Il leur dit : « Sortez et identifiez la voie droite à laquelle l’homme doit s'attacher. » Rabbi Eliézer dit : « un bon œil. » Rabbi Yéhochoua dit : « un bon ami. » Rabbi Yossé dit : « un bon voisin. » Rabbi Chimon dit : « Roé Èt Hanolad : voir les conséquences de ses actes. » Rabbi Eléazar dit : « un bon cœur. » 

QUESTIONS

1. Que signifie « celui qui voit les conséquences de ses actes » ?

2. Pourquoi, d'après Rabbi Chimon, est-ce la voie à laquelle un homme doit s'attacher ?

3. Pourquoi ne dit-il pas : « un homme qui connaît les conséquences, plutôt qu'un homme qui les voit » ?

Rabbi Chimon affirme qu'un homme droit doit s'attacher au principe de Roé Èt Hanolad, à voir les conséquences de nos actions. Qu'est-ce que cela signifie et pourquoi est-ce si important ?

De nombreux commentateurs expliquent que cela se réfère à la sphère spirituelle.[1] Lorsqu'un homme veut réaliser une certaine action, il peut être tenté de se focaliser sur les conséquences immédiates de cette action, mais Rabbi Chimon lui dit qu'il doit tenter d'en entrevoir les effets possibles à long terme. Cela comprend une bonne partie de la bataille entre le Yétser Hara' (mauvais penchant) et le Yétser Hatov (le bon penchant). Le Yétser Hara' persuadera par exemple un homme de manger un aliment à la Cacheroute douteuse, en raison du plaisir qu'il pourra tirer du goût de la nourriture. En revanche, le Yétser Hatov lui suggérera de considérer les conséquences, spirituelles à long terme de cette action. Au bout de quelques instants, le plaisir de la nourriture se dissipe pour toujours, tandis que l'effet sur son âme demeure.

Les commentateurs ajoutent que le choix de Rabbi Chimon correspond parfaitement au trait de caractère avec lequel il a été loué dans la Michna précédente : Yaré 'Hèt - celui qui craint la faute. Une personne qui craint la faute procèdera à une analyse précise des possibles conséquences de ses actions et érigera des barrières pour éviter de trébucher à l'avenir. Par exemple, un homme qui craint Hachem, mais se bat contre la tentation de regarder des images interdites, réfléchira avant de sortir dans la rue au vu des possibles défis qu'il risque d'affronter et il élaborera un plan afin de minimiser ces défis autant que possible, en choisissant par exemple un itinéraire plus sûr sur le plan spirituel.

Cela s'applique également au choix d'accomplir des actions positives qui apportent des bénéfices dans ce monde-ci, en regard de celles dont la récompense sera surtout accordée dans le Monde futur. La Guémara dans Tamid[2] décrit une personne qui entrevoit les résultats d'événements futurs, comme un 'Hakham, un homme intelligent. Le Yalkout Guerchoni cite un verset dans Michlé qui dit : « un esprit sage accueille des injonctions (Mitsvot). » La Guémara dans Sota[3] déclare que ce verset se réfère au moment où le peuple juif emporta les trésors d'Égypte avant de partir, tandis que Moché Rabbénou était occupé avec la Mitsva de collecter les ossements de Yossef pour les ensevelir en Erets Israël. Le Yalkout Guerchoni explique que Moché, par ses actions ici, incarnait le Haroé Èt Hanolad, reconnaissant que la Mitsva d'enterrer Yossef l'accompagnerait pour toujours, tandis que les bénéfices des trésors rassemblés par le peuple se dissiperaient bien avant.

La qualité de Roé Èt Hanolad est tout aussi importante pour la réussite dans le domaine matériel que pour la sphère spirituelle. Par exemple, le 'Hafets 'Haïm souligne que certaines personnes ont tendance à dilapider leurs économies sur des dépenses frivoles sans penser aux effets à long terme que cela risque d'entraîner.[4] De même, dans le domaine de la santé, une personne qui ne pense qu'au présent risque davantage de manger de la nourriture goûteuse mais malsaine, sans prendre en compte les effets à long terme sur sa santé. De la même manière, un fumeur pense au plaisir immédiat de la cigarette, mais ce qui lui reste, ce sont les préjudices à son corps. Dans de tels cas, un homme doit tenter de surmonter le désir naturel de profiter du ici et maintenant et considérer les effets à long terme de ses actions. Inutile de préciser que préserver sa santé ne se limite pas au domaine matériel – c'est une Mitsva de la Torah de veiller à sa santé et consommer de la nourriture ou des produits chimiques qui provoquent des dégâts au corps pourrait bien constituer une transgression de cette Mitsva.

Dernier point relevé par Rav Leib 'Hassman sur l'enseignement de Rabbi Chimon : il précise que Rabbi Chimon décrit la personne comme quelqu'un qui voit les futurs résultats, en opposition à la formulation à priori plus évidente de quelqu'un qui connaît les futures conséquences des actions. Il explique que la connaissance n'est souvent pas suffisante pour conférer un caractère tangible à quelque chose, mais il faut plutôt voir de manière tangible les possibles résultats de ses actions qui permettront à l'homme de faire un choix judicieux ici-bas. En conséquence, lorsqu'une personne emprunte une voie dangereuse et voit ce qui advient à un autre individu qui a déjà suivi cette voie, il aura bien plus de chance de modifier ses voies. Pour revenir à notre exemple, si un fumeur voit un autre fumeur devenir gravement malade, cela le motivera certainement plus que la simple information stipulant que des millions de personnes meurent en conséquence de la cigarette.

Puissions-nous tous mériter de voir les conséquences futures des événements.

 

[1] Voir Rabbénou Yona, Midrach Chemouël

[2] Tamid 32a.

[3] Sota 13a

[4] Cela ne contredit pas l'idée d'avoir du Bita'hon (confiance). Dépenser de l'argent sans planification ne provient généralement pas de la confiance en D.ieu d'une personne, mais plutôt d'une impétuosité ou d'un désir de jouir des bénéfices matériels de l'argent.