Rabbi Baroukh Abi’hssira de Nétivot (Baba Baroukh) a récemment accordé une interview à Torah-Box, au cours de laquelle il a rapporté des faits inédits sur son père, Sidna Baba Salé. Son témoignage ne nous laissera pas indifférent, relatant un vécu dans lequel les miracles faisaient partie du quotidien, avec des préoccupations bien éloignées du commun des mortels. Le souci unique de ce grand Tsadik tout le long de son existence fut en effet de savoir comment servir D.ieu de la façon la plus parfaite, atteignant ainsi des degrés de spiritualité inégalés.

Dans son récit, un fait nous a interpellés : c’est l’attitude de Baba Salé en terre d’Israël. Celui-ci voyagea en terre sainte à plusieurs reprises avant de s’installer définitivement en 1973 dans la ville de Nétivot. Alors qu’au Maroc il dirigeait depuis le décès de son père la communauté de Tafilalet, se déplaçant de village en village pour y renforcer le judaïsme, et tranchant toutes les questions de Halakha, lorsqu’il habitera en Israël, Baba Salé choisira de vivre dans une discrétion extrême. Il refusera le poste de Grand-Rabbin d’Israël qu’on lui proposait, il habitera dans un modeste HLM et le seul contact qu’il conservera avec le public consistera à octroyer ses bénédictions à ceux qui le sollicitaient. Son fils, Baba Baroukh, racontera même qu’une fois il trouva son père assis par terre en pleurs, justifiant sa peine par le fait qu’on lui témoignait trop d’honneurs !

Son extrême humilité ne manquera pas d’étonner ceux qui l’ont côtoyé dans le passé et qui connaissaient la grandeur de Baba Salé et son savoir phénoménal dans la Torah. Pour beaucoup en Israël, il n’était perçu que comme un Tsadik servant de la Ma’hya (eau-de-vie) à ses visiteurs éprouvés et les bénissant, mais non comme un géant de la Loi et du Talmud, qu’il maîtrisait en fait parfaitement. 

C’est peut-être dans la Parachat Chela’h Lékha que se trouve l’explication à sa conduite surprenante. En effet, la Torah nous y rapporte qu’avant de conquérir la terre de Canaan, les Bné Israël décidèrent d’y envoyer des espions, “tous des chefs de tribu”, pour préparer le terrain. À leur retour, 10 parmi ces 12 explorateurs vont décourager le peuple, cherchant à prouver l’impossibilité de réaliser cette conquête. Nos Sages nous rapportent qu’en réalité, ces diffamateurs craignaient de perdre leur rang de dirigeants une fois rentrés en terre d’Israël, et dans ce but ils avaient choisi la médisance et le mensonge. Les Hébreux se laisseront convaincre, doutant ainsi de l’assurance divine, et seront punis en restant errer dans le désert durant 40 ans.

La terre d’Israël ne supporte pas l’orgueil, et celui qui ne peut se défaire de sa fierté et de son haut statut social n’y trouvera pas sa place. Les 10 explorateurs étaient conscients que l’entrée dans cette terre allait se payer par l’annihilation de leur rang privilégié, et ils décidèrent alors de décourager les Hébreux à y monter. Ce lieu saint représente le palais du Roi : tout ce qui s’y déroule s’inscrit selon un protocole particulier, et tout ce qui est étranger à la volonté divine sera voué à l’échec à plus ou moins long terme. Ce n’est qu’avec beaucoup de sagesse et d’humilité qu’il est possible d’évoluer en Israël, pays élu et sanctifié par l’Éternel.

Dans cette perspective, il n’est pas étonnant que Sidna Baba Salé, qui était un véritable serviteur de D.ieu, ait décidé à son arrivée en Israël de s’éloigner de l’orgueil de façon extrême, prêt à renoncer à la reconnaissance qui lui revenait de par sa haute stature de Talmid ‘Hakham. Ceci évidemment n’est qu’une supposition, mais elle correspond bien à l’image que l’on a de ce grand Rav, qui ne cherchait que la sanctification du Nom de D.ieu tout au long de son existence.

Que son souvenir soit pour nous une source de bénédiction !