Qui aurait cru que cette année serait la dernière année que nous montions notre belle Soucca ?

Je décroche chaque décoration non sans une certaine émotion. Les huit panneaux de notre Soucca étaient entièrement recouverts de dessins et autres ornements confectionnés par enfants et petits-enfants. Nous ne faisions aucun tri, tout ce qui nous était apporté était accroché, en plus des dessins des années précédentes. On trouvait toujours de la place. Si vous voyiez les yeux des enfants briller en découvrant leur guirlande de papier agrafée. Pour mon mari, il était hors de question de priver qui que ce soit de ce sentiment de fierté, faute de place ou de goût.

Nous avions l’habitude également de suspendre des fruits en plastique colorés aux branchages de la Soucca. Je détachai chacun de ces fils, je dénouai chacun de ces nœuds avec beaucoup de précaution. Je regardai attentivement chacune de ces ébauches coloriées maladroitement avec des couleurs pastel, comme s’il s’agissait de gravures célèbres et onéreuses.

Je me résignai tristement à ne plus jamais voir ces bouts de papier jaunis par le temps décorer les panneaux de ma Soucca. Ma caisse à souvenirs se remplissait emportant avec elle le secret de merveilleuses années.

Notre Soucca que nous avions achetée flambant neuve semblait avoir vieilli avec nous. Alors que nos mains se ridaient, le bois de la Soucca craquelait, alors que nos cheveux blanchissaient, sa couleur marron vernis, ternissait, alors que notre dos se courbait, ses portes gondolaient sous la pluie et l’humidité.

Notre magnifique Soucca, tu as été témoin de tant de rires, de tant de retrouvailles. Si tu pouvais parler, tu raconterais la Brit Mila du petit David que nous avons célébrée en ton sein, tu raconterais que notre timide Netanel a pris la parole pour la première fois lors du Souccot de ses onze ans, et que nous étions tellement surpris de cette intervention que nous n’attendions plus, que chaque personne présente ce jour-là pourrait répéter mot pour mot le Dvar Torah que l’enfant avait choisi pour rompre le silence, tu raconterais que mes plats étaient toujours accueillis avec des cris de joie et des compliments qui, je dois te l’avouer, me gonflaient de fierté, tu raconterais que Léalé, l’aînée de nos petits-enfants, nous a émue aux larmes le jour où elle nous a annoncé qu’elle était fiancée.

Ma chère Soucca, tu t’élargissais au fil des années. Tu accueillais si chaleureusement les nouveau-nés, les nouveaux gendres et belles-filles, et l’année dernière, tu as même accueilli notre tout premier arrière petit-fils. Quelle émotion !

Tu nous as écoutés chanter, tu nous as regardés danser durant toutes ces nombreuses fêtes de Souccot où tu nous abritais. Grandpapa tenait à chanter chaque année cette petite chansonnette que les plus grands qualifiaient de ridicule, il fallait mimer le Loulav, le Etrog, la Soucca, mais aussi ridicule soit-elle, elle nous offrait le plus mémorable des fous rires de la fête en voyant les tous petits apprendre les gestes à Grandpapa qui s’appliquait pour bien faire.

Ton simple bois s’est enduit d’épaisses couches de spiritualité. Combien de Mitsvot tu as accompagné, combien de Brakhot tu as entendu, de combien de Divré Torah tu t’es imprégné.

Nous ne considérons pas la Mitsva de Soucca avec le sérieux qu’elle mérite. Pour ma part, elle a été une source intarissable de Sim’ha (joie) et de Kédoucha (sainteté) dans ma vie. Elle me faisait espérer et vibrer de Souccot en Souccot. Donnez à cette Mitsva la considération qu’elle mérite, embellissez-la tant que vous pouvez, elle ne fera que vous le rendre en cargaison de bonheur.

Ma frêle Soucca, tu m’as procuré plus de sécurité et de joie que n’importe quel autre logement d’apparence plus solide et plus fort. Aujourd’hui, il est grand temps que nous laissions tes planches se reposer d’un repos tant mérité. Je dépose pour la dernière fois la caisse de décoration sur tes panneaux de bois et je murmure le souhait que les Souccot de mes enfants, chez qui nous allons maintenant célébrer la fête à tour de rôle, connaissent autant de joie que nous avons connue en ta compagnie, et surtout, je murmure qu’un jour proche, nous puissions nous abriter sous l’ultime Soucca, lorsque le Machia’h se dévoilera. Amen !