Les pages que nous avons étudiées ces derniers jours du traité Brakhot dans le Daf Hayomi mentionnent que « celui qui voit dans son rêve de l’huile d’olive doit s’attendre à recevoir la lumière de la Torah » (Brakhot 57 a), se référant à un verset du début de notre Paracha Tétsavé « Pour toi, tu ordonneras aux enfants d'Israël de te choisir une huile pure d'olives concassées, pour le luminaire, afin d'alimenter les lampes en permanence » (Exode, 27-18). En effet, rien n’éclaire mieux que la Torah « Ki Ner Mitsva Vétorah Or » « la Mitsva est une bougie, la Torah est la lumière ». Et, précise le Or Ha’haïm Hakadoch, de même que l’huile d’olive est la source de la lumière, de même la Torah est la source de la lumière dans ce monde.

Ce verset, commenté par le Talmud, contient de profonds enseignements sur la relation que l’homme doit essayer d’entretenir tout au long de sa vie avec la Torah, afin de lui permettre d’éclairer sa vie.

Arrêtons-nous tout d’abord sur l’image de l’huile d’olive qui a, évidemment, été choisie à dessein.

Nos Sages nous font remarquer que l’olivier a ceci de particulier que son feuillage ne disparait jamais, il reste toujours vert aussi bien en été qu’en hiver, en automne comme au printemps. Cette permanence de l’olivier est une allusion à la permanence de la Torah. L’homme doit essayer de rester tous les jours de sa vie (et toutes les nuits) relié à son étude, aux paroles de sagesse de notre tradition, et à ses lois (Halakhot) qui ont vocation à l’accompagner dans toutes les circonstances, la nuit comme le jour.

L’homme est menacé dans ce monde par la puissance des désirs et des fantasmes matériels. Ces derniers projettent sur l’écran de son esprit et de son cœur des objets de désirs sans cesse renouvelés derrière lesquels il peut courir toute sa vie. Seule, la Torah permet à l’homme d’ « allumer la lumière » sur les véritables enjeux de la vie, et de comprendre la grande mission à laquelle l’homme est appelé durant son existence : se rapprocher de son Créateur, contribuer à parfaire le monde.

Examinons ensuite, la deuxième partie de ce verset qui mentionne que l’huile requise était une « huile pure d’olives concassées pour le luminaire ». Nos Maître attirent notre attention sur cette expression « concassées pour le luminaire ». Cette exigence de « concasser » les olives est une allusion au travail intérieur de l’homme qui doit s’efforcer de « concasser » son « Yétser Hara’ » (son « mauvais penchant ») afin de pouvoir dévoiler la lumière qu’il porte en lui. En effet, nos Sages nous mettent en garde contre les mauvaises influences, les dynamiques délétères qui peuvent s’inviter dans le cœur de l’homme et qui nuisent à son épanouissement (mélancolie, tristesse, auto-dévalorisation, colère…). L’homme doit s’efforcer, à la lumière de la Torah, de la fréquentation des Sages, de casser ces mauvaises influences afin de laisser émerger en lui la lumière dont il est porteur.

Et nos Sages de nous mettre en garde contre la tentation de la facilité, de penser que l’on peut atteindre la lumière de la Torah sans passer par ces efforts de maîtrise de soi, de construction intérieure qui sont parfois très durs. « Celui qui te dit j’ai peiné et j’ai fini par trouver [la sagesse], crois-le ! Mais celui qui te dit j’ai peiné et je n’ai pas trouvé [la sagesse], ne le crois pas ! » nous disent nos Maîtres. Seul celui qui est disposé à « concasser » sa nature pour en faire ressortir de l’huile pure est susceptible d’atteindre la sagesse. Son travail ne sera jamais, il sera aidé en ce sens par la providence divine qui rémunère sans faute tous les efforts.

C’est précisément cette disposition d’esprit qui a caractérisé de tout temps les grands Maîtres de la Torah : ils se dévouaient « corps et âme » à l’étude de la Torah, ils y consacraient le meilleur de leurs facultés afin d’atteindre la sagesse et une certaine forme de proximité avec le Maître du monde.

Voilà pourquoi, dans le traité Ména'hot (86a), les Sages du talmud ont aussi commenté ce même verset de notre Paracha en le précisant « [Il était requis] une huile pure et concassée pour éclairer (le chandelier) mais [il n’était pas requis] une huile pure et concassée pour les Ména’hot (les offrandes) ».

Parmi les différents sens que l’on peut donner à cette sentence talmudique, une interprétation consiste à rappeler à l’homme qu’il doit investir son énergie et donner le meilleur de lui-même avant tout pour éclairer le monde grâce à son développement spirituel, au raffinement de ses qualités humaines et non pas uniquement dans le « domaine du matériel » désigné ici par les Ménah’hot, les galettes de farines qui étaient offertes à l’époque du Temple.

Or, il est vrai que, dans ce monde, les hommes ont parfois tendance à consacrer la plupart de leur énergie, de leur temps, et de leurs capacités intellectuelles dans le domaine du matériel et du profane, et de se contenter d’un investissement minimum dans le domaine spirituel.

Enfin, rappelons que l’image de l’huile « concassée » a vocation illustrer la capacité de l’homme à faire preuve d’humilité, à casser « son orgueil » et sa prétention. Or, la modestie est souhaitable dans la mesure où elle permet à l’homme « d’éclairer » autour de lui, de recevoir les enseignements de la Torah et des Maîtres sans que son orgueil n’y fasse obstacle, et de pouvoir ensuite les diffuser et rayonner autour de lui.

En revanche, une humilité excessive qui confinerait à de l’auto-dénigrement, ou un mépris de soi, est fondamentalement réprouvé. C’est le sens symbolique de la deuxième partie de la sentence talmudique qui ne requiert pas de prendre une huile concassée pour les Ména'hot. En effet la racine du mot « Ména’hot » désigne le fait de se rabaisser (Rabbi de Gour, Beth Israël).

Aussi, nos Sages nous encouragent à faire preuve d’humilité pour pouvoir acquérir la sagesse et « éclairer » notre monde, mais ils nous mettent en garde contre une « humilité » excessive qui rabaisserait, discréditerait voire mépriserait l’image que nous avons de nous-même, notre dignité et notre capacité à agir.

C’est ainsi que ce premier verset de notre Paracha, apparemment technique et descriptif, a fait l’objet de nombreux commentaires de la part de nos Maîtres qui y ont puisé de nombreux enseignements moraux éternels relatifs à la nature humaine et à notre relation à la Torah. Puissions-nous avoir le mérite de nous en inspirer à notre tour pour servir le Boré 'Olam, le « Maître du monde », de la meilleure manière possible.