La Néchama, l’âme juive est comparable au diamant, pierre précieuse par excellence, joyau inaltérable comme la foi d’Israël en son D.ieu UN. Le diamant peut être encrassé, mais déblayé de ses salissures, il reprend tout de suite son éclat original...

Émergence du moi 

Loin de moi, la pensée de vous faire un vrai discours théorique sur toutes les interactions qui bâtissent un être humain, mais simplement, je vous invite à une réflexion simplifiée sur l’émergence du moi.

L’être humain, qui est-il ?  De l’enfant à l’adulte, de combien de remous, de passages, de dépassements est-il pétri !... De quoi sommes-nous pétris… épris… pris ? Pétris… Qui sont nos potiers ? Épris… Vers quoi tendent nos désirs, nos envies, nos ambitions ? Pris… Par quel environnement, coutumes, traditions et modèles de pensées ?

Dans ce bouillonnement de vie, d’influences, de sociétés, l’enfant paraît. De ce nourrisson, va surgir l’être pensant et agissant, en un mot l’adulte vivant dans une collectivité. C’est l’homme ; son moi se constitue à l’interconnexion entre un développement personnel et familial, et un développement socio-politico-culturel. Autrement dit, l’être humain est le fruit d’une famille donnée dans une société donnée.

1/ L’enfant peut être comparé à une motte d’argile.

Chaque motte a une couleur particulière, une consistance spéciale, une odeur différente. Ces données constituent le patrimoine originel, unique et personnel, donné à chaque créature par le Maître du monde. Leur étude ne concerne pas cet article, nous ne parlerons ici que de l’influence de l’éducation et du monde environnant sur l’enfant. 

2/ Le moi est le résultat de l’ensemble des perceptions.

Les perceptions parviennent à l’enfant au travers de ses cinq sens : l’ouïe, la vue, l’odorat, le goût et le toucher. À partir des organes de perception, l’enfant enregistre des messages sonores, visuels etc… Pour simplifier, on comprend par exemple qu’un enfant qui vit au bord de la mer n’enregistre pas les mêmes perceptions qu’un enfant qui vit en haute montagne, dans une ville ou à la campagne. De même avec les odeurs, un individu qui vit dans un environnement riche en odeurs, n’emmagasine pas les mêmes sensations que celui qui vit dans un contexte inodore. Ainsi de suite, dans chaque domaine de perception. Donc, l’enfant stocke ces perceptions dans son cerveau et établit entre tous ces enregistrements, des connexions de plus en plus complexes, jusqu’à fabriquer de vrais réseaux d’appréhension des choses et du monde.

3/ Les potiers

L’enfant, cette motte d’argile, a différents potiers. Les premiers, les plus importants sont les parents. Ce sont eux, les principaux responsables du façonnage de cette motte. Aux parents, il faut ajouter frères, sœurs, grands-parents, et la famille au sens large.

L’école participe aussi à ce modelage en proposant et favorisant une éducation type avec ses références, ses modèles et ses valeurs. Les copains interviennent aussi dans ce pétrissage. L’armée, elle aussi, propose sa formation pour devenir un homme. L’université, centre de déversoir de connaissances par excellence, forme la jeunesse. Le tissu social et administratif… lui aussi, par sa structure, façonne la personne. 

Toute la constellation socio-politico-culturelle participe à cette formation.

Les médias sont porteurs des messages de la société et participent largement à conditionner et intégrer le sujet à des idées conformes à l’environnement. La création d’« idoles », de stars, principe par excellence médiatique, modèle les désirs et les ambitions de la jeunesse.

Toutes les images emmagasinées par la télévision, le cinéma, l’internet, les lectures, ont laissé des traces dans la mémoire de chacun, car l’être humain est construit comme un grand ordinateur avec une mémoire hyper performante dans laquelle tout s’inscrit.

Même si on a quelquefois l’impression d’oublier, rien n’est pour autant effacé ; tout est seulement relégué dans des « tiroirs » d’enregistrement, prêt à rejaillir à tout moment.

En voici un exemple rapporté par le Rav Bismuth de Villeurbanne : un homme se fait hospitaliser dans un état comateux très important, durant lequel il ne cesse de répéter des passages de Torah. Des Rabbanim sont appelés à son chevet et à leur grand étonnement, ils constatent que l’homme n’est pas Juif, aucun de ses ancêtres ne l’est non plus. Il s’agissait en fait d’un homme qui avait, pendant des années, effectué le ménage dans une synagogue, il avait ainsi enregistré une grande partie des lectures de la Torah, si on peut dire, inconsciemment.

Rien ne s’efface, tout reste inscrit.

