Débridé, décomplexé, délirant, différent : le journal de l'heureuse Maman d'une petite enfant trisomique.
Enceinte, dès le début de ma grossesse, une pression a été exercée pour que je fasse une amniocentèse, afin de vérifier une éventuelle trisomie.
J’ai refusé cet examen, potentiellement dangereux pour le fœtus. Ma décision était prise : dans tous les cas, je voulais garder mon bébé.
Puis des amies, en grand nombre – très grand nombre – m'ont raconté leurs expériences et les discours médicaux qu'elles avaient reçus, les poussant à l’avortement, avec pour seul critère la largeur de la nuque du fœtus, la clarté nucale ou d’autres diagnostics discutables leur annonçant que leur enfant serait "anormal"...
Ce qui, finalement, s’avéra ne pas être le cas à la naissance. Leur enfant aurait pu ne jamais voir le jour.
J’ai ressenti – et vécu – cette pression qui enlève toute notion de choix réel. Elle vous empêche d’imaginer un bonheur possible avec un enfant différent. On m’exprimait, parfois très directement, combien "il vaudrait quand même mieux ne pas la garder".
À la naissance, il m’a fallu un petit moment – avec la chute des hormones – pour digérer cette réalité, qui n’était plus du domaine de la fiction.
J’ai eu peur. Peur de ne pas pouvoir gérer.
Tant de prières pour cela ?
Je me disais, en colère : ce n’est pas juste. À quoi bon ma Téchouva ?
J’ai été prise dans une véritable tempête émotionnelle.
Mais grâce au soutien incroyable des infirmières, de l’équipe soignante, du service de réanimation de ma fille, j’ai accusé la vague et sorti la tête de l’eau.
Pourquoi je vous parle de cela ? Pourquoi n'ai-je pas le ton de l’humour aujourd’hui ?
Parce que nous venons de commémorer Yom Hashoah.
Hitler, dans sa folie meurtrière, voulait entre autres éliminer tous les handicapés, tous ceux qui n’étaient pas conformes à ses critères : les trisomiques aussi.
Nous sommes en 2025, et je reste stupéfaite devant les statistiques d’avortement pour raison de trisomie 21.
La loi permet aujourd’hui l’avortement jusqu’au terme, jusqu’au jour même de l’accouchement.
Et selon l’Agence de la biomédecine, 77,3 % des fœtus diagnostiqués porteurs de trisomie 21 sont avortés.
Alors je m’interroge, bien que sans jugement, sur les raisons de ce chiffre.
La pression sociale ? Une politique sanitaire ? Une difficulté de notre société à accepter la différence, le handicap ?
Comment l’État peut-il permettre de supprimer une vie à neuf mois de grossesse ?
Ma fille, mon héroïne, ma Sheyna, est une sanctification du Nom divin rien qu’en étant vivante.
Elle est le signe de l’acceptation et de l’amour de l’Autre.
Vivante, avec sa trisomie 21, elle est une victoire. Une revanche contre la barbarie nazie.
Bien sûr, j’ai une tonne de questionnements quant à son avenir. Mais en réalité, c’est elle qui prend soin de moi. Et je crois en elle, en son potentiel.
Chaque matin, je me lève, et je suis émerveillée par son sourire, qui me donne des forces.
En cette période de souvenir de la Shoah, ma fille nous rappelle combien chaque vie compte et qu’Hachem est présent en chacun d’entre nous.
Et nous aime i-n-co-n-d-i-t-i-o-n-n-e-l-l-e-m-e-n-t.
La Maman de Sheyna






