הָיְתָה כָּאֳנִיּוֹת סוֹחֵר מִמֶּרְחָק תָּבִיא לַחְמָהּ.

Pareille aux vaisseaux marchands, elle amène de loin ses provisions.

Parcourir de longues distances pour se remplir de sagesse

Ce verset nous semble très bizarre : il compare la femme Echet ‘Hayil à un navire. Le navire, nous disent nos Sages, cela symbolise l’ambition. Alors que signifie ce verset ? La Echet ‘Hayil en veut-elle toujours plus ? Plus de quoi ? Nos Sages nous disent qu’elle cherche des choses dans ce monde pour se remplir spirituellement. Elle se met à la recherche de ce qui lui parle, et de ce qui touche son âme et son identité profonde. C’est en se rendant à des rendez-vous spirituels qu’elle se construit. Ainsi, à l’instar d’un navire, elle va parfois devoir aller très loin pour se remplir identitairement. Cela peut être de se déplacer pour aller à un cours de Torah, ou bien mettre ses enfants dans une école religieuse, mais qui se trouve loin de chez elle. Ou bien encore, qu’elle permette à son mari de se rendre à un cours de Torah le soir, sachant qu’il va rentrer tard. Et ainsi, comme le dit le verset, elle est comme un marchand qui fait des kilomètres pour que, elle-même, son conjoint et ses enfants se remplissent de Torah.

La suite du verset תָּבִיא לַחְמָהּ : les valeurs qui la remplissent cela devient son pain. Le pain que l’on mange devient notre corps. En fait, la femme vertueuse se remplit de Torah et de valeurs afin que cela devienne partie intégrante d’elle-même. En étant à la recherche de ce qui l’interpelle profondément et en s’y plongeant, cela s’agrège petit à petit à son identité pour devenir une véritable seconde nature. En agissant ainsi, la femme répond en fait à un appel intérieur. Elle ne devient pas quelqu’un d’autre. Elle devient plus… elle-même.

 Le Zohar nous dit que le mot “Oniot”, qui signifie “navire”, est à relier également au mot “Ani”, c’est-à-dire le mot “je”. La Echet ‘Hayil connaît sa personnalité, elle se connaît elle-même et sait très bien qui elle est au fond d’elle ! Elle sent son individualité profonde, son unicité, le fait qu’elle est unique dans sa génération et qu’en 5780 ans d’histoire, Hachem n’a jamais créé un être comme elle.

Être en lien avec le monde extérieur sans s’y noyer

Le Rav Yaakovson explique que l’eau représente la société, et, comme le navire, elle ne sombre pas dans le jeu de la pression sociale. Elle parvient à construire sa personnalité propre parce qu’elle apprend à se connaitre via des enseignements de Torah. Mais elle ne devient pas ce qu’elle est parce que c’est la société qui le lui impose.

Malgré tout, il reste un lien entre le navire et l’eau, tout comme il y a un lien entre sa personnalité et la société. C’est-à-dire qu’elle préfère s’entourer d’une communauté où il existe une pression sociale positive. Qu’est-ce qu’une pression sociale positive ? Une société où l’on pousse à travailler sur nos Middot, où l’on aspire à être des personnes agréables, s’investissant pour faire du bien dans la communauté, et où cela “ne se fait pas” de raconter des commérages ou de faire des arnaques. Elle sait s’entourer de personnes de valeur, qui s’entraident et qui sont bienveillantes les unes envers les autres, car cela la tire vers le haut.

Mais cela ne veut pas dire qu’elle va se noyer dans cette pression sociale ! A l’instar du navire, elle surfe dessus pour pouvoir avancer dans sa vie. Le navire est une construction humaine : c’est grâce à sa construction personnelle qu’elle va choisir une communauté où il existe une pression sociale stimulante, mais qu’elle ne va pas couler, sombrer dans le “qu’en-dira-t-on” et le “m’as-tu-vu”. Ses standards à elle resteront personnels et ne seront pas fixés par la société ni par aucune autre source extérieure, si ce n’est son appel intérieur qui a été éveillé par des enseignements de Torah.

Qui est la femme qui se cache derrière ce verset ?

Selon le Midrach, derrière chaque verset se cache une femme de la Bible. Dans ce verset, il s’agit de notre matriarche Ra’hel !

Le Midrach nous parle du fils de Ra’hel : Yossef. “Le navire, c’est Yossef qui a nourri le monde entier comme un bateau rempli de provisions”. C’est en effet grâce à Yossef que toute la région orientale, dont la terre d’Israël, va survivre à sept années de famine. Quel est le lien entre Ra’hel et Yossef ? Et quel est le lien avec notre verset ? Ra’hel a cédé sa place à sa sœur, Léa, sous la ‘Houppa. Pourtant, ce qui l’attendait après un tel acte de don de soi a été… la stérilité pendant de longues années. Or, bien que ne voyant aucune récompense à l’abnégation extraordinaire dont elle a fait preuve, Ra’hel ne regrettera jamais son acte ! De la même façon, Yossef va résister à la tentation de la femme de Potiphar et quel en a été le résultat ? Douze ans de prison ! Et pourtant, tout comme sa mère, il ne regrettera jamais son acte ! Au contraire, sa Emouna (foi en D.ieu) et sa Sim’ha (joie) n’en ressortiront que plus renforcés !

Ra’hel, Yossef, et la Echet ‘Hayil qui agit comme nous l’avons décrit précédemment, incarnent tous les trois la capacité à bien agir sans attendre de validation extérieure. Même dans un cas où le destin a semblé ignorer l’acte qu’ils ont fait, cela n’a pas pour autant provoqué en eux des regrets. Le simple fait de bien agir leur suffit à se sentir bien. De la même façon, la Echet ‘Hayil agit bien, non pas pour que le monde extérieur sache, valide, et “like” ce qu’elle fait. Elle se comporte bien pour la seule et unique raison d’avoir la satisfaction personnelle de bien agir.

Les trois conjointement Ra’hel, Yossef et la Echet ‘Hayil nous donnent le même message : n’attends pas que le monde autour de toi te donne raison, si tu es fière de toi-même, alors tu n’as rien besoin d’autre que la joie personnelle de bien agir !