Double allégeance

Tous ces potiers participent à l’élaboration de la personnalité et l’édification du moi. Adulte, la personne devient un être pensant et agissant à l’intérieur d’une famille et d’une société. 

Pourquoi donc, tout ce développement ? 

Nous, Juifs, appartenons, si on peut le dire ainsi, à une double « organisation ». Nous sommes Juifs et anglophones ou comme dans notre cas, Juifs et francophones, et cette double appartenance est vécue à l’intérieur même de nous, dans notre corps et dans notre tête. Ceux qui ont été élevés dans une culture juive ont été modelés, à la fois, pour être Juifs et aussi pour être des citoyens français par exemple.

Pour les autres… les potiers ont oublié, ou quelquefois ont gardé, dans le creux de leur mémoire, le façonnage de makrouds et de galettes blanches et rien d’autre… ces parents ont participé à faire grandir de bons citoyens français, brillants à l’université, avec de bons métiers et du savoir-vivre à la française.

Cependant, contre toute attente, certains d’entre eux se réveillent un jour. De cette motte d’argile primitive dont j’ai parlé précédemment, une étincelle imprévue dans l’éducation bien galvaudée et polie, une étincelle de Téchouva - retour au Judaïsme -, comme on en voit beaucoup briller actuellement, se réveille. Un vent de Téchouva s’empare d’eux, et ils cherchent, et cherchent, et ils trouvent des Rabbanim, des livres… Ils veulent tout abandonner du passé pour devenir de bons Juifs, de vrais Juifs, authentiques, fidèles à la tradition. Au début, tout se passe facilement, puis peu à peu, des difficultés surgissent.

Mes expériences prouvent que les difficultés se ressentent principalement au niveau du Chalom Bayit, de l’harmonie familiale, car le couple est le creuset des interactions les plus fortes. Carrefour du passé mais aussi du futur, le couple est la base d’une nouvelle unité familiale.

Le couple est le bastion des émotions par excellence ; des réactions quelquefois automatiques sont guidées par nos anciennes habitudes. Les schémas de pensées établis par notre société d’accueil s’opposent au projet nouveau du Judaïsme, en particulier, au niveau de l’homme et de la femme. C’est comme si on était Juif mais encore à “demi non-Juif”.

Ce combat a lieu en nous et en dehors de nous, c’est-à-dire dans notre famille, dans notre couple et pour élever nos enfants. Pas facile de déloger tous ces systèmes de pensées ancrés en nous qui sont devenus « naturels », « normaux », et « quasi automatiques ».

Cette guerre, pour ceux qui veulent être Juifs à part entière, est très grande. Tout le monde est atteint. Tout le monde juif est en contact - plus ou moins - avec des pensées « extérieures » à notre Torah. 

Toutes les cultures « extérieures » essaient par de multiples moyens, en particulier, par les médias, l’internet, et même au travers d’une vulgaire Redoute, etc., de nous déraciner de notre sainte tradition, en véhiculant des images et des messages anti-Torah, et en pénétrant dans toutes les couches sociales de toutes les sociétés.

Il n’y a pas de liberté, on est un produit. L’être humain est le creuset d’influences affectives et culturelles. Et la culture, c’est de la chair et du sang !

La guerre est en nous, dans notre chair et dans notre sang ; la Téchouva précipite cet affrontement en nous-mêmes en nous proposant d’autres modes de fonctionnement diamétralement opposés à ceux enregistrés. 

Comment sortir de cette aliénation ?

À quoi se raccrocher, à quel modèle, nous, qui parfois, avons eu une grand-mère religieuse à qui nous n’avons surtout pas voulu ressembler ? Comment s’ajuster, à partir de l’éducation reçue, si lointaine de notre Torah, à l’image de notre mère Sarah ou de notre père Avraham ?

Sans cesse nous sommes confrontés à un TRI. 

Quel est ce tri ? Faire ou agir comme ceci ou comme cela, penser ainsi ou autrement. Comme dans les Halakhot de Chabbath, le tri consiste à prendre le « bon » et abandonner le reste.

Quelles décisions et quels choix me mèneront à être plus Juif ou au contraire, m’éloigneront de mes traditions ?

Nous naviguons à petits pas sur tout un déluge d’hérésies, et il n’est pas facile de faire des choix conformes à la Torah et de se rapprocher des modèles de notre histoire juive et de nos Tsadikim (Justes) qui, grâce au Ciel, nous ont tracé la route. 

Dans cet océan tumultueux, il y a où se raccrocher : s’attacher à l’Infini. C’est à Hachem, le Maître du Monde, le Créateur de toutes choses, vers Qui nous devons tendre, car Il est notre secours à jamais…