« Quand Israël sortit d'Égypte, la maison de Yaacov du milieu d’un peuple à la langue barbare. Yéhouda devint son sanctuaire, Israël, le domaine de son empire. La mer vit et s’enfuit… » (Téhilim 114,1-3)

D’après Rachi, c’est Yéhouda qui sanctifia le Nom divin, quand Na'hchon entra dans la mer en disant : "J'y entrerai en premier".

Rabbi Chimon Ich Katron affirme que par c’est par le mérite des os de Yossef que la mer se fendit, comme il est écrit : « La mer vit et s'enfuit » – par le mérite de Yossef qui prit la fuite devant la femme de Potiphar, en laissant son vêtement chez elle.

Le roi David fait allusion, dans le Livre de Téhilim aux événements qui se produisirent lors de l'ouverture de la Mer des Joncs – il parle de Yéhouda qui sanctifia le Nom divin puis, il affirme que la Mer « vit et s'enfuit ». Il ne nous dit pas exactement ce que la mer a vu. Le Midrach enseigne que la mer « vit » le cercueil de Yossef que le peuple juif avait sorti d'Egypte en quittant le pays. Il explique que par le mérite de Yossef qui décida de fuir devant la femme de Potiphar, la mer « s'enfuit » et se divisa pour laisser passer le peuple à pieds secs. Il semble donc que l'ouverture de la mer soit due au mérite de Yossef. Cependant, la Guémara[1], rapportée par Rachi, affirme que l'ouverture de la mer est accréditée à Yéhouda dont le descendant – Na'hchon ben Aminadav – fut le premier à entrer dans l'eau, prêt à sacrifier sa vie pour sanctifier le nom divin. On dirait donc que le même verset fait allusion à deux raisons tout à fait différentes quant à l'ouverture de la mer. Pourquoi ces deux actes furent-ils nécessaires pour provoquer l’ouverture de la mer ?

Concernant Yossef, on peut affirmer qu’il se surpassa en dominant ses instincts naturels et en sortant de la pièce où se trouvait la femme de Potiphar. Par son mérite, la mer alla au-delà de sa nature et s’ouvrit. On peut appliquer la même règle à Na’hchon Ben Aminadav – il agit de manière surnaturelle puisqu’il entra dans une mer déchaînée jusqu’à ce que l’eau atteigne le niveau de son nez et qu’il ne puisse plus respirer. Là aussi, son acte lui octroya le mérite de voir la mer agir de la sorte et s’ouvrir.

Mais nous n’avons toujours pas compris pourquoi ces deux actions étaient nécessaires. Pour ce faire, analysons les rôles uniques de Yossef et de Yéhouda. Le roi David parle de deux sortes de Avodat Hachem : « Sour Mera Vaassé Tov »[2] - Eloigne-toi du mal et fais le bien. Sur le plan individuel, s’éloigner du mal signifie éviter de mal agir et parvenir à surmonter ses défauts. A un niveau plus général, cela revient à combattre le mal dans le monde. Quand on parle de « faire le bien », cela signifie accomplir des bonnes actions et développer ses qualités, tandis qu’a un niveau plus collectif, cela signifie accroître et améliorer la Avodat Hachem dans le monde.

Le Chem Michmouël[3] explique que Yossef concentrait sa Avoda sur le côté « Sour Mera ». Il se garda de commettre de l’adultère, refusant même de regarder les femmes égyptiennes qui venaient le voir et par la suite, il surmonta l’épreuve soumise par la femme de Potiphar. Il fit son possible pour retirer le mal des autres également, en obligeant les égyptiens à se circoncire et en limitant ainsi leur Yetser Hara pour la débauche. Quant à Yéhouda, il représente le côté « Assé Tov ». Il était un homme d’action, assuma sa responsabilité dans l’acte qu’il commit avec Tamar, et il fut envoyé en Egypte pour préparer des maisons d’étude et paver la voie au peuple juif.

Dans le même ordre d’idées, nous savons qu’il y aura deux Machia’h qui délivreront le peuple juif, l’un descendant de Yossef et l’autre issu de la tribu de Yéhouda. On les appelle Machia’h ben Yossef et Machia’h ben David (David étant lui-même un descendant de Yéhouda). Le Chem Michmouël[4] écrit que le premier s’occupera de l’aspect « Sour Méra »[1] (éloigne-toi du mal) en détruisant les ennemis de la nation juive. C’est ainsi qu’il pavera la voie au Machia’h ben David qui devra compléter le travail par le « Assé Tov » (accomplis le bien) – le rassemblement des exilés et la reconstruction du Beth Hamikdach.

Il fallait donc ces deux façons de « briser sa nature » pour que le peuple ait suffisamment de mérites afin que la mer aussi agisse contre-nature – il fallait briser sa nature au niveau « Sour Méra » et briser sa nature au niveau « Assé Tov ». Yossef le fit (en utilisant l’aspect « Sour Méra ») quand il surmonta son désir naturel et qui prit la fuite devant la femme de Potiphar. Et Yéhouda brisa sa nature par le « Assé Tov » quand il surmonta son désir naturel de rester en sécurité sur la terre ferme plutôt que d’entrer dans une mer déchainée, jusqu’à ce que l’eau atteigne son nez.

Une fois associés, ces deux actes montrant des forces « surnaturelles » apportèrent assez de mérites pour que la mer agisse de manière surnaturelle et qu’elle s’ouvre[5]. Nous connaissons le principe de Maassé Avot Siman Labanim ; il signifie que les actes grandioses accomplis par Yossef et Yéhouda ont encore un effet positif sur nous. Yossef nous a inculqué la force de surmonter notre Yetser Hara lors des challenges que l’on doit relever dans notre vie et Yéhouda aussi, en nous apprenant à assumer nos responsabilités et à savoir agir audacieusement, même quand cela semble futile.

Puissions-nous tous mériter, chacun à son niveau, d’émuler Yossef et Yéhouda au niveau « Sour Méra » tant qu’au niveau « Assé Tov ».

 

[1] Sota 37.

[2] Téhilim 34,15

[3] Chem Michmouël Vayigach 5675.

[4] Chem Michmouël Vayigach 5677.

[5] On peut ajouter que la mer eut elle-même une attitude qui rappelle le « Sour Méra » et le « Assé Tov » - elle permit au peuple juif de la traverser (Assé Tov) et empêcha les égyptiens d’en faire de même, ce qui anéantit le mal qu’ils représentaient (Sour Méra).