L’incroyable histoire d’amitié qui va lier un esclave hébreu, Eliakoum à un prince égyptien : Ankhéfènie, sensible à la souffrance humaine.

Sur fond de sortie d’Egypte, découvrez au fil des épisodes comment un héritier du trône égyptien s’apprête à troquer le pouvoir absolu contre une vérité qui le transcende, au fil de ses débats théologiques avec l’un des représentants de la caste la plus méprisée et la plus vile de la société égyptienne.

Résumé de l’épisode précédent :

Eliakoum s’est révélé être un excellent mouchard pour les agents de Pharaon. En cédant aux manipulations d’Anoukis, les sbires de l’empereur ont réussi à mettre la main sur le Rav Aboulkabat. Eliakoum a sombré dans les derniers retranchements de ses limites morales soumettant le Rav Abboulkabat à un interrogatoire indigne. Pendant ce temps, la plaie du sang a déjà révélée l’identité égyptienne du prince Ankhéfènie aux Hébreux de Goshen...

Les jeux de la capitale devaient se tenir dans deux jours et l’Egypte baignait dans le sang. Les gens étaient affaiblis par la soif, abattus par l’angoisse. Il n’y avait plus une goutte d’eau dans toute l’Egypte. Seul le village de Goshen échappait à “l’épidémie”. D’une manière tout à fait inexplicable, le Nil se changeait de nouveau en eau lorsque son lit passait aux abords de la ville où résidaient les Hébreux. Certains égyptiens creusaient aux alentours des puits, espérant profiter de cette eau bénite, mais dès qu’ils saisissaient l’eau, elle se transformait à nouveau en sang sous leurs yeux ébahis.

Pendant ce temps, le Rav Aboulkabat Halévi était détenu prisonnier dans une des cellules du palais en attendant d’être interrogé. L’état d’alerte nationale avait relégué l’affaire du Rav Aboulkabat au second plan, l’heure était à trouver de l’eau par tous les moyens.

Mais à Goshen, le sort du prince Ankhéfènie était bien différent. Les mains liées par des cordes derrière le dos, le prince avait été emmené de force dans une tente à l’écart du campement des Lévites, où il s’apprêtait à subir un interrogatoire musclé.

« Qu’es-tu venu faire à Goshen, l’égyptien ? », lança le colosse.

Yé’hiel faisait partie de la tribu de Naftali, c’est lui que l’on appelait pour régler les problèmes épineux… Il était grand et costaud, le visage carré, la barbe rousse. Il était effrayant… même les plus cruels égyptiens fuyaient son regard.

Le prince était assis sur une chaîne d’osier, au milieu de cette grande tente chargée de bibelots et de tapis en tous genres. C’était un débarras géant.

« Réponds, vermine ! Où est le Rav Aboulkabat ?! », vociféra-t-il les yeux remplis de colère. 

Avant même que le prince n’eut le temps d’ouvrir la bouche, le colosse le traîna de sa chaise, balayant au passage toutes les babioles dans un fracas infernal. 

« Parle, je te dis ! Où est le Rav ?! » 

Le prince se tordait de douleur. Dans la foulée, le colosse lui avait fêlé deux côtes. Il ne parvenait pas à sortir un son. Sa lèvre saignait. Il était à terre, plié en deux, les mains attachées comme un vulgaire malfrat, lui, le prince de la puissante Egypte.

S’avançant d’un pas agressif du bout de la pièce vers sa victime sans défense, l’hébreu faisait voltiger les tables sur son passage, Ankhéfènie peinait à se relevait. 

La bouche engourdie, il dit d’une voix à peine audible : « Attendez… s’il vous plaît, je vais tout vous expliquer… »

Mais le colosse ne décolérait pas. Il empoigna le malheureux par le col et le leva. Nez à nez avec lui, il lui signifia clairement : “ Tu vas passer un sale quart d’heure si tu ne me dis pas tout de suite où est le Rav Aboulkabat ”.

Au même instant, le rideau de la tente s’ouvrit. Une jeune fille se tenait sur le pas de la porte.

« Arrête tout de suite, Yé’hiel ! » s’écria-t-elle.

Le colosse lâcha immédiatement Ankhéfènie aussi facilement que s’il avait lâché une plume de sa main.

C’était Tahir, la fille du Rav Aboulkabat. Intriguée par les absences répétées de son cher père, elle décida de mener sa petite enquête et d’espionner les deux hommes lors de leurs entrevues. 

« Il n’a rien à voir avec tout ça, je peux te le garantir, Yé’hiel. Cet homme est venu voir mon père pour se convertir… ». 

Yé’hiel regarda Ankhéfènie et, après un instant, il s’abaissa de son immense stature pour détacher les cordes du prince qui avaient lacérées ses poignets.

D’un pas lourd, le géant sortit de la tente, laissant les deux jeunes gens seuls au milieu de ce tohu-bohu de chaises renversées et de tables retournées.

Une fois l’interrogateur sorti, la jeune fille mit son genou à terre comme il est d’usage face à un membre de la famille royale.

«Votre majesté », dit-elle avec révérence.

Le prince peinait à se relever, ses côtes lui faisait terriblement mal, mais au bout d’un instant, il parvint à se redresser complètement.

« Je vous en prie, jeune fille, relevez-vous, c’est moi qui vous dois allégeance, vous m’avez sauvé la vie… ».

Au palais du Pharaon, les entraînements intensifs dispensés par Eliakoum à Anarè touchaient à sa fin, les deux hommes avaient réussi à s’isoler pendant plus de deux semaines et Eliakoum sentait que le sosie du prince était fin prêt.

Les couloirs du palais étaient vides, quelques valets couraient par-ci par-là, mais rien de semblable à l’ordre paisible qui caractérisait le palais la semaine précédente. Les murs étaient maculés de sang, et les serviteurs de la cour cherchaient eux aussi désespérément de l’eau pour leur survie.

Eliakoum sortit des appartements du prince. Il pénétrait l’un des couloirs principaux. Il reconnut une silhouette qui lui était familière.

« Anoukis, Anoukis », s’écria-t-il, allant à son encontre.

« Comment vas-tu, ma bien-aimée ? » s’enquit-il.

Elle avait le teint pâle, l’air fatiguée.

« Tu te sens bien, Anoukis ? »

« Oui…Oui », répondit-elle l’air un peu embarrassée.

« Attends », dit-il. « Bois ça, ça va te rafraîchir un peu ».

Il décrocha sa gourde de son ceinturon, l’ouvrit d’un geste rapide et la mit entre les mains d’Anoukis.

Mais là, stupeur ! 

La gourde lui tomba des mains, elle se vida par terre sous les yeux abasourdis d’Eliakoum. L’eau s’était transformée en sang au contact d’Anoukis. 

« Tu… tu n’es pas… hébreue », peina-t-il à lâcher.

Elle le regarda interdite, puis, sans mot dire, prit la fuite, laissant l’Hébreu bouleversé au milieu de ce grand couloir vide…