En un temps où l’on essaye, dans diverses agglomérations en Israël, d’établir des transports publics le Chabbath, il n’est pas inutile de revenir sur la spécificité du Chabbath, qui n’est pas uniquement un jour férié, mais qui est chargé d’une spiritualité particulière. C’est, en fait, la signification du temps, dans la perspective de la Torah, qu’il convient d’analyser. C’est une réflexion sur la difficulté de la modernité à comprendre ce que le repos symbolise.

Expliquons d’abord pourquoi, dans le monde moderne, le repos du Chabbath ne peut pas être compris. Une société fondée sur le « Time is money » ne peut pas saisir une spiritualité absolue. La spécificité du repos sabbatique fondée sur une source divine est étrangère pour une civilisation technologique. La nécessité d’un « arrêt » du travail, d’une interruption dans l’activité, est une évidence : il faut, naturellement, se reposer ! Or, le Chabbath n’est pas du tout cela : il n’est pas un arrêt, une pause dans le travail. C’est exactement le contraire : il est une construction, il est un édifice que l’on construit, à partir de deux éléments, liés à un troisième, qu’il s’agit de définir. Le premier élément est le principe à partir duquel le monde a été créé : prise de conscience des travaux qui impliquent la construction du monde. Le second élément est la base de la foi en un Créateur, Qui a créé l’univers, S’est révélé à Son peuple et lui apportera le salut : Création, Révélation et Rédemption. Le troisième élément, lié aux deux premiers, est la prise de conscience de la Présence, le Chabbath, du Créateur, réellement présent auprès de ceux qui l’observent sincèrement.

Précisons ces trois éléments : les travaux interdits le Chabbath ne sont pas des travaux qui « fatiguent » celui qui les exécute, mais ceux qui ont contribué à la construction du Tabernacle dans le désert. Il n’est pas fatiguant de déplacer un objet du domaine privé au domaine public, mais c’est l’établissement d’une situation nouvelle, or c’est cela qui est contraire à l’esprit du Chabbath. Il en va de même pour les 39 travaux interdits. Allumer l’électricité n’impose pas d’effort, mais cela est lié à une étincelle, qui est une conséquence de l’allumage du feu – élément fondamental de l’énergie. Et l’on pourrait multiplier les exemples. Ce n’est pas l’effort qui est interdit, mais d’effectuer un fragment nouveau de création ; c’est à ce niveau que D.ieu est présent, parmi nous, à chaque instant, le Chabbath.

Le deuxième élément fondamental est l’insertion des 3 principes essentiels de la foi dans le déroulement du Chabbath : évocation, le soir, de la Création, rappel, le matin, de la Révélation, et annonce de la Rédemption dans l’après-midi. Une relation à ces 3 temps apparaît dans les trois prières du Chabbath à ‘Arvit, Cha’harit et Min’ha – ainsi que dans les 3 repas. Ainsi, le Chabbath est la quintessence de la foi d’Israël. Ici aussi, comme dans l’élément précédent, le Créateur S’invite dans l’observance : Il est l’hôte indispensable dans le foyer juif, le Chabbath. C’est le troisième facteur de la construction : recevoir dignement l’Hôte spirituel.

Que nous sommes loin, dans cette analyse véritable, de la compréhension du Jour de repos. Il ne s’agit en aucun cas du repos du dimanche ou du congé du lundi, car le jour du Chabbath est une journée sainte, consacrée à l’étude, à un ressourcement spirituel, à une halte destinée à l’élévation de l’individu. Refuser cette halte, c’est s’affirmer essentiellement étranger à la tradition d’Israël. Les efforts faits dans ce sens par plusieurs municipalités, en Israël, traduisent une ignorance, une incompréhension du sens de l’histoire juive. Les immigrants juifs orthodoxes, aux Etats-Unis, au début du 20ème siècle, qui avaient du mal à trouver du travail, et se trouvaient congédiés le vendredi parce qu’ils ne voulaient pas venir travailler le Chabbath, ces immigrants savaient qu’ainsi ils sanctifiaient le Nom de D.ieu, et acceptaient avec joie leurs difficultés. De cette façon, ils maintenaient la Tradition, et montraient à leurs familles l’importance de cette observance et ils eurent des descendants « Talmidé ‘Hakhamim » qui éclairèrent le peuple juif.

Nos Sages appellent le Chabbath, Mé’ein ‘Olam Haba, un avant-goût de la félicité éternelle. Si nous comprenons la vraie signification du « repos sabbatique », telle qu’on a tenté de la définir ici, alors il nous sera permis de comprendre l’essence de la Rédemption, la félicité du monde futur.