La plus grande des lâchetés est sans doute celle qui consiste à laisser tomber un ami ou tout simplement un être humain, au moment où il se trouve dans la tourmente.
Et pourtant.
Le gouvernement anglais, dépourvu de tout scrupule, soucieux de ménager les susceptibilités arabes pour préserver la stabilité de ses colonies en Palestine, va publier ce 17 mai 1939 un document officiel au nom bien clean de Livre Blanc, The White Paper, qui exposera les nouveaux quotas d’immigration en Terre Sainte pour les populations juives.
Les nouvelles limitations sonneront pour des dizaines de milliers de réfugiés fuyant les décrets des nazis à travers l’Europe, comme un décret de mort.
Les Anglais savent très bien que le monde civilisé verrouille ses frontières, ferme ses ports et interdit l'accès à ses villes aux Juifs, et pourtant ils réduisent à peau de chagrin le nombre de candidats à l'entrée en terre sainte.
Le gouvernement britannique aura ainsi honteusement trahi les promesses faites 22 ans plus tôt dans la fameuse Déclaration Balfour, signée en 1917. En effet, le Royaume-Uni, grâce à l’initiative de son ministre des Affaires étrangères Arthur James Balfour (1848-1930), y annonçait « voir d’un œil favorable l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ».
Les conséquences
En 1942, le tristement célèbre navire Struma, avec 769 réfugiés juifs roumains à son bord, ne pourra accoster en Palestine, mais en Turquie, et se verra obligé de faire demi-tour vers l’Europe occupée, les Britanniques ayant refusé d’émettre aux passagers des visas d’entrée pour la Terre Sainte.
Coulé en mer Noire, tous les passagers périront sauf un, David Stoliar.
Ce « blanc document » et la mise en application de ses clauses resteront dans l’histoire comme l’un des moments les plus sombres de la politique britannique en Palestine.
La Grande-Bretagne devra porter sur la conscience la responsabilité de ces morts, pour non-assistance à personne en danger et leur abandon à l’impitoyable machine à tuer germanique.
Même après la Shoah
Mais rien n’émeut la british indifférence : même à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, après la libération des camps, l’application des quotas s’intensifiera encore, luttant particulièrement contre l’afflux massif des rescapés de la Shoah.
C’est dans ce contexte, en 1947, que la tragique histoire du bateau Exodus aura lieu, alors que ses passagers, survivants des déportations, seront renvoyés vers l’Allemagne.