« Quand tu sortiras en guerre contre tes ennemis [et que] Hachem, ton D.ieu, les donnera dans ta main [que] tu leur fera des prisonniers ; et tu verras dans la captivité une femme belle de forme et tu la désireras – tu te [la] prendras pour femme. » (Dévarim 21,10-11)

La Paracha de Ki Tetsé commence par l’étonnante Mitsva de la Yéfat Toar, la femme de belle apparence. La Torah présente un scénario éventuel, en fin de combat. Elle reconnaît que si un soldat juif voit une non-juive durant la bataille, il risque d’éprouver un désir incontrôlable à son égard. Plutôt que de prendre le risque qu’il agisse de manière interdite, la Torah ouvre une voie au soldat envieux et lui permet d’assouvir son désir.[1]

Il semble que ce soit la seule situation où la Torah reconnaît la puissance du Yetser Hara et ses dangers, au point qu’elle offre un moyen de permettre un acte normalement interdit. Pourquoi cette situation est-elle considérée comme plus difficilement surmontable que les myriades d’autres occurrences où l’individu doit énormément lutter pour ne pas tomber dans les filets du Yetser Hara ?

Lors de presque chaque Nissayon (épreuve) où l’on risque de tomber dans le piège du Yetser Hara, il convient d’éviter au possible cette situation et si l’on s’y trouve malgré tout, il faut se protéger du danger le plus vite possible. Toutefois, ce ne sont pas des options envisageables pour un soldat qui mène une guerre sainte – il a l’obligation de partir au front et une fois qu’il y est, il lui est interdit de déserter. N’ayant aucune échappatoire face à cette épreuve, la Torah reconnaît que la situation est trop difficile à surmonter. Cela ne s’applique à aucun autre cas, parce que généralement, il n’est pas prohibé de fuir.

’Hazal parlent souvent de l’importance d’éviter la situation d’épreuve. Par exemple, si quelqu’un doit se rendre à un endroit et qu’il peut emprunter deux chemins, dont l’un jonché d’images indécentes, il doit passer par le second. Sinon, il est appelé « Racha », quand bien même il parvient à surmonter le Nissayon et qu’il ne regarde pas ces spectacles indécents. Ceci, car il est défendu de se placer dans une épreuve si celle-ci n’est pas indispensable.[2] D’ailleurs, nous demandons chaque jour à Hachem de ne pas nous mettre à l’épreuve, par crainte de trébucher[3].

Nos Maîtres, en dépit de leur contrôle de soi, faisaient tout pour éviter de devoir affronter un Nissayon. Rav Chalom Schwadron racontait souvent l’histoire suivante à propos de Rav Aharon Kotler.

Quand Rav Aharon vivait à Kletzk, son domicile se trouvait à une certaine distance de la Yéchiva ; emprunter les rues principales mettait à risque sa Chmirat Enaïm. Ainsi, il passait par les arrières cours, bien que cela lui demandait parfois de passer au-dessus de hautes barrières et autres difficultés. Une fois, deux jeunes hommes vinrent discuter avec lui de sujets de Torah jusqu’au moment où il leur fallait retourner à la Yéchiva. Il leur proposa de les raccompagner, en passant, comme d’habitude, par-derrière. Ils ne purent refuser. Quand ils atteignirent une allée avec de gros chiens aboyant férocement, ils avaient trop peur de continuer. Rav Aharon leur enjoignit de tenir les pans de son manteau et de marcher à ses côtés. Tremblants, ils obéirent et avancèrent. Et voilà que ces chiens ignorèrent le trio ! »

Rav Yossef Chlomo Goldschmidt souligne que Rav Kotler préférait de loin franchir de hautes barrières et passer à côté d’animaux dangereux plutôt que de passer par des rues où il verrait des images interdites. C’était ce qui lui importait – éviter le Nissayon.

L’individu affronte inévitablement plusieurs épreuves difficiles au cours de sa vie, mais il lui incombe tout de même d’éviter de se placer dans une situation d’épreuve. Ainsi, on réduit grandement le potentiel d’action du Yetser Hara qui tente, par tous les moyens, de nous faire succomber.

 

[1] D’après la plupart des Richonim, il est permis de cohabiter avec cette femme une seule fois, avant même qu’elle n’entreprenne le processus qui précède sa conversion potentielle et son mariage. Rachi et Ramban pensent que cela est interdit, mais qu’il a le droit de s’unir avec elle, même contre le gré de la captive, à condition qu’elle suive le processus la rendant permise au soldat.

[2] Baba Batra 58a, Brakhot 61a.

[3] Bien entendu, les épreuves à surmonter seront nombreuses, malgré nos efforts et le fait de les affronter nous permet de grandir. Mais on apprend ici qu’il ne faut pas choisir l’épreuve et se placer de plein gré dans une situation difficile.