[...] Et il y eut d’épaisses ténèbres dans tout le pays d’Égypte pendant trois jours. On ne voyait plus son frère, et nul ne se leva de sa place durant trois jours. Mais pour tous les enfants d’Israël, il y avait de la lumière dans leurs demeures.” (Chémot 10 : 22/23)


Ruth Katzar — Katz en allemand — est née en Allemagne il y a 45 ans, et s’est convertie au judaïsme à 30 ans, après avoir connu son mari, candidat alors à la prêtrise catholique, mais déjà terriblement sceptique quant au sacerdoce qu’il s’apprêtait à endosser. 

Trop cohérent et en quête de vérité pour fermer un œil sur les contradictions évidentes qu’il découvrait dans les textes fondateurs du Nouveau Testament, il rencontra sa future femme à ce moment, au carrefour de sa vie, et lui fit part de ses interrogations.
L’histoire de ce couple est édifiante mais nous voudrions retenir du témoignage de Ruth, ce qu’elle, jeune Allemande de bonne famille, nous raconte sur son milieu, avant cette rencontre avec David.

Omerta à l’allemande

Scolarisée, issue d’une famille de la petite bourgeoisie, Ruth a pu grandir sans avoir entendu parler jusqu'à l'âge de 28 ans (!!) de la Shoah, le plus grand crime perpétré en ce monde, organisé, pensé et mis en œuvre par son pays et ses dirigeants.
On rêve.
Et les cours d’histoire à l’école ? Et les discussions en famille autour d’un film ?
Eh bien non, dit-elle. 

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Chaque professeur d’histoire a en effet la liberté de décider comment enseigner les événements, et up to him d’effectuer quelques petites « coupures » là où bon lui semble.
Et si le sujet brûlant n’émergeait même pas au détour d’une discussion entre amis, c’est vraisemblablement parce que de nombreuses autres familles avaient adopté cette même méthode : ne pas en parler pour que ça n’ait pas existé.
Facile comme « Guten Tag ».

Ruth explique qu’en Allemagne, la structure sociale n’est pas communautaire, mais familiale, autocentrée sur elle-même, et qu’il ne transpirera des murs de la maison que ce que les parents veulent bien y laisser entrer.

La coquette vitrine de l’Enfer

Le témoignage de Ruth est parfaitement étayé par un film récemment sorti sur la Shoah, aux données historiques exactes, qui décrit la vie de la famille de Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz, qui vivait avec sa femme et ses cinq enfants dans une maison mitoyenne du camp de la mort. On y assassinait chaque jour jusqu’à 6 000 internés.

Hedwig, son épouse, a fait de l’endroit un petit paradis où il fait bon vivre, avec jardin potager, propreté à l’allemande, et surtout la si « pratique » proximité du travail de son mari.

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Ce qui se passe de l’autre côté du mur de la petite maison des Höss n’intéresse personne. L’indicible et l'ineffable est suggéré dans le film par des échappements de fumée noire dans le ciel au loin — celle des fours crématoires —, et par une fumée blanche qui passe et repasse à l’horizon de l’impeccable décor — celle des trains de déportation qui arrivent avec leur cargaison humaine.
C’est la vitrine parfaite d’une famille exemplaire, qui éduque bien ses enfants, et dont le père, fatigué par une éprouvante journée de travail (passée à diriger la plus grande fabrique de mort que la terre ait portée), s’endort satisfait en racontant une histoire de fées à sa petite fille…

Les sabots du porc

Ce souci germanique du paraître, de ne surtout pas remuer les consciences ou avouer ses torts, nos Sages le connaissaient bien.
Nos Maîtres ont fait remarquer que le porc, qui montre ses sabots fendus à tout venant — signe extérieur de pureté, alors qu’il est un animal impur — symbolise cette tournure d’esprit qui veut prouver qu’on est un Mensch, quelqu’un de bien, même lorsqu’on s’adonne aux pires exactions.

D’ailleurs, si aujourd’hui, le Chancelier allemand, Merz, ose critiquer Israël dans son offensive — on ne peut plus légitime — contre la barbarie, c’est bien parce que le devoir de souvenir s’effrite en Germanie.

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Reconnaître et avouer se dit Léhodot en hébreu : et “comme par hasard”, on y trouve la racine exacte du mot Yéhoudi

Aux antipodes des façades et des non-dits d'’Essav, le Juif, par essence, s'introspecte et ne laisse rien dans l’ombre. Car c’est justement ce travail de découverte de ce que l'on est, sans filtres, qui nous met à l'abri des déviances et des excès.

La Plaie biblique des Ténèbres nous aura mis en garde contre cette néfaste tendance à laisser sa conscience dans l’obscurité, à préférer se mouvoir dans l’opacité, plutôt que de choisir l’aveu et la transparence par rapport à ses actes.

Lourde matière à réflexion.

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Une « Mamie Nazie » : Ursula Haverbecka