Qui n’a pas lu "Tintin et le Temple du Soleil" ?
C’est peut-être le livre le plus abouti d’Hergé, tant au niveau du scénario que des planches au graphisme sublime.
On voyage, pour le prix d’une BD, en Amérique latine. On traverse dans la neige et en poncho la chaîne des Andes, on enjambe des ponts de cordes, suspendus au-dessus d’abîmes vertigineux, et derrière une chute d’eau, on découvre ce peuple mystérieux qu’étaient les Incas.

Peuple idolâtre, adorant le soleil, les Incas vivaient dans la région actuelle du Pérou et tiraient leur richesse de mines d’or et de pierres précieuses qu’ils exploitaient et consacraient exclusivement à leur dieu Soleil — Inti — et à son représentant sur terre, l’empereur inca.
Cette société ne fonctionnait pas sur la recherche de l’enrichissement personnel, mais — étonnamment — sur des bases de partage équitable des biens (à l’exception, bien sûr, de la classe dominante des dirigeants) et sur le travail agricole collectif de la population.
Les Incas n’étaient pas corrompus par leurs richesses.
Il est mort, le Soleil…
Mais le 16 novembre 1532, un Conquistador espagnol du nom de Francisco Pizarro débarque au Pérou, bien décidé à faire fortune sur le dos des autochtones, comme Cortés l’avait fait quelques années plus tôt avec les Aztèques du Mexique, qu’il décima en 1521.
Pizarro n’a aucune conscience morale : il est cupide, dénué de tous scrupules, et pour s'approprier les trésors incas, il est prêt au pire.
Le Conquistador invitera l’empereur inca Atahualpa à une rencontre qu’il promet pacifique, mais le fait capturer et massacre la délégation de plusieurs milliers d’hommes qui l’avait accompagné.

Il exige une rançon colossale en or et en argent pour libérer Atahualpa — et une fois empochée (près de 4,6 millions de ducats, soit l’équivalent de centaines de tonnes d’or), il fait exécuter l’empereur le 29 août 1533.
C’est la fin de l’empire inca.
Au XVIᵉ siècle, l’Espagne, grâce à ses conquêtes coloniales — notamment en Amérique du Sud —, va amasser des fortunes faramineuses.
Mais cet argent dérobé à coups de massacres et de malhonnêteté ne profitera pas à l’empire : il sera dilapidé dans des guerres sans fin.
L’avalanche soudaine de richesses provoquera une inflation gigantesque qui ruinera l’économie espagnole.
Quarante ans plus tôt, le départ des Juifs d’Espagne — puissant moteur économique et intellectuel du pays — avait déjà amorcé ce déclin.
« Edom vivra de son glaive », avait prédit Its’hak à son fils 'Essav. Et ainsi fut.
Toute l’Histoire contemporaine n’est que guerres, conquêtes et conflits.
Mais attention : si l’on veut faire des Incas les bons sauvages de Rousseau, c’est un leurre.
Eux aussi — comme les Aztèques — pratiquaient le cérémonial du sacrifice humain (et même celui d’enfants) offerts à leurs dieux, dans une ferveur païenne d’une rare cruauté.
Les Incas sacrifiaient leurs fils pour leurs dieux et les Espagnols ont massacré les Incas pour une autre divinité, l'or.
Entre l'appât du gain et le culte de l’idolâtrie, il n’y eut pas de vainqueur —
seulement l'histoire d'hommes qui, chacun à leur manière, auront trahi le message de l'humanité.





