J'ai entendu cette semaine le propriétaire d'un magasin de vêtements interviewé à la radio, et j'ai eu de la peine, pas uniquement pour l'état de ses finances. « Notre commerce est fermé depuis plusieurs semaines, mais en revanche, on a ouvert les synagogues », a-t-il martelé à plusieurs reprises.

Qu'il est triste de voir combien ce virus a réussi à établir une séparation entre nous, à créer des confits entre nous. Il aurait dû unir toute l'humanité, résolue à se battre pour la vie.

Les synagogues ne sont pas ouvertes, ai-je répondu à cet homme au cœur gros interviewé à la radio. Elles sont plus ou moins fermées depuis presque un an. Ces dernières semaines, l'autorisation a été donnée à dix fidèles de prier dans l'enceinte de la synagogue, juste un Minyan. Ce n'est pas ça, une communauté est composée de bien plus que dix hommes. Toute l'expérience de la prière, du Kidouch, des fêtes, des rencontres, du vivre-ensemble, tout a disparu. Une communauté est composée d'hommes, de femmes et d'enfants. Ce sont des invités qui viennent uniquement pour le Chabbath, c'est une Bar Mitsva, c'est un Chabbath 'Hatan. Or, de cette permission minimaliste, dont une grande partie ne se sert pas, un grand nombre est arrivé à la conclusion que les synagogues sont ouvertes, et sur leur dos… D'où vient cette contradiction ? Le propriétaire d'un magasin ne souhaite pas se rendre à la synagogue, est-il question ici d'intérêts divergents ?

Nous avons déménagé quatre fois depuis le début du coronavirus. J'ai vu le monde juif se refermer sur lui-même : dans le quartier de Five Towns à New York, les Rabbanim du quartier ont prescrit de fermer les synagogues dès le début de la pandémie. Même des propositions de prier ensemble dans les cours ont été repoussées par les voisins. Tout le monde prie dans le salon de la maison, car c'est dangereux dehors, un point c'est tout. Nous sommes rentrés ensuite en Israël, confinés dans la région de Na'hal Sorèk. Les grandes synagogues furent fermées, et les gens ont prié les prières de Pessa'h dehors, dans la chaleur. Dans la localité de Na'halim, où nous avons loué une maison pour quelques mois d'incertitude, nous avons vu une communauté responsable fermer le cœur de la vie en collectivité, et sortir dehors dans les jardins et les cours. Aujourd'hui, nous sommes à Jérusalem, et là aussi, nous voyons de petits Minyanim éclore dans les jardins publics et les parkings d'immeubles.

La pandémie du coronavirus apporte suffisamment de malheurs. Inutile d'ajouter des malheurs superflus, de notre propre chef. Les critères doivent être uniformes, transparents, sans éveiller de jalousie, de haine, ou de concurrence superflue au sein d'un peuple qui se bat ensemble. Il convient peut-être de prier également à ce sujet, dans tous les Minyanim des terrasses et des jardins.

Sivan Rahav Méir - Journal "Yédi'ot A'haronot"