Le saint Rav Beifus, Juif sincère, craignant D.ieu, se trouvait à l’hôpital à la fin de sa vie, et sentant ses dernières heures venues, à l’étonnement de ses proches, demanda qu’on lui apporte les billets du Carnaval brésilien qu’il avait achetés 60 ans plus tôt.
La famille craint soudain que l’homme ne commençât à perdre la tête.
Était-ce bien le moment de réclamer de vieux tickets sans importance, soigneusement rangés dans une petite mallette, dont chaque liasse était entourée d'un élastique de couleur ?
Mais Rav Beifus, on ne peut plus lucide, insista auprès de ses enfants pour qu'on les lui apporte, revenant sur le fait que c’était avec eux qu’il voulait faire le Grand Voyage, car ces billets étaient ceux de son entrée au Paradis…

Rio de Janeiro se prépare pendant un an à son Carnaval.
À peine les costumes rangés, les paillettes ramassées à la pelle sur les trottoirs, les touristes rentrés au bercail, que la ville se réveille, la tête un peu lourde, la bouche pâteuse, pour recommencer les préparatifs du prochain Carnaval.
Pas de pause pour les aficionados.
Ainsi les Brésiliens conçoivent-ils la vie : un long, long fleuve, pas tranquille du tout, de musique, de salsa, de fanfare, de bruit, de strass et de foule en liesse.
Futile, me direz-vous.
Pas pire que la vodka et le Bolchoï.
Que le tango et la pampa.
Que l’Emmenthal et les Rolex.
Chaque peuple et sa conception des plaisirs de la vie.
Brazil à Péta'h Tikva
Eh bien justement, un carnaval brésilien, il y a 60 ans, s’était invité à Péta'h Tikva, et tout le pays se réjouissait.
Il faut comprendre comment marche la tête de l'Israélien commun : si la mode est à la taverne de Ouzo et au sirtaki enflammé, ils adopteront le genre, courront voir Zorba le Grec, pensant que si le grand monde apprécie, eux aussi, doivent se mettre aux couleurs du Pirée.

Et le fait que la Grèce et son gouvernement soient virulemment antisionistes, limite antisémites, ne dérangera personne.
Et donc, si le Brésil est dans le vent, et bien il faut être Brésilien coûte que coûte, et on se doit de venir applaudir la troupe sud-américaine.
Donc, tout le monde se réjouissait, sauf... le Rav Beifus, jeune marié à l'époque !
En lisant les affiches sur les murs de sa ville, cet homme intègre vit avec effroi, que le spectacle était prévu pour le Saint jour du Chabbath.
Il fit toutes les démarches possibles, pour repousser ou avancer l’événement, alertant les organisateurs, la municipalité, les autorités et la salle qui devaient accueillir la troupe.
Mais rien n’y fit.
Alors il fit quelque chose d’immense et d’incroyable : il acheta tous les billets de la représentation, pour qu’aucun Juif, à D.ieu ne plaise, ne profane le Chabbath. Même si pour cela, il dut vendre son appartement…
Lorsque le Steipeler de mémoire bénie (père de Rav Haïm Kanievsky zatzal) entendit l’histoire, il fut touché aux larmes, et dit que le Rav avait acheté ses billets pour le Paradis.
Les mots du Gadol ne tombèrent pas dans l'oreille d'un sourd, et Rav Beifus garda précieusement, religieusement, les billets du Carnaval... qui grâce à lui, n'eut jamais lieu.
On n'aime pas parler de l'au-delà, je vous en conviens.
Nous voulons tous vivre jusqu'à 120 ans, et bien plus, sans qu'on ne nous turlupine pas avec le Moussar macabre et attristant de la fin de notre voyage ici-bas.
Mais que faire, si la vie qui file nous interroge, et qu'à peine nés, nous voici déjà à l'âge de la vigueur puis des tempes grises.
La samba, c'est beau, le Carnaval aussi, mais les billets de Rav Beifus...
C'est quand même autre chose !






