Attention à ne pas lire cette chronique comme un énième article sur l’antisémitisme. Une étude récente, publiée dans la presse, établit que, en 2021, le nombre des actes antisémites a augmenté de 34% aux Etats-Unis. Qui eût dit une chose pareille, il y a 100 ans, par exemple ? Les Etats-Unis étaient le refuge des Juifs de Russie et d’Europe orientale, qui fuyaient les actes antisémites. Rouge, brun ou vert, ce virus infecte depuis des siècles l’humanité ; selon l’étymologie, ce virus est lié à la scène du Mont Sinaï, c’est-à-dire est la conséquence de la Révélation (Sin’a - la haine - est proche du nom Sinaï). Cette lecture sémantique recouvre indiscutablement un aspect idéologique, mais il faut dépasser cette perspective pour réfléchir un peu autrement. L’antisémitisme ne serait-il pas un bienfait, utile pour le maintien du peuple juif ? S’il n’y a pas d’hostilité, pourquoi est-il nécessaire de s’affirmer ? C’est l’adversité qui donne une valeur à l’existence. Dans un livre intitulé « Pivoine », qui décrit la difficile assimilation d’une famille juive en Chine, Pearl Buck fait dire à l’un des personnages chinois essentiels : « Soyons bons avec les Juifs ; recevons-les favorablement, et alors ils disparaîtront ». Est-il un meilleur programme pour l’élimination du peuple juif ? Pas d’hostilité, pas d’adversité, et leur disparition est assurée !! L’antisémitisme est-il, dans cette perspective, un fléau ? Ne serait-il pas plutôt un aiguillon, un stimulant nécessaire pour assurer la survie du peuple juif ? La question posée se résume ainsi : le MAL est-il nécessaire pour permettre l’existence du BIEN ? Ce problème, existentiel, est extrêmement important. Faut-il inséminer le mal pour permettre au bien de germer ?

Il faut bien comprendre que c’est, effectivement, grâce aux microbes que l’on peut cerner les maladies. S’il n’y a pas de maladies, on ne peut guérir ! On doit comprendre, ici, où se situe le secret de la Création. Le philosophe Rosenzweig exprime ainsi ce problème : « Ce qui débouche comme OUI entre en scène comme NON » (L’Étoile de la Rédemption, p. 136). C’est l’existence du NÉGATIF qui donne sa signification au POSITIF. Le Ram’hal, dans le « Dérèkh Hachem », explique que, dans le processus de la création, le MAL est lié au BIEN et lui permet d’exister. C’est le libre arbitre de l’individu qui assurera le devenir de la création, en donnant la préférence au OUI sur le NON. Essav est né AVANT Ya'akov, et sort le premier du giron maternel. Bien qu’ayant été créé en second, il apparaît le premier dans le monde !

Ici, se pose le dilemme de l’existence : si le « premier » est négatif, il s’oppose au « second » qui est positif ; ne faut-il pas pour l’éducation lutter contre le négatif, s’en séparer, afin d’assurer l’existence du positif ? Fléau nécessaire, faut-il le combattre ? La réponse à ce dilemme se situe dans l’observance de la Mitsva, et dans l’étude de la Torah. Il ne faut certes pas encourager l’antisémitisme, mais plutôt que de lutter contre, encourager le pour : l’étude de la Torah est l’antidote nécessaire, car il faut comprendre que le but final de l’existence est d’assurer le Royaume Divin, et les armes destinées à cette fin ne doivent pas être une peur du négatif – un refus de l’antisémitisme – mais une construction du positif. C’est ici le programme de la Torah : assurer la proximité avec le Créateur, en étudiant, en observant. Ainsi, nécessairement, ce sera le négatif qui disparaîtra, grâce à la puissance de la lumière Divine qui brille dans le cœur de l’observant. Lumière qui n’éblouit pas, mais éclaire la Création et lui donne sa signification.