur soutien nous est très cher.

Hannah Lugassy